Hating, Craving, Falling

By VicArroyo

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| Gagnant Wattys 2018, catégorie « Acteurs du changement » | Si Charly Sanders est bien sûre d'une chose, c'... More

Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
Chapitre 24
Chapitre 25
Chapitre 26
Chapitre 27
Chapitre 28
Chapitre 29
Chapitre 30
Chapitre 31
Chapitre 32
Chapitre 33
Chapitre 34
Chapitre 35
Chapitre 36
Chapitre 37
Chapitre 38
Chapitre 39
Chapitre 40
Chapitre 41
Chapitre 42
Chapitre 43
Chapitre 44
Chapitre 45
Chapitre 46
Chapitre 47
Chapitre 48
ÉPILOGUE
Bonus - Lettre
Playlist Hating, Craving, Falling

Chapitre 5

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By VicArroyo

Mon premier réflexe en arrivant chez moi est de dégrafer mon soutien-gorge.

Meilleure sensation au monde.

Je réfléchis à la proposition de Betty. En dehors de l'épisode brumeux de l'anniversaire de Pauline, cela fait un moment que je ne me suis pas amusée un peu.

En saisissant mon portable pour lui envoyer un message, la sonnerie attribuée à mon frère se déclenche.

– Salut, Alex. Tout va bien ?

– Oui, Charly, tout va bien. Tu sais que je ne t'appelle pas uniquement quand il y a un problème, n'est-ce pas ?

– Pas toujours, mais il y a souvent une raison bien précise.

– C'est vrai, répond-il en riant. Et tu as tapé dans le mille. Je te contacte à propos des cent ans de Grand-Père.

Je grince des dents.

– Il a tenu jusque-là le vieux croûton ?

– Charly !

Désolée, c'est sorti tout seul.

Mon frère s'indigne au téléphone pendant que je bougonne. On pourrait difficilement qualifier ma famille paternelle d'unie. Mes grands-parents se trouvaient aux antipodes l'un de l'autre. J'ai toujours adoré ma Mamie, mais son mari était vieux jeu et persuadé que l'on n'était jamais sorti de l'état de guerre. Il a élevé ses quatre enfants dans une ambiance militaire pendant les nombreuses absences de ma grand-mère qui travaillait dans l'aviation. Il a donc façonné mon père à son image : un bon gros vieux con.

Son autre fils ne lui adresse plus du tout la parole, ayant été marqué au fer rouge par cette éducation, tandis que les deux filles ont décidé de suivre leurs propres voies. Elles sont restées en bons termes avec tout le monde et appliquent les valeurs qu'elles revendiquent dans leurs familles. Ainsi, j'aime énormément le clan des Branille et celui des Ramirez avec qui j'ai passé tous mes étés depuis ma naissance. Cependant, en grandissant, chacun a pris un chemin différent, et bien que je les apprécie toujours autant, nous ne nous voyons que très rarement.

– Oh, ça va ! Tu ne vas pas me dire que tout d'un coup c'est devenu ton meilleur pote, répliqué-je à propos de mon grand-père.

– Bien-sûr que non, tu connais mon avis là-dessus, mais malgré tout, je le respecte et tu devrais faire de même. Il est d'un autre temps, mais il reste correct avec nous.

– Avec nous, ou avec toi ? lancé-je d'un ton cinglant.

Mon frère marque une pause et je n'entends plus que son souffle dans le combiné. Je sens mon corps se tendre. Je me lève du lit et commence à arpenter l'espace.

– Je sais qu'il ne s'est pas toujours montré très tendre avec toi, mais il s'est calmé quand Mamie est décédée. Si tu passais le voir plus souvent, tu l'aurais remarqué.

– Alex, la dernière fois que j'ai franchi le perron de leur maison, c'était il y a sept ans et je me suis pris un coup de savate dans la gueule. Il y a mieux comme accueil.

– Tu as insulté Papa de tous les noms en regardant Grand-Père dans les yeux, lui signifiant clairement que c'était de sa faute. Tu l'as un peu-

– Ne dis pas que je l'ai cherché ! le coupé-je. C'est lui qui m'a virée de chez lui.

Alex soupire à l'autre bout de la ligne. Je le vois d'ici prendre sa tête dans ses grandes mains et passer son pouce autour de sa bouche plusieurs fois, tic qu'il possède depuis aussi longtemps que je me souvienne.

– On ne va pas avoir cette conversation à chaque fois qu'on parle de lui. Quand est-ce que tu vas grandir, Charly ? Tu n'es plus une gamine. Je conçois très bien que ça t'ait blessée, et je te l'ai déjà dit. Tu sais que je ne t'ai jamais laissée tomber et que je fais ce que je peux pour te défendre. Je comprends d'ailleurs tout à fait que tu ne veuilles plus parler à Papa et Maman.

Il s'arrête pour reprendre son souffle. Je ne peux nier son soutien, c'est vrai. Seulement, c'est une chose de me comprendre, et c'en est une autre de le vivre. Depuis son entrée au collège jusqu'à ce qu'il quitte le nid familial, Alex a passé l'essentiel de son temps en internat. Il ne connaît qu'une facette bien rodée de mon père et uniquement une infime partie de ce que j'ai subi. Mais je ne peux pas lui jeter la pierre. La vérité, c'est qu'il est impossible de cerner une situation dans son ensemble quand le seul accès qu'on accorde se limite à un trou de serrure.

– Bref, j'en reviens aux cent ans de Grand-Père, et au fait que tu dois venir.

– Euh non, ça ira merci. Amuse-toi bien.

– Charly ! Il est en sursis, cent ans c'est déjà un exploit pour n'importe qui. Tu le regretteras si tu ne viens pas.

– D'avoir passé une journée peinarde chez moi au lieu de me faire écraser et marcher dessus par Hitler et Staline comme un paillasson bon marché ? Ouais, je le regretterais trop.

– Et s'il meurt demain, tu te sentiras con.

Et voilà, il est énervé maintenant.

J'ai envie de lui signaler qu'il a mal prononcé le mot « soulagée », mais je m'abstiens. Mon frère ne jure jamais. Il est calme, droit et parle bien. Un peu mon contraire. Les rares fois où il ajoute des insultes à son vocabulaire sont lorsque je le pousse à bout. Nous y voilà donc.

– Écoute, je suis désolée, mais je ne peux pas. C'est au-dessus de mes forces, j'ai trop de respect envers moi-même.

– Essaye d'en avoir pour les autres, une fois dans ta vie.

Je sais qu'il ne croit pas réellement à ce qu'il dit. Mon frère est incapable de faire du mal aux gens qu'il aime. Cependant, il se révèle parfois un peu abrupt et n'hésite pas à dévoiler ses pensées comme elles viennent, sans filtre. Et s'il est frustré, il a une légère tendance à exagérer. Malgré tout, ça me fait toujours le même petit pincement douloureux entre les poumons.

– Ce n'est pas juste Grand-Père, il y aura aussi tous les Branille, et Stéphanie a mentionné à Maman qu'elle viendrait avec son bébé.

Je bloque sur cette dernière phrase.

Ma cousine a un bébé ? C'est quoi ce bordel ?

– Ah ! C'est bien la preuve que tu ne les vois pas suffisamment ! Stéphanie ne s'est pas contentée d'un seul avis, et il se trouve que sa stérilité n'en était pas une. Elle a accouché il y a deux mois, je t'avais envoyé un mail avec sa photo.

– Arrête de m'écrire des mails, tu sais très bien que je ne les consulte jamais !

– Tout ça pour dire : s'il te plaît Charly, réfléchis-y. Pour moi. Et pour nos cousins et cousines. Je suis sûr que tu as envie de les voir, et c'est l'occasion de rencontrer ce petit bonhomme.

Il croit vraiment qu'il va m'appâter avec un mioche ?

Ceci dit, il n'a pas tort. Cela fait bien trop longtemps que je n'ai pas vu les rares membres de la famille que j'apprécie. Je soupire bien bruyamment pour lui montrer qu'il s'agit tout de même d'un effort énorme de ma part.

