Le coup qu'elle venait d'asséner lui avait réduit la main en compote. Prenant sur elle pour ne pas montrer que la douleur avait pris le dessus -encore une fois-, elle se mordit la lèvre jusqu'au sang tout en fixant un point invisible. Face à elle, Elias, la mâchoire crispée, se contente de se décaler de Mya : il est très impulsif, il serait dommage d'abîmer un si joli visage. Cepandant, comme tout dominant qui se respecte, ce qu'elle vient de lui faire passe mal. C'est à peine s'il se sent à même de pouvoir le digérer.
- Je ne vais jamais y arriver... jamais, se répète-il doucement les dents serrées.
De son côté, Mya se maudit encore d'avoir frappé si fort. Mais cette douleur n'est rien comparée à celle qu'elle ressent à l'intérieur de sa poitrine. Cet enfant... qu'en est-il de lui ? Est-ce qu'il va bien ? Même s'il n'à pas été touché par la voiture -chose assez étrange d'ailleurs- peut-être est-il en état de choc ? Et ses parents...?
Mya se passe une main tremblante sur le visage, essuyant de cette manière des gouttes de sueur invisibles dans l'espoir de calmer son mal-être, en vain. Elle chancèle, manque de tomber mais se rattrape grace à la commode.
- Elias qu'est-ce que tu as fait... se lamente-t-elle.
Une fois encore elle revît son monde s'écrouler.
- Qu'est-ce que tu as fait ? répète-t-elle à tue-tête.
Elle plaque ses mains sur son visage, secoue frénétiquement la tête de gauche à droite, tentant tant bien que mal de chasser les mauvaises images de son esprit. Elias, qui commence sérieusement à s'impatienter de son comportement plus que puéril, explose.
- Arrête un peu de chouiner veux-tu ?! Si je savais que ce que Demyan voulait était de s'handicaper avec une gamine pleurnicharde jamais je n'aurai marché dans son plan.
Instantanément calmée par les soudaines paroles du vampire, Mya relève la tête, les yeux rougis par les larmes, l'air dépravé. Il n'en faut pas plus au garçon pour prendre un sourire hautain et une expression mauvaise.
- Une gamine pleurnicharde, et faible.
Les yeux de la jolie brune s'écarquillent, alors qu'un voile de tristesse vient la submerger. Ainsi le vampire, ayant obtenu ce qu'il voulait, tire sa révérence avec un sourire malsain avant de partir. Mais c'est sans compter sur Mya qui ne compte pas lui laisser le dernier mot.
- Espèce de salaud !
Sa mère... mon dieu si sa mère avait été là...!
Mais elle n'est pas là. Personne n'est là pour la soutenir.
Happy se frotte contre sa jambe. Au mois, lui est ici.
- Vient, Happy, chuchote-t-elle au chat. On va faire un petit tour.
Se faisant ils sortent de la chambre et atterrissent dans un petit couloir aux tons crémeux, si l'on ne compte pas les quelques petites tâches rouges çà et là.
Deux autres portes en plus de la siennes sont visible à l'autre bout, mais elle n'a aucune envie de visiter l'endroit. Si elle tombe sur la sortie, ça sera très bien. Et, coup de chance, en descendant les escaliers la jeune fille se retrouve nez à nez avec une porte d'entrée !
Est-ce judicieux de s'en aller sans ses affaires ? Bah... Peu importe, elle ne compte pas partir maintenant, ça serait trop prévisible. Prendre l'air sera déjà pas mal, à condition qu'on ne l'en interdise pas. Regardant de droite à gauche puis de gauche à droite, elle s'assure qu'il n'y ait personne qui vienne à sa rencontre. Ce qu'elle trouve étrange d'ailleurs.
Mais ça ne l'arrête pas, au contraire, elle pourra profiter de l'air tranquillement pendant au moins quelques instants.
Au dehors, Mya respire... différemment. L'air est différent. Pas le même que chez elle. Son vrai chez elle. Sa ville. Comme si elle se trouvait dans un autre monde. Mais n'est-ce pas la réalité ? Est-ce que cette distorsion temporelle ne les a pas transportés dans un autre monde ? Elle ne sait rien d'ici, pourtant elle a le pressentiment qu'elle va devoir y rester longtemps. Plus longtemps que l'éternité, en sachant que l'éternité est déjà longue.
