Chapitre 4 :

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Il est onze heures et demi. Une demi-heure qu'ils sont installés dans cette voiture.

- Il ne roule pas un peu trop vite là ?

- Il roule légèrement au dessus de la limite de vitesse.

- Légèrement ?! S'époumone Mya. Il est à quatre-vingt dix ! Dans un village c'est limité à cinquante, je te rappelle, annonce-t-elle au conducteur.

Elias marmonne tout bas, mais son visage et ses mains crispées sur le volant indiquent très clairement qu'il ne pense pas du bien. Aussi, c'est à contre cœur qu'il ralenti la cadence.

- Je te remercie. À rouler à une vitesse pareille, tu n'as aucune conscience du danger, souffle-t-elle gentiment.

- Bien sûr que si.

Et sur ce, il se remet à rouler à sa vitesse initiale, provoquant un hoquet de stupeur à la jeune passagère à l'arrière, à laquelle il s'empresse de faire un sourire provoquant.

Ils approchent devant une école. Une école qui fait remonter tellement de souvenirs... si seulement les souvenirs pouvaient rester joyeux, et pas tristes... Si seulement Mya pouvait retourner une fois de plus sur ce trottoir bétonné rempli de graffitis enfantins, et serrer Keo dans ses bras, juste encore une fois...

Ils se rapprochent de plus en plus de l'école, ou un tas d'enfant s'agite, certain attendent leur parents, d'autres, assez grands, s'en vont seuls. Mais à son grand désespoir, Keo ne sortira pas aujourd'hui. Il ne sortira plus puisqu'il n'ira plus à l'école.

La voiture arrive à quelques mètres du passage piéton, alors vert pour eux, sans pour autant ralentir. 

- Elias, ralentis.

Rien à faire, il ne l'écoute toujours pas, faisant vrombir le moteur de la voiture, la poussant un poil plus vite. Le regard désespéré, Mya lance un regard à Demyan, confortablement adossé sur le siège, les yeux clos et les bras croisés.

- Elias ! Cri-t-elle avec l'impression de n'être rien d'autre qu'une enfant capricieuse.

Un enfant traverse. De plus belle, elle lui vocifère de stopper l'engin.

Trop tard. Elle a juste le temps de fermer les yeux, imprimant l'image d'un Elias déterminé, qu'un choc se fait ressentir. La scène lui paraît tellement familière que, les yeux fermés, elle se repasse un épisode de sa vie en mémoire. Sans doute le pire jour de sa vie.

Et tout s'emballe.

La voiture est immobilisée, personne ne parle, et elle pleure. Pourtant elle ne daigne pas ouvrir les yeux. Que ce passerait-il si elle revoyait une fois de plus cette cohue de gens attroupée tout autour d'un petit corps frêle, sans pouvoir rien faire d'autre qu'être impuissante ? Entendre de nouveau des cris d'effroi, de stupeur, et un moteur de voiture qui s'éloigne peu à peu, comme quand une partie de sa vie lui a été ôtée d'un coup ? Elle ne le supporterait pas.

Mais c'est bel et bien ce qui est en train de se passer. Du moins, elle le pense. Sa question est remise en doute alors qu'elle ressent quelques petites gouttes de pluie lui tomber sur les bras. Ne faisait-il pas un soleil éclatant il y a un instant ? Elle sent encore la chaleur de cette boule de feu se propager sur sa peau... Et n'était-elle pas à l'intérieur de la voiture ?

La curiosité l'emporte finalement : Mya ouvre les yeux, et se fait accueillir par un ciel sombre, parsemés de nuages aux allures poussiéreuses. Il pleut.

- ...bien ?

Elle se relève péniblement, la tête bourdonnante, les jambes flageolantes, découvrant avec effroi que le paysage est tout autre que celui d'avant : plus d'école, ni d'enfants ou de maisons, juste des arbres à perte de vue.

Un étrange bruit aigu, semblable à des ultrasons, vient s'immiscer dans l'air, lui faisant froncer les sourcils. Plus elle se concentre sur lui, plus le son s'intensifie, jusqu'à lui infliger lentement une douloureuse sensation migraineuse.

- Mya, tout va bien ?

Ce qui, aux oreilles  d'Elias résonne comme une simple question, résonne comme un bourdonnement
affreusement rauque et violent sans aucune signification pour elle. Si on ajoute cela le fait que l'ultrason s'intensifie, la jeune Mya fini quelques instants plus tard à genoux, sur le sol boueux, les gouttes de pluie se faisant plus nombreuses.

- Fais s'arrêter cette chose ! Hurle-t-elle à son voisin, qui ne bouge pas un pouce pour lui venir en aide.

Il reste là, à la regarder la tête violemment enfoncée dans le creu de ses mains, dans l'espoir de faire cesser une douleur invisible pour lui. Voilà pourquoi il ne bouge pas : il ne comprend pas ce qui lui arrive. Alors comment lui venir en aide ?

Son second hurlement semble redoubler d'efforts, comme si elle n'avait même plus la force de crier sa douleur.

Elias commence à paniquer. Il a beau chercher son partenaire des yeux, impossible de l'entrevoir.

- Demyan !

Aucune réponse. Il ne peut pas avoir fait faux bond, pas alors que sa fille souffre le martyre. Le jeune vampire réitère son appel, vainement. Il se résigne : d'un mouvement rapide, il tend sa main face au corps de la jeune fille en mauvais état, se fait violence pour décliner les cris et plaintes de la brune et récite une incantation d'une langue étrangère.

Durant son action, il ferme les yeux pour se concentrer plus, lorsque le silence vient brutalement régner en maître.

Il a réussit. Mya ne cri plus. Elle ne souffre plus.

Fier de sa réussite , il s'empresse d'ouvrir les yeux afin d'examiner la petite victime. Mais son air joyeux se déconfit bien vite : Mya ne souffre plus, non. Mais son corps est à présent étalé de tout son long dans la boue.

- Mya...?

Il s'approche prudemment, mais dès lors qu'il remarque que son corps ne bouge plus, et qu'elle ne respire plus, il court jusqu'à elle pour la secouer dans tous les sens.

- Eh, Mya ! Ne fais pas de conneries, supplie-t-il.

Son cœur à elle ne bat plus.

Mais le siens bat plus vite que jamais.

Traquée par un vampireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant