J'ouvre grands les yeux, étonnée et chamboulée tout à la fois. Ai-je bien entendu ? Holder a toujours des sentiments pour moi ? Je secoue la tête. Non, c'est impossible.
— Arrête de te moquer de moi, lancé-je.
C'est au tour d'Holder d'écarquiller les yeux.
— Je ne me moque pas de toi, Auden. Tout ce que je t'ai dit est vrai. Je n'arrive pas à t'oublier.
Je ferme la bouche, abasourdie. Il s'approche de moi et s'empare des livres dans mes bras. Je le regarde faire, sans savoir ni quoi dire, ni quoi faire. J'essaie encore d'assimiler ce qu'il vient de me dire.
Il finit par poser mes livres sur une table non loin de nous et rajoute les siens sur la pile, déjà assez bancale et haute comme cela.
Holder soupire avant de s'approcher de moi. De ses mains désormais libres, il attrape les miennes. Je lui adresse un petit sourire désolé avant de détacher mes mains des siennes.
— Ecoute, reprend-t-il. Je sais que ça doit sans doute te faire un choc, mais...
Je retrouve aussitôt l'usage de la parole.
— Un choc ? Vraiment, Holder ? je le coupe. Tu imagines ce que je peux ressentir, là, tout de suite, après une telle révélation ?!
Il laisse tomber ses mains le long de ses flancs. Il se passe nerveusement une main dans ses cheveux et plonge son regard dans le mien. Holder semble ennuyé, mais je suis trop en colère pour lui répondre.
Il ose me dire ça ! D'accord, j'étais partie pour lui pardonner, c'est vrai, mais je n'avais pas prévu cela ! Je ne comprends pas. Quelque chose me chiffonne : s'il tenait vraiment à moi, il ne serait pas venu me voir plus tôt ?
— S'il-te-plait, Aud, dis quelque chose... il me supplie presque.
Je manque de sursauter. Sa voix... c'est la première fois qu'elle sonne aussi étrangement. C'est bizarre, je ne l'avais jamais vu aussi... abattu ? Non, c'est clair, je ne le comprends plus.
— Ecoute, Holder, je ne sais pas quoi te dire. Je... je suis perdue. Je ne pensais pas que tu pouvais encore ressentir quelque chose pour moi. Je croyais que tu m'en voulais pour la façon dont j'ai rompu avec toi. Je n'imaginais pas une seule seconde que tu pouvais encore tenir à moi.
Il s'approche.
— Pourtant, c'est le cas, dit-il.
Je le regarde, les yeux emplis de larmes. A vrai dire, je ne sais pas quoi lui dire. J'ai peur de le faire souffrir à présent. Je suis amoureuse de Kendel, son demi-frère... J'ai eu tellement de mal à me remettre de lui. Je ne sais pas si ce serait vraiment une bonne idée de sortir à nouveau avec lui.
D'un coup, je me demande ce que penserais Kendel. Après tout, je ne lui ai même pas laissé l'occasion de s'expliquer... Non, Aud ! lance ma conscience. Il ne l'a pas repoussé, cette Alisson !
Je hoche la tête. Cette stupide petite voix à raison. Je ne devrai pas penser à Kendel. Après tout, c'est lui qui m'a brisé le cœur, pas moi.
— Je ne sais pas, Holder. Ça parait tellement... invraisemblable. Tous les deux nous sommes rapidement sortis ensemble. On ne s'est jamais posé de questions, on a toujours agi sur un coup de tête.
Holder s'empare de mes mains. Cette fois-ci, je le laisse faire. Il sourit en voyant que je ne repousse pas.
— Justement, Aud. Cette fois, tout sera différent. Je te le promets. On parlera, si c'est ce que tu veux.
— Je... je ne sais toujours pas. Me promettre que tu feras des efforts, cela je veux bien le croire, mais... Tu sais bien que ce n'est pas ça qui a causé notre rupture, Holder. Tu le sais parfaitement, précisément.
Il hoche la tête, comme prit sur le fait. Puis, il la baisse.
— Ma jalousie, chuchote-t-il.
Je lâche l'une des mes mains pour la laisser se nicher derrière la nuque. Il relève la tête vers moi.
— Tu l'as dit toi-même, Aud. On ne s'est jamais posé de questions, dit-il.
Ses yeux brillent d'une lueur d'espoir. Le voir comme ça, pour moi, me fait chaud au cœur. Je n'ai toujours pas pris de décision, mais, là, le voir comme ça... Cette attitude nuit à mon jugement, pourtant, je ne veux pas qu'il quitte cette expression. Elle me donne des ailes.
