Neither good nor bad

By RosalineOscar

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"We've had our doubts but now we're fine, And I love you, i swear that's true. I cannot live without you. Go... More

Derek Meyer. La plus douce des drogues. Ma seule drogue.
Il sait. Je sais. Nous oublions.
Cause living with me must have damn near killed you
I'm tired of being what you want me to be
Reconversion future ? Dompteuse de carpe.
Je te guiderais alors, s'il te plaît, danse avec moi.
Aime perpétuellement, déteste assidûment.
Confidence pour confidence.
Premiers accords. Quelle sera la mélodie ?
I have loved you for a thousand years, i'll love you for a thousand more
If you ever want to join me, baby. I'll be dancing in the dark
Décorner un élan.
Soeurtilège
D'invisible à trop visible. J'étais très bien en Casper.
I saw that both your smiles were twice as wide as ours
Ain't nobody hurt you like i hurt you. But, ain't nobody love you like i do
Elle ne dit rien, elle se tait, mais ton coeur brûle en secret
Un baiser de tendresse est tout un discours condensé en un seul souffle
- Tu fais quoi pour Noël ? - Je regonfle la bouée qui me sert de hanche.
D'une bombe à une autre. L'art de l'esquive.
Je sais ce que je ne veux pas, mais je ne sais pas ce que je veux
Try, baby try, to trust in my love again
Se faire prendre pour un lapin de garenne en une leçon.
D'un cercle vicieux à un triangle amoureux, ou comment détester les maths.
Mais que peuvent contre la destinée les plus fermes résolutions ?
And then you come and ease the pain
You probably never loved someone like i do
Savoir aimer à tous les temps
Il est entré dans mon cœur, une part de bonheur, dont je connais la cause

Manipulation. Jusqu'où m'entraîneras-tu ?

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By RosalineOscar



- Faut que quelqu'un la redémarre, je crois. Elle a planté.

Je fixai le garçon blond qui venait d'ouvrir la bouche, rompant ce moment de gêne intense qu'ils avaient établis en me fixant tous si soudainement. J'ouvrais la bouche. La refermai. Ils éclatèrent d'un même rire. Mes joues rougirent violemment et je penchai la tête dans l'espoir de me dissimuler derrière les quelques mèches de cheveux qui avaient échappées à natte. Crotte. Qu'est-ce que je fichais ici ? J'étais pas venue ici pour souffrir. Je me mordis la lèvre. Ah non. Pitié, pas cette foutue phrase. Derek la répétait déjà suffisamment sans que je ne m'y mette.

- Détends-toi. On ne va pas te manger.

La voix, plus douce, était celle d'une fille. Je relevai les yeux, hésitante et affrontai le regard brun de Tamara. Elle m'offrit un sourire rassurant, ses mèches rousses ondulantes, négligemment, autour de son visage de poupée. Sa peau pâle était recouverte de fine tâche de rousseur, la rendant plus candide qu'elle ne l'était. Sa gentillesse semblait irradier dans son sourire accueillant et je finissais par me détendre quelque peu, tant bien que mal. Je doutais qu'une personne qui semblait aussi bienveillante, ne cherche à me tourner en ridicule.

Attirant mon attention, Cameron tira sur le bas de mon pantalon alors qu'il s'était assis à même le sol, m'invitant, visiblement, à en faire de même. J'hésitai encore quelques secondes avant de déposer mon sac et de me laisser choir à côté de lui, dans la petite place encore libre parmi le cercle qu'ils formaient. Les regards étaient toujours rivés sur moi, me laissant mal à l'aise mais ils semblaient tous relativement amicaux.

- Faisons les présentations, s'enthousiasma la rouquine en me tendant aussitôt la main. Tamara Morvan, guitariste.

- Enchantée, murmurai-je, plaçant ma main dans la sienne et la laissant l'agiter vigoureusement.

- Moi c'est Mathieu, enchaîna le blond que Derek avait rembarré à la rentré. Pianiste mais je me débrouille aussi avec un violon.

- Kaï Cohen, continua le métisse en m'adressant un sourire enjôleur. Batteur et tombeur officiel du groupe, à ton entière disposition, mademoiselle.

J'arquai un sourcil, sceptique devant l'assurance du garçon. J'avais déjà eu l'occasion de le voir à l'œuvre, suffisamment pour savoir qu'il ne mentait pas en affirmant être un tombeur. Je crois que, en un mois de cours, je ne l'avais jamais vu au bras de la même fille. Tout comme Mathieu. Chose assez surprenante puisque l'un et l'autre ne se ressemblaient guère. Mathieu était plutôt frêle, mince et de taille moyenne, tandis que Kaï mesurait dans les un mètre quatre vingt dix et possédait une musculature imposante. L'un avait la peau très pâle et l'autre arborait une peau métissée. Cohen était un prénom français assez commun, tandis que Kaï sonnait plus tropical. Mais, l'un et l'autre se réunissaient en un point : un quelque chose qui voulait que l'on pose notre attention sur eux. Mathieu était lumineux, ses cheveux blonds cadrant avec cet aspect angélique qui semblait vouloir le caractériser. Kaï, lui, était probablement la caricature du musicien : une apparence de mauvais garçon suintant dans le moindre de ses gestes.

- Andréa Michot, compléta finalement le dernier membre de la petite bande. Je joues du saxophone et de la guitare.

Je hochai la tête face à ce garçon dès plus froid. Ses yeux étaient fixés sur moi, mais n'exprimait aucun sentiment particulier. Hormis peut-être un profond agacement. Si tous les autres me semblaient accueillant, ce n'était clairement pas son cas. Je soupirai, discrètement avant que Cameron ne me gratifie d'un coup de coude dans la taille. Intriguée, je lui lançai un regard en coin, cherchant des explications et il se contenta d'un petit geste de la tête pour me répondre. Je fronçai les sourcils, me tournant vers les autres. Je blêmissais en constatant que tous semblaient pendus à mes lèvres. Je restais immobile, totalement interdite avant de comprendre ce qu'ils attendaient tous aussi patiemment. Je passai ma main dans ma nuque, rivant mes yeux sur le sol mais me décidant à prendre la parole, à mon tour :

- Je m'appelle Heden, je joues du piano et de la guitare.

- Et tu es une compositrice, ajouta Mathieu, m'offrant un sourire encourageant.