– Ok, ok, tu as gagné. Je vais y réfléchir.

– Merci ! Je te rappelle en fin de semaine pour voir les modalités avec toi. Bonne nuit, Charly.

Je marmonne un bref au revoir, et raccroche en balançant mon portable à l'autre bout du lit.

Le lendemain, en arrivant à l'agence, Joanne me fait signe de venir la voir.

– Charly, bonjour. J'espère que ton premier jour s'est bien passé. Chloé a dû prendre sa journée, du coup tu accompagneras Armelle. Je te laisse l'attendre dans la salle Tessa Worley.

J'acquiesce et pars en quête de ma nouvelle référente intérimaire. Dans le couloir, je tombe sur Betty qui m'accueille avec un grand sourire.

– Bonjour, jolie Charly ! Comment vas-tu ?

Je lui glisse une bise en posant ma main sur sa hanche. Elle a une odeur sucrée, un parfum que je connais, que j'ai porté adolescente, mais dont je ne me souviens pas du nom.

– Bien ! Je sors de mon rendez-vous avec le service après-vente des référentes pour échanger la mienne. Obligée de gratter chez les autres...

– Ça ne se passe pas bien avec Chloé ?

La réponse correcte serait d'acquiescer, mais je n'ai pas du tout envie de lui en parler.

– Si, si ! C'était pour plaisanter. Elle est absente alors je passe la journée avec quelqu'un d'autre.

Elle rit vivement, rassurée, puis se remet en marche, prenant l'allée menant aux salles de réunions. Je lui emboîte le pas en discutant.

– Avec qui, du coup ? Peut-être avec le mien ! dit-elle malicieusement.

– Non, c'est une femme, mais ça aurait été bien drôle, je pense !

Tout semble facile avec Betty. Nous nous connaissons depuis à peine vingt-quatre heures et il n'y a pas une once de gêne entre nous, comme si nous étions amies depuis toujours. C'est vraiment très agréable. Devant la porte menant à deux salles de réunion, elle me fait face.

– Je vais passer aux toilettes avant de commencer la journée. À plus tard.

– Ah au fait, lancé-je avant qu'elle tourne les talons, pour répondre à ta question d'hier : ce serait avec plaisir !

Elle me regarde avec un air interrogatif, le front plissé et la tête penchée.

– Ma question ? Quelle question ?

Mon visage se décompose à mesure que le sien s'illumine.

Je ne comprends pas. Elle m'a bien proposé de sortir avec elle ?

Tout d'un coup, son rire résonne dans le couloir. Elle me lance un clin d'œil et disparaît. Cette fille me déstabilise, et je me sens idiote. J'ai peut-être mal saisi sa demande, même si elle paraissait quand même très claire... Mais je réalise qu'en l'espace d'à peine deux jours ici, il s'est déjà passé bien trop de choses que je peine à maîtriser.

Je me ressaisis et entre dans la pièce pour attendre ma référente du jour. Près des fenêtres, un homme d'une trentaine d'années pianote sur son smartphone. Le bruit de la porte l'incite à relever la tête et je le salue.

– Excuse-moi, tu ne sais pas où je peux trouver Armelle, par hasard ? On a rendez-vous ici.

Il s'avance vers moi et me tend une main chaleureuse que je serre.

– Eh bien tu l'as trouvé, justement !

Armel est un homme ?!

Je crois que ce début de matinée ne peut pas m'apporter plus de surprises, en tout cas je ne sais pas si je le supporterais.

– Tu dois être Charly, Joanne m'a prévenu. J'attends mon assistante et on pourra commencer la journée.

Je me sens un peu perdue, moi qui ai l'habitude de maîtriser l'art de sauver les apparences, j'ai l'impression de patauger.

– Ah, ben la voilà ! Ah... Mince, je reviens, je dois décrocher.

Il sort de la pièce et la personne dont parle Armel n'est autre que Betty. Sans pouvoir m'en empêcher, j'explose de rire. Lumineuse, Betty m'enlace brièvement avant de se reculer pour m'observer, un éclat malicieux dans ses iris chocolatés.