Au loin, une fontaine lui fait de l'œil et, plus fort qu'elle, Mya s'y précipite. Impossible de résister à l'appel de l'eau. Espérons que ça lui remonte le moral !
Confortablement assise au bord de l'eau, elle fait sortir de sa tête toutes les ondes négatives. Elle ne s'occupe de rien, pas même de la silhouette qui la regarde au loin de par la fenêtre à l'entrée de la maison.
- C'est un belle scène, tu ne trouves pas Elias ?
L'intéressé, nonchalamment assis sur une chaise de salle la tête posée au creux de sa main, répond un bref "ouais" presque inaudible. Il n'y a pas une meilleure façon d'exprimer son non-contentement.
- C'est sa mère qui insisté pour qu'une fontaine soit exposée juste face à l'entrée. Elle adorait l'eau.
- Et ta fille en a hérité. C'est merveilleux, dis-moi, raille le vampire. As-tu encore des anecdotes à me raconter ?
- Oh, et bien j'en ai tout un stock, mais crois moi, ça ne te plairait pas de toutes les entendres, persiffle méchamment l'homme imposant.
Il se retourne face à son apprentis.
- Alors je te propose d'aller rejoindre la jeune sotte qui est en train de boire l'eau de la fontaine, et de lui expliquer qu'elle n'est pas potable.
Elias se redresse et regarde Demyan d'un air désespéré.
- Et je te propose aussi d'y aller avant qu'elle ne tombe malade. Car si elle t'ennuie déjà à l'état naturel, je te laisse imaginer en tant que malade.
Sur un petit sourire mesquin de la part de son maître, Elias se résigne à rejoindre la "sotte", dans l'espoir de peut-être atténuer la tension qui règne entre eux.
Arrivé à sa hauteur, il s'amuse à la regarder quelques instants avant de lâcher sombrement :
- Elle n'est pas potable.
La jeune fille, n'ayant pas aperçu le vampire avant, glisse de sur le rebord de la fontaine, et se voit tomber dans l'eau au ralentis.
Mais juste avant que son corps n'ait pu être entièrement imbibé de la substance liquide, elle se rend compte qu'Elias l'a retenue.
- Waouh, vos sens surdéveloppés vous servent quand même de temps à autres...
Faisant fît des paroles de la novice, Elias la redresse et la regarde longuement. Quelques mèches de ses cheveux ont été trempées tout comme une partie de sa manche et de son gilet.
- T'es mignonne comme ça.
Mya redresse la tête en une fraction de seconde, mais pas assez tôt pour voir la mine déconfite qu'à tiré Elias juste avant. Ce dernier n'en mène pas large, mais se ressaisit vite.
- Qu'est-ce que tu viens de dire ? Murmure Mya, pas certaine d'avoir très bien entendu.
- Moi ? Sourit Elias. Oh, j'ai juste dit que tu étais mignonne, avec ton air dépravé. Ça te donne l'air encore plus faible. J'ai presque pitié pour toi.
Y'a aurait mieux fait de se taire. Pourquoi soudainement Elias aurait-il été pris de gentillesse ? Surtout pour lui balancer qu'elle est "mignonne" dans le bon sens du terme.
De son côté. Il profite que l'adolescente ait la tête tournée pour souffler sa honte. Comment a-t-il pu sortir une chose pareille ? C'était moins une. Jamais il ne doit se laisser aller de cette manière. Surtout pas avec cette fille. Comment pourrait-il éprouver quoi que ce soit à son égard mis à part du mépris ?
C'est sur ces songes qu'il reprend son habituel air sombre et froid. Mya est toujours dos à lui, et bien décidée à le rester. Elle qui comptait être tranquille pendant un moment...
Et dire qu'elle allait le remercier de l'avoir retenue de tomber à l'eau ! Elle aurait préférer qu'il la laisse plonger la tête la première !
- Ça te dérangerait de me lâcher les basques pendant quelques temps ? Demande-t-elle agressivement.
Pas un bruit ne retentit lors des prochaines secondes, puis Elias détourne les talons, ses pieds remuants les cailloux à chaques pas.
- Demain, nous rendrons visite à mes parents. Ils seront sûrement heureux -et les seuls- de te rencontrer.