- Exact, approuvai-je. Enfin, à ce qui paraît serait plus juste.

- Ne t'en fais pas, on a tous débuté, enchaîna Tamara en venant poser sa main sur mon épaule. J'étais en panique durant tout le premier semestre l'année dernière.

- Par contre le second, elle a été beaucoup plus détendue, souligna Mathieu, moqueur. Tu as assistée à combien de cours ce semestre là ? Trois ?

- Oh ça va, grogna-t-elle. C'est pas de ma faute, j'ai développé une allergie.

- Une allergie ? Siffla Cameron, visiblement très intrigué par cette affirmation.

- A vos sales têtes, oui !

Cameron pouffa et Mathieu leva les yeux au ciel mais ne put retenir un sourire amusé. Ils semblaient bien s'entendre tous les trois, leur proximité étant plus que évidente. Andréa et Kaï, eux, étaient plus en retrait bien qu'ils ne semblaient aucunement en souffrir. Je les contemplai un instant, ne sachant toujours pas pourquoi j'étais assise parmi eux. Je ne faisais pas partie de ce groupe et je ne m'y sentais pas à ma place. Nerveusement, je triturai la lanière de mon sac, cherchant un moyen de m'enfuir le plus rapidement possible. Il suffisait que je trouve une bonne excus...

- Et si on se mettait au boulot ? Elle a besoin d'un coup de main ou elle est là pour vous distraire plus que vous ne l'êtes habituellement ?

Je me crispai quelque peu, coupée dans mon élan par un Andréa des plus insatisfait. Ce n'était pas un marrant. Tamara lui lança un regard courroucé qui ne suffit pas à le faire se dérider, il l'affronta, sans sourciller. La jeune femme semblait prête à sauter sur l'occasion pour entamer une dispute, mais Cameron se pencha en avant, plaçant son visage face au mien. Ses yeux se plongeant dans les miens.

- Il a raison. Nous avons du pains sur la planche, que dirais-tu de sortir la partition sur laquelle tu dois trouver des paroles.

J'hésitai à nouveau, coincée dans une perpétuelle indécision. Était-ce une bonne idée de montrer cette partition à ceux qui seraient des concurrents durant toute cette année scolaire ? Je n'en étais pas certaine. Et s'ils me manipulaient afin de nous piéger ? Je fis la moue face à ma propre idiotie. Je devenais narcissique, parano et complètement pessimiste sur le genre humain. Je doutais que aucun d'entre eux ne me perçoivent comme une menace pour leur réussite, et puis quel aurait été l'intérêt d'agir ainsi ? Je n'en voyais aucun.

Je fouillai donc dans mon sac, sortant rapidement la partition que je connaissais plus que par cœur. Je la fixai un instant avant de la tendre à Cameron qui ne prit pas le temps d'y jeter un coup d'œil, la passant directement à un Mathieu visiblement impatient de la découvrir. Tout comme Kaï qui vint se pencher par-dessus son épaule pour y lire les notes griffonnées au crayon. Ma nervosité grimpa en flèche. C'était la première fois que quelqu'un d'extérieur à notre groupe ou aux professeurs, lisait ma partition. Et s'ils dépréciaient ? S'ils jugeaient que c'était mauvais ? Après tout, ils n'avaient aucune raison de prendre des gants avec moi, leurs avis seraient impartial et cela me terrorisait plus que de raison. J'eus l'envie de leur retirer des mains la feuille qu'ils lisaient avec attention mais je me contentai de poser mes paumes contre jambes, tandis que je m'installai en tailleur.

- Pas mal.

Le sifflement satisfait me fit soupirer d'un soulagement profond et je rougis quelque peu lorsque le regard de Mathieu se posa dans le mien, amusé. Il semblait avoir clairement perçu ma panique et il tentait, sûrement, de me rassurer. Il passa la partition à Tamara qui la lui arracha presque des mains et reprit en continuant de me sourire :

- C'est vraiment bon en faite. Mais on le savait déjà, Ca...

- C'est très rythmé, le coupa Tamara, absorbée par sa lecture. Mais il y a aussi un certain sentiment de douceur... et d'énervement. C'est tellement ambivalent et frustrant... et cela me donne franchement envie de jouer. Cela te gène si j'essaye ?

- Heu... non, murmurai-je, perplexe.

Son agitation me paraissait incompréhensible mais puisque aucun de ses amis ne s'affolaient, j'imaginai que ce comportement était habituel. Sans me répondre, elle se tourna pour attraper sa guitare qui traînait au sol, dans son dos. Je l'avais à peine remarquée jusqu'à présent tant j'avais été inquiète de me retrouver parmi ce groupe d'inconnu. Elle passa la lanière autour de son cou et ramena l'instrument contre elle, plaçant ses doigts sur les cordes avec dextérité. Elle posa les partitions au sol, les étalant devant elle pour pouvoir y avoir aisément accès. Ses doigts frottèrent les premières cordes. Un frisson parcourut aussitôt ma colonne vertébrale. Et elle débuta.

En une seule lecture. En une seule fois, elle maîtrisait déjà ma partition. Pas la moindre erreur, pas la moindre fausse note. Ses yeux allaient et venaient sur la feuille, mais sans jamais y rester plus de quelques secondes. Mes paumes se refermèrent sur elles-mêmes alors que mon souffle se coupait net. J'écarquillai les yeux, contemplant avec fascination la jeune femme qui faisait plus que jouer mon morceau. Elle le vivait. Le rendait vivant. Le son m'enivrait. M'emportait. Toutes les émotions que j'avais éprouvé en composant me sautaient à la figure. Tristesse. Colère. Frustration. Amour. Elle n'en oubliait aucun. Puis le hic. Son doigt ripa, se trompant d'une note. Elle grimaça aussitôt en se stoppant.

- Putain de merde, s'emporta-t-elle aussitôt avant de blêmir en me lançant un regard inquiet que je ne compris guère.

- J'en étais sûr, éclata aussitôt Mathieu partant dans un rire communicatif. Je me disais bien que tu allais finir par éclater ! T'es incapable de rester la gentille et douce Tamara ! Tu voulais faire bonne impression, hein ! C'est loupé !

- La ferme, gronda la rouquine en le fusillant du regard. J'étais tout à fait naturelle.

- Mon œil, sourit-il sans s'alarmer du mécontentement de son amie. Ta vraie nature ressort toujours lorsque tu joues. Tu te laisses emporter et lorsque tu fais une erreur, tu râles.

