Il sait. Je sais. Nous oublions.

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- Putain. Je vais te trucider Meyer.

Son rire se répandit dans le petit habitacle de ma twingo. Je luttais contre ma profonde envie d'ouvrir la portière pour le balancer sur le bas côté. Comment je pouvais être amoureuse d'un type pareil ? Ce n'était qu'un abruti, qu'un crétin fini. Et lui qui se contentait de rire alors que je bouillais littéralement. J'allais le tuer. Définitivement.

- Admet que c'était cool.

- Jusqu'à ce que tu me gerbes dessus. Encore, balançai-je en faisant claquer ma portière, me glissant plus nettement derrière le volant.

- Tu as l'habitude, rétorqua-t-il en haussant les épaules.

- Et tu étais censée conduire, rappelai-je sans relever. Tu sais que j'aime pas le faire de nuit.

- Grâce à moi tu as eu ton permis du premier coup ! Arrête de te plaindre et démarre, championne !

Sa voix résonnait trop fortement alors qu'il avait, encore, abusé de la bouteille. Je jurai avant d'obéir malgré tout. Je devais reconnaître que mon assurance au volant lui était partiellement dû. Après tout, dès mes seize ans il m'avait assise derrière le volant de sa propre voiture. D'ailleurs, certains n'hésitaient pas à penser qu'il m'invitait à toutes ses soirées, uniquement pour que je joue le rôle de ce bon vieux Sam. Et je devais admettre que l'idée m'effleurait aussi plus que régulièrement.

La première fois avait été chaotique. Je débutais à peine la conduite accompagnée et confondais encore la pédale de freins avec celle de l'accélérateur. Plus d'une fois j'avais pilé, déclenchant les fous rires d'un Derek ivre et peu aidant. Mais je n'avais pas eu d'accident et nous avais ramené indemne. Comme souvent, j'étais restée dormir chez lui après la soirée tandis que ma mère pensait simplement qu'entre cancre nous nous soutenions mutuellement pour améliorer nos notes. L'excuse était donc passée durant toutes ces années et j'avais simplement continué à jouer les mères poules, libérant Rebecca de ce fardeau alors que, infirmière, elle avait besoin de faire des nuits complètes.

- Voilà une raison supplémentaire qui devrait me pousser à refuser d'être ta colocataire. J'en ai assez de m'occuper de toi quand tu te fous dans un tel état, lançai-je. Tu gâches toutes mes soirées.

- Tu disais pas ça quand je te roulais une pelle ! T'étais plutôt aux anges que je sois bien bourré à ce moment là.

Mes joues virèrent au cramoisies. Connard. Le mot voulait m'échapper, mais je lui lançai simplement un regard noir. Derek balançait toujours ce genre de pique lorsqu'il était ivre, adorant voir mes réactions excessives. Il me l'avait déjà avoué plus d'une fois, désirant faire céder le masque que j'arborai la plus part du temps. Selon lui. Car je n'arborai sinistrement aucun masque. Si je m'ennuyai, je ne faisais pas semblant de m'amuser. Voilà tout.

Néanmoins, je devais reconnaître que son penchant pour la picole durant les soirées, m'avait permis de grappiller quelques précieux souvenirs. Comme ce soir. Très souvent, après plusieurs verres descendus, Kevin, le plus déluré de ses amis, annonçait le début d'une partie d'action ou vérité. Après quelques tours et quelques vannes salaces, Derek avait été choisi. Sans surprendre personne, il avait choisi l'action. Il n'aimait pas se confier. Même bourré. Et, Sacha, avait choisi son gage : embrasser la fille à qui il tenait le plus dans la pièce.

J'avais eu envie d'éclater de rire lorsque plusieurs nanas s'étaient soudainement redressées, bombant leurs poitrines exhibées par un large décolleté. Elles avaient toutes l'espoir qu'il vienne tituber vers elle, priant juste pour qu'il ne leur vomisse pas dessus par inadvertance. Mais, il n'avait pas eu d'hésitation. Il s'était relevé du canapé et s'était avancé vers moi. Mon cœur avait accéléré ses battements dès la seconde où Sacha avait annoncé ce qu'il devait faire. Je savais. Je savais que c'était moi qu'il allait venir embrasser. Et c'était un moment trop rare pour ne pas l'attendre impatiemment. Je crois que c'était la seule raison m'ayant poussé à toujours venir avec lui en soirée. Ça et le fait que je devais aussi veiller à ce qu'il ne dérape pas trop loin.

Neither good nor badWhere stories live. Discover now