— C'est vrai. Et... ? Où veux-tu en venir, exactement ? j'appuie sur le dernier mot.
Il sourit en passant ses mains derrière ma taille. Je suis incapable de camoufler le mien, c'est trop compliqué. Mon autre main vient rejoindre la deuxième, c'est-à-dire, elle vient se nicher derrière sa nuque.
— Pourquoi on commencerait à le faire alors ? il sourit.
Je hoche la tête. Il a raison. Tant qu'il n'y a pas de problèmes, pourquoi plus réfléchir ?
Holder semble entendre mes pensées car il se penche vers moi pour m'embrasser. Une fois ses lèvres sur les miennes, je reste muette à son baiser un instant. Me ressaisissant, je presse aussitôt mes lèvres contre les siennes pour lui rendre son baiser. Je ne réfléchis pas, je fais ce que j'ai envie de faire.
Il resserre l'étau de ses bras autour de moi. Je souris contre ses lèvres et il en profite pour me porter contre lui. Je noue mes jambes autour de sa taille et il me porte jusqu'à une table. Il me pose dessus, et, toujours sans rompre notre baiser, il me pousse contre son torse. Nos langues se mélangent et dansent diaboliquement. Je me laisse emporter par ce baiser.
Soudain, il commence à faire chaud. Holder ne semble rien remarquer et continue de m'embrasser. Son baiser se fait de plus en plus insistant. Au moment où je m'apprête à me détacher de lui, un faible courant d'air vient traverser la pièce et une voix hurle :
— Oh. Mon. Dieu. Dites-moi que je rêve !
Holder se détache aussitôt de moi et se retourne. Je suis son regard pour tomber nez-à-nez avec la personne que je voulais le moins voir au monde.
Ses mains aux ongles parfaitement manucurés sont posées sur son visage.
— Que fais-tu là, Heather ? tonne la voix d'Holder en face de moi.
Rouge de honte, j'observe Heather qui lève les yeux au ciel,
— Ce que je fais là ? repère-t-elle. La prof m'a envoyé, elle se demandait pourquoi vous mettiez autant de temps. Mais je comprends, maintenant...
— La porte était bloquée, je murmure d'une toute petite voix.
Elle se penche vers la gauche et m'adresse un regard noir.
— Tiens, Auden ! Je ne t'avais pas vu ! déclare-t-elle, amusée.
Je lève les yeux au ciel.
Holder me tend alors sa main pour me relever de la table, sur laquelle j'étais toujours assise. Toujours sans un mot, il me donne ma pile de livres tandis qu'Heather pianote sur son téléphone. J'adresse un sourire à Holder alors qu'il me tient la porte pour me laisser passer.
— Tu n'as rien vu, pigé ? lance soudain Holder à Heather.
Derrière nous, celle-ci nous suit. Elle est toujours en train d'écrire quelque chose sur son téléphone. Quelques secondes passent avant qu'elle n'ouvre la bouche et range son téléphone dans son sac.
— Tu aurais dû me dire ça avant... minaude-t-elle.
Holder arque un sourcil en même temps que moi. La salle de classe n'est plus très loin à présent.
— Que veux-tu dire ? je demande.
— Sors ton téléphone, lance-t-elle avec évidence.
Calant ses livres sous son bras, Holder fut plus rapide que moi. En moins de temps qu'il ne faut pour le dire, il avait sorti son téléphone et était déjà en train de lire une notification. Quelques minutes plus tard, il était rouge de colère.
— Holder ? je questionne d'une petite voix.
Heather sourit avant de presser le pas. Holder s'arrête aussitôt et fusille Heather du regard. Loin devant nous, celle-ci marche à vive allure, perchée comme un oiseau sur une branche sur ses hauts talons.
— Regarde, dit-il en me mettant son portable sous le nez.
Je me demande pourquoi il me montre la page Instagram d'Heather avant de voir son dernier post. Je comprends mieux la rage d'Holder quand je vois une photo de nous deux en train de s'embrasser. Sous l'image, l'on peut lire : « Auden Lewis et Holder Logan, de retour ? Notre couple favori se serait-il remis ensemble ? ».
Je serre mon poing et secoue la tête. Holder range son téléphone dans sa poche et se tourne vers moi. Je pose toute ma pile de livres sur le sol pour venir lui caresser la joue. Il pose son tour les livres par terre. Pourquoi se dépêcher ? De toute façon, nous sommes déjà en retard.
— Alors, on fait quoi maintenant ? je demande.
— Comme d'habitude, on ne réfléchit pas, il dit avant de m'embrasser.