Tamara lui lança un regard noir et il lui sourit un peu plus. Cameron soupira et je posai mes yeux sur lui. Il s'était installé plus confortablement, tendant ses bras en arrière pour se soutenir et profitant de la chaleur ambiante. Nous étions fin septembre et la température restait clémente. Chose qui ne tarderait pas à changer dans les mois à venir.

- Désolée, finit par lâcher Tamara, me faisant reposer les yeux sur elle. J'ai massacré ta chanson.

- Tu plaisantes ? Sifflai-je, surprise. Tu étais phénoménale. Tu l'as maîtrisé si... aisément. C'en est presque agaçant tant tu as su la lire à la perfection en si peu de temps.

- Il est aisé de se laisser entraîner par une bonne musique, affirma-t-elle en haussant les épaules. Je n'ai aucun mérite, il te revient pleinement.

Je n'étais pas en accord avec son affirmation, mais il me semblait inutile de protester tant la jeune femme était persuadée de ces mots. Et puis, j'en éprouvais une certaine satisfaction. Bon. D'accord. Une immense satisfaction. Cela faisait du bien d'entendre quelques compliments lorsque je doutais clairement de ma place dans cette école.

- Tu as des ébauches pour les paroles ?

Andréa venait, à nouveau, d'interrompre l'euphorie naissante. Mathieu et Kaï qui échangeaient tout bas, se stoppèrent pour le fixer avec dépit ; Tamara le fusilla du regard et Cameron resta indifférent. Mais il se fichait bien de leurs réactions. Ses yeux étaient rivés sur moi, attendant une réponse rapide et précise. Il plissa les yeux tandis que je le fixai, le laissant poiroter. Chose qui l'agaçait clairement. Je secouai la tête négativement, craignant un peu trop qu'il ne se laisse emporter si je prenais plus de temps pour lui donner ce qu'il désirait.

- Des idées alors ? Du thème ? Du sujet ?

- L'amour probablement, murmurai-je, gênée. Enfin... les profs m'ont conseillé de choisir des thèmes généraux qui parlent à tout le monde.

- L'amour est toujours un bon sujet, approuva Kaï avant de me décocher un clin d'œil charmeur. Si tu manques d'inspiration, je suis volontaire pour t'ai...

- Tu es partie sur un amour déçu, non ? Coupa Cameron, faisant grimacer Kaï. Enfin, c'est ce que j'ai cru comprendre avec le peu que j'ai entendu hier.

- Exact, approuvai-je, passant ma main dans ma nuque. Mais... dès que je commence à y réfléchir, cela devient chaotique. Je n'arrive à rien... c'est le néant.

- Pourquoi tu as choisi un amour déçu ? Questionna Tamara. Cela ne colle pas trop avec ton rythme qui est dynamique.

- Je sais, admis-je, mollement.

Je n'avais aucune envie de répondre à cette question. Pourquoi ? Parce que c'était la seule chose que je connaissais et dont je me sentais pleinement capable de parler. Mais c'était bien trop personnelle pour le déballer à cinq inconnus. Elle me fixa un instant, inquisitrice, mais je m'obstinai dans mon silence. Pas question que je rouvre la bouche. Je me contentai donc de me tourner vers Andréa qui avait, désormais, mes partitions entre les mains. Il les détaillait longuement, prenant bien plus de temps que les quatre autres pour la déchiffrer.

- Tu écris en quelle langue ? M'interrogea Mathieu.

- Je préfère l'anglais, expliquai-je. C'est l'une des rares matières que j'ai suivis avec attention durant toute ma scolarité. Écrire en français ne me poserait pas de soucis particulier, mais l'anglais sonne définitivement mieux à mon oreille.

- Comme Cameron, souligna-t-il aussitôt en hochant la tête. Bien ! Alors que dirais-tu qu'on fasse un premier essai ?

Malgré moi, je haussai les épaules, sans conviction et il grimaça, perdant son enthousiasme qu'il cherchait pourtant à me communiquer. Pourquoi faire un essai ? Pensait-il que je n'en avais pas déjà fait des centaines ? Ils ne m'avaient donnés aucun conseil et ils pensaient que, miraculeusement grâce à leurs divines présences, des paroles allaient fuser ? Je me mordis l'intérieur de la joue, constatant avec dépit ma mauvaise humeur. Je n'avais même pas mes règles.

Mais, sans se formaliser Tamara enchaîna à la demande de Mathieu, elle reposa ses doigts sur les cordes et recommença la mélodie. Sans plus avoir les partitions sous les yeux. Elle fut rejoins par Kaï dont les mains tapèrent sur ses cuisses, imposant un rythme. Et Cameron ouvrit la bouche. Sa voix rauque résonna. Ma peau frissonna. Mes yeux s'écarquillèrent. Et mon souffle se perdit au fond de ma gorge trop étroite. Je venais de rencontrer un Dieu vivant. Sans aucun doute possible. Mais, contrairement au Dieu des céréales, celui-ci allait être bien plus clément.

- Tu comptes finir ça ?

- Oui.

- Sérieux ?

- Oui.

- T'es vraiment sérieuse ?

- Oui.

- T'es vraiment sérieuse de chez sérieuse ?

Je relevai mes yeux de ma feuille pour fusiller Nathanaël, du regard. Il me gratifia d'un splendide sourire et je soupirai lourdement, poussant mon plateau jusqu'à lui. Il piailla de contentement, se ruant sur mon dessert comme s'il ne venait pas déjà de manger le sien ainsi que celui de Samira. Ce type était un ventre sur patte encore plus impressionnant que Derek. Et pourtant, il ne prenait pas un gramme. Chose parfaitement injuste quand il avouait qu'il ne pratiquait, à côté, aucun sport particulier. Je soupirai, le regardant s'engouffrer le reste de mon chou à la crème dans un délice profond.

- Tu t'en mets partout, soulignai-je.

- Je sais, assura-t-il. C'est tout le plaisir.

- C'est cadre, rétorqua Samira, assise à ma droite.

- Fait pas ta mijaurée, on y croit pas une seconde, désapprouva-t-il, indifférent à sa grimace de dégoût. Toi aussi tu as l'habitude d'avoir des trucs blancs col...

- On est encore à table, coupai-je vivement, les yeux ulcérés.

