I have loved you for a thousand years, i'll love you for a thousand more

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Anxieuse. Le cœur sur le point d'exploser. Et une sensation étrange tourbillonnant dans le fond de l'estomac. L'adrénaline retombait doucement tandis que Nathanaël me broyait la main dans l'attente, insoutenable, que nous faisait subir nos professeurs. Le concert était terminé depuis une bonne heure désormais, beaucoup de groupe avaient déjà quitté les lieux. Certains convaincus de leur réussite – comme c'était le cas de Cameron, Tamara et du reste de leur joyeuse bande – et d'autres trop déconfits pour avoir la patience d'attendre le fameux tableau annonçant leurs tristes sorts.

Pour ma part, je tanguais entre les deux catégories. Nous avions assurés. Ou plutôt Samira et Nathanaël avaient assurés. L'un et l'autre s'étaient montrés plus doués que jamais. Nathanaël s'était même lancé dans une envolé rythmique que j'avais eus bien du mal à suivre tandis que Samira s'était déchaînée comme jamais, emportant la foule avec elle dans des mouvements fous et flous. Derek était resté plus calme, plus en retrait. Mais sa voix se suffisait à elle-même. Plus rauque que d'habitude, plus chargé d'émotion, plus profonde, plus tout. Il avait été incroyablement bon. Peut-être même meilleur que les deux autres. Il n'avait pas cherché à trop en faire, il n'avait pas tenté de se démarquer. Il avait juste laissé faire la musique. Ma musique. Notre musique.

Notre prestation avait été applaudie, mais je n'avais pas su déterminer si elle l'avait été plus ou moins que ceux passés avant nous. Sur la scène, lorsque Nathanaël était venu me tirer de derrière mon piano pour aller saluer le public, mes oreilles bourdonnaient. Mes doigts étaient brûlants. De fines perles de sueurs coulaient le long de mes tempes. Et ce sentiment étrange qui était encore si omniprésent après plusieurs longues minutes.

En entrant sur scène, la peur avait voulue me tétaniser. Je me retrouvai face à une salle pleine, garni d'une multitude de visage que je ne connaissais pas et qui n'étaient là que dans l'unique but de me juger. La pression qui s'était abattue avait été grande. Trop grande pour moi. Mais lorsque mon estomac s'était tordu, prêt à se répandre sur le plancher, une main ferme avait appuyé dans mon dos, me poussant en avant. Nos yeux s'étaient rencontrés. Et il m'avait juste souri. Comme avant. Comme si rien ne s'était passé. Comme si rien n'avait changé. Comme si rien ne changerait jamais. Un sourire qui voulait me souffler à quel point, lui, n'avait aucun doute compte à mes capacités. Il savait que tout irait bien pour peu que je me décide à m'asseoir devant mon piano. Alors j'avais pris une grande inspiration, me détournant de Derek pour aller là où je devais me tenir en cet instant.

Et puis le vide. Je n'avais plus perçu les murmures du public qui attendaient, patiemment, que nous débutions. Je n'avais plus perçu l'agitation de Nathanaël qui ne cessait de faire jongler ses baguettes entre ses doigts. Je n'avais plus perçu l'impatience grandissante de Samira qui brûlait d'enfin avoir son moment de gloire. Plus rien. Juste lui et moi. Le piano et moi. Ses touches froides, son bois sombres, le métal lisse de la pédale. Je m'étais assise, mes épaules s'étaient détendues d'elle-même et, probablement un peu trop rapidement, j'avais commencé à jouer. Mes trois comparses avaient été surpris d'entendre la première note alors qu'ils s'installaient encore, mais, sans se laisser désarçonner, tous m'avaient suivi. Et la musique avait emporté mon cœur avec le peu d'esprit qu'il me restait encore. C'était pour ça que j'étais ici. Pour ça que je voulais rester ici. Pour ce sentiment. La mélodie. Ma mélodie. Mon monde. Un sentiment grisant m'avait dévoré, sans que je parvienne à l'expliquer. Bonheur ? Peut-être. Mais c'était plus que cela. Sensation d'être à ma place ? Non. Je n'étais pas faite pour être sur scène. Alors c'était peut-être juste la satisfaction d'être entendue. C'était ma musique. Mon monde.

Même après la fin de notre prestation, le sentiment ne s'était pas dissipé, il était resté profondément ancré. Un peu amorphe j'avais à peine répondu à l'étreinte brusque de Nathanaël qui braillait, à qui voulait l'entendre, que nous avions été merveilleux. Je n'avais pas non plus réagi lorsque Samira m'avait gratifié d'un sourire dès plus sincère en m'assurant que j'étais une compositrice de génie. Et je n'avais pas plus remarqué que Cameron tentait d'empêcher Tamara et Mathieu de se ruer sur moi, alors qu'ils brûlaient d'envie de me féliciter. Non. J'étais perdue. Désarçonnée par ce sentiment nouveau. J'avais été entendu. J'avais été perçu. J'avais pu partager quelque chose d'unique avec tous ces gens.

Neither good nor badWhere stories live. Discover now