– Je te taquinais ! mentionne-t-elle discrètement en arrivant près de moi. J'espère que tu ne m'as pas crue. Je suis contente que tu aies envie de sortir avec moi vendredi, et je suis ravie que nous passions la journée ensemble. Ça va être super chouette !

Mon rire nerveux se calme enfin et je me détends un peu. Si elle aime autant s'amuser que moi, ça risque de se révéler explosif. Je la rabroue en plaisantant tandis qu'elle m'entraîne à sa suite afin de rejoindre Armel.

– Tu as raison, ça va être génial !

Je ne me suis pas trompée. La journée est passée en un éclair. Armel est un super référent, et à nous trois, nous avons ri pour au moins dix vies différentes. J'ai pu mettre à profit mes connaissances juridiques tandis que Betty s'est occupée d'organiser différents rendez-vous téléphoniques. C'est ainsi que j'ai appris que ses origines hispaniques lui viennent de sa mère et qu'elle parle un espagnol parfait, ce qui se révèle pratique, car leur principal client actuel est une petite entreprise madrilène.

De retour chez moi, je pousse un soupir satisfait et m'étale sur la balancelle en admirant le coucher de soleil. Si la journée a commencé très bizarrement, elle se termine superbement. Je suis contente de mon nouveau travail, j'ai rencard avec une fille géniale qui paraît aussi déjantée que moi, et même Chloé, malgré son ressentiment envers moi, semble être un bon mentor professionnel. Ce qui me ramène instantanément à son texto. Cela m'a tellement questionnée sur le moment que j'ai totalement fait abstraction d'une partie de son message. Cette situation était si inattendue hier que je n'ai pas songé une seconde à lui demander ce que j'avais oublié chez elle.

Je suis frustrée et fascinée tout à la fois par le pouvoir de mon cerveau à dissimuler toute une partie de ce que nous avons vécu. Je revois très distinctement mes mains caresser sa peau, ou même la forme de sa bouche lorsqu'elle me parlait. Mais je serais bien incapable de me souvenir de ce qu'elle me disait, ou de ce à quoi ressemble son habitation.

Une sensation d'inachevé m'envahit, et je réalise qu'il aurait peut-être été préférable de la confronter sur cette soirée. Parce qu'on était deux. Et qu'elle non plus n'a pas cherché à mentionner cet épisode, alors qu'elle a eu les mêmes occasions que moi. Peut-être qu'elle a honte, ou qu'elle ne veut pas assumer non plus. Ou peut-être qu'elle s'en fiche carrément. Je n'ai pas envie de passer des heures à me questionner sur le sujet, mais la vérité, c'est que ça commence à m'obséder. Pas d'avoir couché avec elle, ça je crains de ne pouvoir jamais le comprendre. Non, plutôt le fait de ne pas me souvenir. Et de ne pas savoir ce que j'ai laissé derrière moi. J'ai beau détester les textos, j'ai presque envie de lui écrire pour le lui demander.

Presque.

Mais je décide que cela peut attendre le lendemain et choisis de plutôt m'investir dans la vie réelle. Je me redresse sur la balancelle et compose le numéro de Betty qu'elle m'a griffonné sur un post-it avant de quitter l'agence.

Le soleil a terminé sa descente derrière les montagnes et a laissé à sa suite un ciel mauve qui s'assombrit de minute en minute. La tonalité d'appel se répète plusieurs fois avant que j'entende enfin la voix enjouée de mon interlocutrice. À mon habitude, je ne tergiverse pas dans les manières et vais droit au but.

– Salut, Betty ! Que penses-tu d'avancer notre rendez-vous de vendredi à demain ?

– Je pense que c'est super !

– Le bar Le Raspuntzel à Megève, ça te convient ?

– Parfait ! À demain, Charly.

Et elle raccroche. Un point de plus que j'apprécie chezcette fille : elle n'épilogue pas sur les choses inutiles.

*******

Et un chapitre de plus !

On se retrouve demain pour la suite !

Bonne lecture !

xx

Victoria


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