- En plus, face à une vraie mijaurée, tu es foutue, enchaîna-t-il en continuant de s'adresser à Samira.

Je levais les yeux au ciel. Stupide gamin. Il m'offrit un sourire un peu plus immense et je le contemplai froidement. Aussitôt, sa main vint se poser sur le sommet de mon crâne et avant que je n'ai eu le temps de me débattre, il l'y frottait vigoureusement. Je grondai et finissais par taper dans son poignet pour l'écarter. Il me tira la langue et je grognais en réponse.

- C'est sûr que comparer à une vierge effarouchée, personne ne peut rivaliser.

- Oh tu vas pas t'y mettre, râlai-je en me tournant vers Derek dont le sourire illuminait son visage. Et puis ma virginité t'emmerde. C'est sûr que toi, c'est un truc que tu as pas connu longtemps. Et c'est, d'ailleurs, bien la seule chose féminine avec laquelle tu n'as pas eu un contact longue durée.

- Oouuuh, siffla Nathanaël, très emballé par la situation. Ça balance les dossiers ! Je veux tout savoir !

Et il éclata d'un rire tonitruant, attirant l'attention de toutes les tablée autour de la notre. Je jurai tout bas. Ils allaient me rendre folle. Entre les moments où ils se prenaient la tête et ceux où ils devenaient copain comme cochon, je ne savais plus sur quel pied danser. Un jour ils se détestaient et le lendemain ils s'adoraient pour peu qu'ils pouvaient me faire tourner en bourrique. Au moins, l'ambiance se faisait moins pesante dans ces moments là, j'aurai pus en être heureuse si je n'avais pas été l'objet de leurs taquineries communes et incessantes.

- Cela fait plaisir de te voir lever le nez de tes feuilles, me souffla Derek alors que je rangeais celles-ci dans mon sac. En ce moment, dès que tu as cinq secondes, tu te mets à griffonner.

- Ose te plaindre que je parviennes enfin à avancer, désapprouvai-je. Je pense bientôt avoir terminés donc ne m'embêtes pas !

- Sérieux ? Souffla Samira en me dévisageant avec intérêt. Tu as finis ?

- Presque, acquiesçai-je. Il ne me reste qu'à demander l'avis de C...

Je me stoppais dans mon élan, retenant de justesse le nom de Cameron. Ils n'étaient pas au courant. Et ils ne devaient pas l'être. J'étais parvenue à cacher à Derek le fait que je m'étais rendue au rendez-vous fixé par Cameron. Et, plus encore, que je le revoyais, depuis, tous les soirs. Ainsi que le reste de ses amis. Qui devenait, doucement, un peu les miens. Je m'entendais bien avec Tamara dont l'apparente douceur était des plus trompeuses. Mathieu n'avait pas menti en affirmant que sa vrai nature revenait au galop trop rapidement, révélant un coté très brute de décoffrage. Mais sa gentillesse, elle, était plus que authentique. Il était aisé de lui parler et de se confier à elle.

J'aimais aussi énormément Mathieu dont la joie de vivre me rappelait grandement celle de Nathanaël. En réalité, il me le rappelait tout court. Les mêmes blagues idiotes, le même entrain enfantin, le même dynamisme exagéré, le même sourire constant. L'un et l'autre se ressemblaient énormément et pourtant ne semblaient pas se connaître. Peut-être Mathieu était-il juste un peu plus sérieux que Nathanaël, étant ainsi capable de ce concentrer plus d'une demi-heure sur un sujet nécessitant sa réflexion. Mathieu était ce que l'on pouvait appeler un élève studieux, aimant autant la pratique de la musique, que son aspect théorique. Il avait toujours un livre dans son sac, abordant la musique mais aussi de nombreux autres sujet. C'était un garçon intelligent et dès plus intéressant. Contrairement à Kaï.

Depuis la semaine et demi que je fréquentai le groupe, je n'avais pas pu apprécier ce garçon. Play-boy, il faisait croire à toutes les filles qu'elles étaient uniques, merveilleuses et charmantes. Mentant. Trompant. Jouant sans cesse. Il était la parfaite caricature du musicien qui ne jouait que pour plaire à la gente féminine. Et il me tapait particulièrement sur les nerfs avec son hypocrisie suintante et ses manières de gentils de garçon qui ne pensait qu'à me coucher dans son lit. Je frissonnai de dégoût. Je le détestai. Même si j'avais aussi conscience que bien d'autres filles pouvaient reprocher les mêmes point à Derek. Malheureusement.

Restait Andréa et Cameron. Le premier était resté assez distant, participant à mes séances d'entraînements, comme les avaient nommés Mathieu, mais il n'ouvrait la bouche que pour nous sermonner quand nous nous montrions trop dissipés. Chose qui arrivait souvent, malheureusement pour lui. Je n'avais pas échangé de vrai conversation avec ce garçon taciturne et mystérieux. Il aimait la musique et ce point suffisait à nous réunir, mais cela s'arrêterait sans doute là.

- L'avis de Cameron, n'est-ce pas ?

Étonnée, je relevai mes yeux vers Derek qui me contemplait avec une froideur soudaine. Je grimaçai aussitôt. Merde alors, je m'étais grillée aussi stupidement ? J'allais ouvrir la bouche pour affirmer qu'il se trompait mais la refermai presque aussitôt. Je triturai mes doigts, hésitante. Je ne pouvais pas leur mentir indéfiniment. Ils allaient bien finir par se rendre compte de mes petites manigances. Je savais déjà que Nathanaël avait des soupçons tandis que j'avais trop souvent refusé qu'il me tienne compagnie lorsque j'annonçai souhaiter rester dans la salle, après nos répétitions.

Néanmoins, je craignais leurs réactions. Si je me fichai que Samira prenne mal mon comportement, j'étais plus anxieuse à l'idée que Derek s'emporte lorsqu'il apprendrait mes manigances. Mais, la réaction que j'appréhendais le plus, était celle de Nathanaël. Je ne savais pas ce qui le liait à Cameron, ni l'histoire se cachant derrière leur étrange relation. Cependant, je me doutais qu'il n'apprécierait pas que je sois proche de ce garçon qu'il évitait, tout en ne cessant de le contempler. Je soupirai lourdement avant de redresser mes yeux vers ceux de Derek.

- Effectivement, lâchai-je.

Un silence de plomb s'abattit sur notre petite tablée. Derek me dévisageait froidement tandis que Nathanaël écarquillait les yeux, stoppant la montée de la petite cuillère, garnie de crème, vers sa bouche. Samira, elle, semblait sur le point de m'envoyer sa fourchette dans la figure, ses yeux me lançant des éclairs d'une colère plus que évidente. Je soupirai lourdement avant de reprendre :

- Il m'a proposé son aide il y a un peu plus d'une semaine. Et j'ai accepté. J'avais vraiment besoin d'ai...

- Et pourquoi tu ne nous a pas demandé à nous ? Coupa Samira, aussi glaciale que Derek l'aurait été lui-même. Encore à moi je peux comprendre, tu ne m'aimes pas. Mais Nathanaël était aussi capable que l'est ce type. Ta raison ?

- Je n'en ai pas vraiment, répondis-je sans me laisser démonter. Et l'essentiel n'est-pas que cela est fonctionner ? J'ai réussi à écrire les paroles que tu me réclames depuis des semaines, tu veux vraiment m'en vouloir ?

- Qui nous dit que tu ne vas pas aussi leur écrire une chanson ? Rétorqua-t-elle. Ce sont nos concurrents direct !

- Et je suis une compositrice, soulignai-je dans un haussement d'épaule. Je suis censée travailler pour plusieurs groupes et non un seul.

- Sauf si celui-ci domine tous les autres durant toute l'année, enchaîna-t-elle. Donc, tu es entrain de dire que tu ne nous fais pas confiance ?

Je levai les yeux au ciel, excédée. Cette fille était-elle aussi débile que je le pensais ? Je me mordis la lèvre. Ne pas lui voler dans ses plumes de pintade. Après un instant où je tentais d'aplanir ma colère montante, je reprenais, tâchant de paraître la plus sereine possible :

- Bien sûr que si. Mais si j'ai confiance en vous, je n'ai pas forcément autant d'assurance envers ma propre personne. Je ne suis pas certaine que toutes mes chansons pour vous suffiront à me faire passer en deuxième année et je compte bien mettre toutes mes chances de mon côtés. Donc, si cela implique d'écrire pour quelqu'un d'autre, je le ferais.

- Donc tu as écris pour Cam ?

Je me tournai vers Nathanaël dont la voix était moins naturelle que d'habitude. Cependant, lorsque nos yeux se rencontrèrent, je n'y lisais aucune animosité. Jouait-il la comédie ? Ou ne m'en voulait-il réellement pas ? J'avais le sentiment qu'il n'était pas le genre à se forcer à être sympathique, pourtant il me semblait tout aussi évident qu'il tentait d'enfouir quelque chose, son manque de naturel me criant qu'un soucis se cachait derrière le sourire rassurant qu'il m'adressait.

- Non, assurai-je finalement. Et je n'ai pas pour projets immédiat de le faire. Ils m'ont juste aidés... parce que j'avais peur de vous montrer ce que je faisais. J'avais peur de votre jugement, de vous décevoir... et aussi sans doute que vous vous montriez trop gentil dans vos commentaires.

- Je t'apprécies énormément Heden, je pense que tu l'as bien compris, continua Nathanaël. Mais, tout comme toi, je n'ai pas l'intention de louper une autre année. Donc, crois-moi : si c'était mauvais, je te l'aurais clairement dit.

- Je sais, soupirai-je. Mais il n'est pas toujours aisé de se raisonner.

- Certes, approuva-t-il dans un mince sourire. Mais comprends que nous sommes assez surpris et potentiellement vexé que tu ne nous ais pas fait confiance.

Je hochai la tête, consciente que ses mots étaient justes. Je ne pouvais pas faire comme si mon comportement avait été des plus correctes envers eux. J'aurais du leur parler de Cameron et de l'aide qu'il m'apportait, et non agir en secret. Peut-être que Derek aurait été fou furieux, mais cela aurait éviter ce genre de conversation. Je ne souhaitais pas blesser Nathanaël. Et si je me fichais de ce que Samira pensait, je ne pouvais pas me la mettre à dos. Nous étions un groupe, nous devions fonctionner ensemble. Je soupirai, passant ma main dans ma nuque.

- Je suis vraiment désolée si je vous ai blessé. Ce n'était pas mon intention, assurai-je calmement. Mais Cameron m'a réellement aidé et j'aimerais continuer à travailler avec lui. Cependant, si cela vous inquiète tant, j'arrêterai.

Un nouveau silence pesant. Samira échangea un bref regard avec un Nathanaël, visiblement déjà décidé sur la façon de gérer la situation. Il semblait satisfait de mes excuses et, même si cela m'étonnai grandement, peu désireux de m'empêcher de progresser de la manière qui me convenait. Et sa certitude convainc Samira qui resta muette, se détournant vers son assiette pour reprendre son repas comme si rien ne s'était passé. Ne restait plus qu'une dernière personne.

Je n'osai même pas me tourner vers Derek, consciente qu'il se montrerait glacial. Je n'obtiendrais jamais son accord, c'était une évidence contre laquelle je ne pouvais lutter. Mais alors que j'allais me résigner à l'affronter, prête à entamer une dispute des plus magistrales au milieu d'une cafétéria bondée, deux mains se posèrent sur mes épaules en me faisant sursauter.

- Yosh.

Je basculai la tête en arrière, dévisageant celui qui venait d'arriver. Les yeux sombre de Cameron se plantèrent dans les miens, me surprenant quelque peu. C'était la première fois qu'il venait ainsi à ma rencontre alors que j'étais entourée de mon groupe. D'un bref coup d'œil vers Derek, je constatai que ses poings étaient si serrés qu'ils semblaient sur le point de se briser. Je retins de justesse un soupir sonore, me préoccupant peu de Cameron qui attendait, patiemment, une réponse à son salut.

- Bonjour, murmurai-je du bout des lèvres.

- Cache ta joie, je pourrais croire que tu m'apprécies, souffla-t-il aussitôt, en haussant un sourcil, sceptique.

- Idiot, souris-je, malgré moi. Je peux faire quelque chose pour toi ?

- Mathieu est malade, m'annonça-t-il en me faisant me tourner sur le côté pour être un peu plus face à lui. Et on a prit du retard dans nos répétions... trop pour ce permettre de ne pas bosser aujourd'hui.

- Qu'est-ce qu'il a ? M'inquiétai-je.

- Rien de grave, répondit-il énigmatiquement en haussant les épaules. Quoi qu'il en soit, voilà où je veux en venir : nous avons besoin d'une pianiste pour la journée.

Nouveau silence. Cameron me détailla un instant alors que je m'étais crispée. Cela tombait au moment le plus inopportun. Mais je n'allais pas me défiler. Constatant, néanmoins, ma réaction, Cameron releva les yeux vers Derek qui le dévisagea avec froideur purement et simplement. Ils restèrent ainsi de longues minutes, puis Cameron se tourna vers Nathanaël. Celui-ci se raidit, devenant un piquet sur sa chaise. Son sourire avait totalement disparut et sa gêne explosait au yeux de tous.

- Salut Nath, ça fait un bail.

- Ouais, souffla l'intéressé en détournant le regard tandis que mes propres yeux restaient rivés sur lui. Tu essayes de nous voler notre pianiste ?

- Je l'emprunte seulement, assura Cameron, calmement. Si ma mémoire est bonne, vous n'avez pas de répétition prévue aujourd'hui.

- Comment tu sais ça ? Sifflai-je en fronçant les sourcils.

- Tu nous l'a dit la semaine dernière, souffla-t-il en haussant les épaules.

Je n'en avais aucun souvenir mais j'admettais aisément que cela pouvait être une information que j'ai délivré par inadvertance. Nous ne répétions jamais le mercredi après-midi, c'était notre jour de repos. Celui où Derek disparaissait de l'appartement, partant dans une quette des plus importantes : élargir sa liste de conquête. Cette journée était, en réalité, surtout destinée à ma personne. J'avais besoin de temps pour composer.

- Monsieur populaire n'a pas quelqu'un d'autre qui peut lui rendre ce service ?

Derek avait laissé tomber son dos contre le dossier de sa chaise, fixant intensément Cameron dont le calme restait parfaitement fixé sur son visage. Il haussa même les épaules, désinvolte, avant de répondre à la voix traînante et accusatrice de Derek :

- Probablement. Mais c'est à elle que je préfère demander.

- Et pourquoi ça ?

- Parce qu'elle est douée ? Suggéra Cameron dans un sourire en coin.

- Il y en a d'autres ici qui le sont tout autant, rétorqua Derek.

- Je ne pense pas, désapprouva Cameron. Et si tu le penses vraiment, alors tu n'as pas du souvent l'entendre jouer.

Assise sur ma chaise, Derek à ma gauche, Cameron au-dessus de moi, je me sentais plus engoncée que jamais dans une situation qui semblait vouloir m'échapper. Pourquoi l'ambiance virait elle aussi électrique soudainement ? Pourquoi semblaient-ils sur le point d'en venir aux mains ? Je soupirai lourdement, attirant leurs deux regards qui me défièrent de prendre partie pour l'un ou l'autre. Je les affrontai, indifférente.

- Je viendrais, annonçai-je à Cameron, lui adressant un petit sourire. La salle en face de la nôtre ou l'endroit habituel ?

- Salle, répondit-il sans laisser glisser la moindre émotion sur son visage. On a besoin du piano.

- Effectivement, approuvai-je dans une grimace face à mon manque de réflexion. Quelle heure ?

- Dès que tu peux ? On y va direct avec Tamara, mais Kaï et Andréa arriveront un peu plus plus tard. Et peut-être que Mimi nous rejoindra dans la journée.

- Mimi ?

- Mickaël.

- Le taciturne ?

Cameron haussa les épaules et tandis que je fis la moue. Mickaël était un compositeur, tout comme moi. Mais notre point commun n'avait pas suffit à le motiver à m'adresser la parole. J'avais bien tenté de débuter la conversation à la fin d'un des cours que nous partagions, mais il m'avait royalement ignoré. Cependant, je ne m'en étais pas vexée en constatant qu'il agissait de la même façon avec chaque membres de notre promotion. Il s'installait toujours dans un coin, n'ouvrant jamais la bouche, évitant soigneusement le regard de chacun et ignorant tout ceux ayant l'audace de s'adresser à lui. J'étais donc étonnée de la familiarité de Cameron envers cet individu des plus mystérieux.

- J'ai rien de prévue, enchaînai-je. Je peux ven...

- Je peux te parler avant ?

Je me tournai, lentement, vers Derek. Allait-il réellement me taper une crise de nerf ? Je n'étais pas sa sœur. Je n'étais pas sa fille. Je n'étais pas sa petite-amie. Il n'avait aucune sinistre raison de me faire passer un sale quart d'heure. Mais il ne semblait pas du même avis, ses iris me défiant ouvertement de refuser sa demande. Je soupirai lourdement en même temps que Nathanaël. Nous échangions un regard complice et un même sourire vint s'étendre sur nos lèvres. Nous étions visiblement d'accord sur le comportement enfantin de Derek qui ne voulait pas partager son jouet favoris. Mon sourire se dissipa aussitôt. Oui. Je n'étais qu'un jouet qu'il voulait garder possésivement. Et le jouet lui obéissait au doigt et à l'œil, répondant au moindre caprice.

- J'imagine, soufflai-je avant de me tourner vers Cameron. Je vous rejoins dans dix minutes.

- Je te revaudrai ça, m'assura-t-il dans un hochement de tête.

- Tu l'as déjà fait, désapprouvai-je.

Il m'offrit un sourire en coin avant de s'éloigner, rejoignant une Tamara dont la chevelure rousse accapara mon champ de vision. J'étais surprise qu'elle ne soit pas venue avec lui pour quémander ma présence, elle n'était pas du genre timide. Et comme pour me le confirmer elle agita sauvagement la main, me braillant un bonjour qui résonna dans toute la cafétéria qui se tourna, d'ailleurs, vers elle sans que cela ne la perturbe le moins du monde. Je répondis plus discrètement à son geste, préférant la laisser être le centre de l'attention.

Une fois à sa hauteur, Cameron appuya sur sa tête en lâchant un soupir désespéré face au comportement emporté de la jeune femme. Elle haussa les épaules avant de m'adresser un dernier sourire et d'attraper son leader par le bras, l'entraînant avec elle vers les salles de répétition. Une vraie enfant.

- Vous semblez plus que proche tous les trois.

- Comme je viens de te l'expliquer, ils m'ont donnés un sacré coup de main, soupirai-je au ton accusateur de Derek. Et plus encore, ce sont des gens vraiment sympas. Si tu le souhaitais, je suis sûre que tu t'entendrais bien avec Cameron. Vous vous ressemblez plutôt.

- Me compare pas à Monsieur parfait, désapprouva-t-il. Sa tête de je sais tout me sort par les yeux.

- Et ta bêtise elle sort par ta bouche, ça on l'a bien compris aussi.

Nathanaël pouffa tandis que je plantai mes yeux dans ceux de Derek qui semblait vouloir s'assombrir face à mon mécontentement. Son comportement devenait de plus en plus agaçant. Il ne connaissait aucun des membres du groupe de Cameron, rien ne lui permettait de le juger de la sorte. Cela n'avait aucun fondement, aucune logique. Et je me fichais de savoir que c'était parce qu'il craignait de se voir déloger de sa place particulière dans ma vie.

- T'es sérieuse ? Tu veux qu'on se prenne la tête pour ce gars ?

- C'est toi qui le veut, Derek, soupirai-je. C'est un ami à moi, je ne vais donc pas te laisser le critiquer alors que tu ne le connais même pas. Tu es puéril.

- Ah carrément ? Et on en parle de ta propre puérilité ? Même pas avoir le cran de me dire en face que tu fréquentes ce type ?

- J'ai pas de compte à te rendre, rétorquai-je tout aussi froidement en me plantant face à lui. Tu es pas mon frère, tu es pas mon père, tu es pas mon petit-ami. Tu me dis toi avec qui tu traînes tous les mercredi après-midi ? Non al...

- Si tu me le demandais, je te le dirai, désapprouva-t-il en se redressant brusquement, faisant grincer les pieds de sa chaise sur le carrelage. Mais tu en as plus rien à battre de ma personne. C'est bon, laisse tomber. Va avec tes nouveaux potes.

Je basculai la tête en arrière, désemparée. J'étais en colère contre lui. En colère pour son comportement enfantin et les barreaux qu'il tentait de m'imposer. Avait-il toujours agit ainsi ? Oui. Sans doute. Mais jusqu'à présent, cela m'avait convenu. J'avais été heureuse qu'il m'enferme dans sa cage d'orée. Mais plus maintenant. Plus quand j'avais le sentiment d'enfin pouvoir parvenir à exister d'une autre façon qu'en étant amoureuse de lui. Je parvenais, petit à petit, à me forger. Moi. À m'exprimer. Dans le seul espoir de parvenir à m'exprimer devant lui. À lui dire tout ce que j'avais toujours enfoui. À lui dire à quel point j'étais amoureuse de lui.

Cependant, cela ne signifiait pas que je voulais le perdre. C'était inenvisageable. Et ses mots me perturbaient grandement. L'avais-je négligé ? Il était vrai que depuis le commencement des cours j'étais distraite et je l'interrogeais peu sur ses journées. Mais ce n'était pas dû à un manque d'intérêt. J'avais juste d'autres préoccupations en tête. J'étais heureuse de progresser dans l'écriture de nos paroles, mais le temps que je consacrais à la musique avait pour conséquence une fatigue imposante. Lorsque je rentrais le soir, je m'endormais juste après avoir dîné. Nous avions peu parlé depuis quelques temps. J'en étais conscience, mais je n'avais pas pensée, une seule seconde, qu'il pouvait en souffrir.

- Derek.

Ma voix avait porté plus haut que le brouhaha ambiant tandis qu'il s'était déjà éloigné de notre table. Il se stoppa mais ne daigna pas se retourner vers moi, contrairement à beaucoup d'autres visages. Je me mordis la lèvre, hésitante. J'inspirai longuement. Expirai. Et me lançai :

- Ce soir, sortons tous les deux.

Il resta immobile une longue minute, me laissant seule face à l'intérêt grandissant des élèves agglutinés dans la petite cafétéria à cette heure ci de la journée. Il était capable de me ficher une honte intersidérale, me laisser là, en plan, sans réponse. Mon cœur battait lourdement, résonnant dans ma poitrine alors que je n'osais pas me détourner du large dos de Derek. Retourne-toi. Retourne-toi. Retourne-toi. Et plus encore : ne me déteste pas.

Lentement, il bascula sur le côté. Ses yeux blues rencontrèrent les miens. Sa tête bascula d'avant en arrière et je lâchai un lourd soupir de soulagement tandis qu'il m'offrait un sourire resplendissant. Et je ris naturellement lorsqu'il laissa transparaître tout son contentement. Ce garçon me manipulait à sa guise, j'en avais conscience mais cela n'avait aucune importance.

Derek Meyer, you take all my inhibitions.

- Un autre !

Je contemplai, indifférente, Derek assis sur un tabouret et les coudes plantés sur le comptoir d'un bar quelconque. Il tendait son verre vers le barman qui semblait hésiter à lui servir ce qu'il demandait. Et je le comprenais parfaitement. Il était plus que ivre, chancelant sur son siège dangereusement et j'espérai secrètement qu'il se rétame au sol. Je soupirai posant ma paume autour de la sienne pour attirer son attention et lui dérober son récipient fétiche.

- Tu as assez bu comme ça, Derek, soufflai-je calmement. N'oublies pas que je ne vais certainement pas t'aider à rentrer.

- T'es pas sa mère, fou-lui donc la paix. Tiens mon mignooon.

La jeune femme blonde qui faisait du rentre dedans à Derek depuis trente bonnes minutes, se vautra contre le dos de mon meilleur ami, écrasant sa poitrine volumineuse contre le dos de celui-ci. Il me sourit à pleine dent, saisissant le verre à moitié plein qu'on lui tendait. Je retirai ma main de la sienne, le cœur lourd et les dents enfoncées dans ma lèvre. Qu'est-ce que je fichais là sincèrement ? Pourquoi m'avait-il emmené dans un lieu pareil ? D'accord, c'était un bar proche de chez nous où se produisait régulièrement de bon groupe de rock. Mais je n'avais aucune envie de voir un spectacle que je n'avais déjà que trop vu.

D'un coup d'œil sur le côté, je pus voir Derek enfoncer sa langue dans la bouche de la plantureuse blonde, tout à fait son genre. Je grimaçai d'un certain dégoût. Il essayait de lui laver la glotte ? Il y'avait des méthodes moins répugnantes. Je me détournai, blessée et indifférente à la fois. Il était toujours douloureux de le voir agir ainsi, juste sous mes yeux comme pour me narguer. Mais j'étais si habituée, qu'il ne me venait pas à l'idée de me barrer. Pourtant, j'aurai pu. Il ne l'aurait sans doute pas remarqué tant il était ivre.

Je me concentrai donc sur le groupe en train de jouer. Ni bon. Ni mauvais. Ils étaient juste de bons élèves, reproduisant à la perfection des mélodies qui ne leurs appartenaient pas. Ils choisissaient des mélodies connues et entraînantes, reprises avec gaieté par de nombreuses autres personnes présentes dans le petit bar à la lumière tamisée. Le chanteur ne faisait pas de fausses notes mais n'accaparait pas l'attention. Je soupirai, incapable de me concentrer sur eux.

Mes doigts se mirent à jouer sur le bord de mon verre, rempli à moitié d'un coca sherry, substance que j'aimais particulièrement. Je ne comprenais pas. Je ne comprenais pas pourquoi Derek me faisait penser que je lui manquais et que je l'avais négligé, pour m'entraîner ensuite dans une soirée qui ne faisait que nous éloigner un peu plus. Qu'avait-il espéré en venant ici ? Il m'avait affirmé avoir fait de nombreux bar pour trouver celui qui me conviendrait le mieux. Comme si un bar pouvait réellement me convenir. Je ne buvais pas. Je n'aimais guère ceux en abusant et je me sentais mal à l'aise au milieu d'une foule d'inconnues.

- Heden.

Je relevai les yeux vers Derek dont l'épaule venait de se coller à la mienne, trop violemment. Je maugréai tout bas, peu d'humeur à supporter ses écarts. La journée avait longue, j'étais fatiguée et j'avais espérée passer une bonne avec lui. Juste lui. Juste lui et moi. Qu'avais-je espéré ? Avais-je sincèrement cru que parce que je semblais lui manquer, il allait m'accorder toute son attention ? Je ne lui manquais que dans mon rôle de mère de remplacement.

- Quelle tronche, me gratifia-t-elle, écrasant son haleine alcoolisée contre mon visage en me faisant grimacer de dégoût.

- écarte-toi, ordonnai-je en poussant ma main sur son épaule.

- On était censé s'amuser ensemble et tu fais la tronche, geint-il en passant ses bras autour de mes épaules. Tu me détestes, Edwige ?

- Ne m'appelle pas comme ça, soupirai-je.

- Ne me déteste pas...

Sa voix était plus basse, son front s'appuya contre mon dos et je soupirai plus fortement. Et voilà. Je me faisais avoir, encore une fois. Ma colère disparut aussi vite qu'elle était venue. Il jouait avec mes émotions avec tant de facilité. Doucement, je me tournai pour me placer face à lui et rougis quelque peu lorsqu'il se glissa, familièrement entre mes jambes, tout proche. Son souffle s'écrasait presque sur mes lèvres et si l'odeur était des plus désagréables, la douce chaleur qu'il propageait m'enveloppait de délice. Mon cœur commençait déjà à battre plus rapidement.

- Si tu penses que je te détestes, c'est que tu as fait une bêtise, soulignai-je, taquine. Avoue ton crime, Meyer.

- Pour l'instant, je suis innocent, affirma-t-il en levant les mains en l'air et tanguant, aussitôt, dangereusement. Enfin presque.

- Tu tiens même pas debout, soulignai-je tout en faisant la moue et posant mes mains sur ses épaules pour le maintenir droit. Tu as conscience que tu me fais m'inquiéter, idiot ?

- Pardon, répondit-il plus doucement, revenant laisser choir son front contre mon épaule. La maison me manque...

- La maison ? Tu veux dire chez tes parents ? Questionnai-je, étonnée.

- Pas vraiment, répondit-il, énigmatiquement.

Je fronçai les sourcils alors qu'il ne semblait pas désireux d'expliciter plus clairement ses paroles. Mais sa tristesse semblait réelle. Je n'hésitai que peu avant de glisser ma main dans ses cheveux, caressant son crâne avec une affection trop profonde. Son odeur m'enivrait. Ses mains venant se caler sur mes cuisses me faisaient frémir. Sa faiblesse me faisait fondre. Finalement, peut-être que ce bar n'étai...

- Dereeeeek.

Je retirais ce que je venais de penser. Ce bar était pourri. Derek se redressa maladroitement, réceptionnant de justesse la jeune femme qui se jetait dans ses bras. Il tangua en arrière et je gémis de douleur lorsqu'il appuya trop fortement sur mes cuisses pour se maintenir. Il m'adressa un regard en coin, visiblement navrée mais s'empressa déjà de s'écarter, la greluche blonde batifolant dans ses bras sans cesser de pailler avec contentement. Il l'emmenait dans un lieu où je n'avais aucune envie d'être. Les toilettes. Quelle romantisme. Je le contemplai s'engouffrer dans la pièce, l'un et l'autre aussi ivres que possible. Je serrais les dents et me détournai, les larmes aux yeux. J'allais devenir folle. J'allais devenir complètement cinglée.

Je voulais hurler. Je voulais crier. Je voulais réagir. Mais je restais bêtement assise, les doigts si serrés qu'ils en devenaient douloureux et un goût amer envahissant mon palais alors que je n'avais pu qu'ouvrir le bord de ma lèvre en la martyrisant ainsi. Pourquoi ne parvenais-je jamais à en obtenir plus de lui ? J'avais le sentiment de toujours pouvoir le saisir, qu'il était dans un train et moi sur le quais, mais que ma main tendue vers la sienne pouvait le rattraper. Mais à l'instant où mes doigts menaçaient de le saisir, il se dérobait. Loin. Bien trop loin.

Ma respiration se bloquait. Ma gorge trop nouée pour laisser passer l'air. La fatigue et le stress accumulée, n'aidant en rien à mon état émotionnel actuel. J'allais m'écrouler. Et je ne parviendrai même pas à expliquer pourquoi maintenant, pourquoi je souffrais tant de le voir sans cesse s'approcher et s'éloigner alors qu'il avait toujours été ainsi. Paniquée par mes émotions chaotiques, je voulus me redresser pour m'enfuir de ce lieu bondé où je n'avais pas ma place. Mais alors que j'allais m'enfuir, me fichant bien de laisser Derek se débrouiller seul pour rentrer, une main ferme vint enlacer mon poignet. 

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