Tintali et Mérandil lâchèrent la corde qu'ils avaient utilisé et s'approchèrent d'elle pour voir son état. La fée sortit son épée et ne prit même pas la peine de chercher à défaire le nœud : Elle coupa le tout, permettant à Elenor d'essayer de se redresser.
- M... Merci...
Tintali se frotta la nuque, secouant par la même occasion ses beaux cheveux roux pour les débarrasser de la poussière.
- Il fallait évidemment que tu tombes dans l'un des pièges les plus bêtes de tout le labyrinthe. C'est un puits, expliqua-t-elle en pointant du doigt le trou encore béant, Plutôt dangereux, tu l'auras remarqué, je pense. Tu tombes là-dedans, et il te sera impossible d'en sortir sans aide, comme on l'a fait aujourd'hui. Dans le même genre, il y a les oubliettes, mais celles-là, c'est plus pour oublier les gens qui y tombent que pour les tuer, bien que tu finisses par succomber à la faim et la soif... Enfin bref ! , termina-t-elle en croisant le regard de la licorne, Montre-moi tes mimines, humaine !
Encore sonnée, Elenor obéit sans discuter, présentant à la lumière du jour des paumes dans un sale état, qui arrachèrent un sifflement à Tintali et un renâclement à Mérandil.
- Ça fait mal si j'appuie là ? , demanda-t-elle en fermant son poing et en joignant le geste à la parole.
- Aïeuh ! , glapit Elenor en la foudroyant du regard.
- Mais vas-tu arrêter, oui ? , protesta Mérandil, Ce sont des plaisanteries de mauvais goût !
Tintali fronça les sourcils en une attitude de pur défi.
- Tu t'attendais à quoi de la part d'une fée, le bourriquot ? Et puisque tu es si noble d'esprit, soigne-la donc !
- C'est ce que j'allais faire !
Avant qu'Elenor ait pu poser quelque question, la licorne se pencha et posa ses naseaux dans les mains en coupe de la jeune fille avant d'y souffler doucement, produisant un son particulier. Une chaleur agréable s'y répandit alors et la douleur reflua. Lorsque Mérandil retira son museau, Elenor constata que ses mains étaient comme neuves, quoiqu'encore un peu sensibles.
- Je... C'est..., put-elle seulement bafouiller en rougissant.
- Peuh ! , grogna Tintali, Ca, c'était rien ! Attends voir ! Est-ce que tu as mal autre part ?
Un peu surprise, la jeune fille désigna sa cheville gauche, qui était rouge et gonflée. C'était celle qu'elle s'était tordue. Un grand sourire aux lèvres, la fée se frotta les mains, produisant une poussière dorée, qu'elle alla répandre sur la zone douloureuse. La souffrance s'atténua elle aussi, avant de disparaître. Emerveillée, Elenor tourna la cheville dans tous les sens, sans réveiller aucun élancement.
- Mais... Mais comment vous faites ? , demanda-t-elle.
- Les licornes et les fées sont deux races ayant la facultés de guérir les maux physiques, expliqua Mérandil d'un ton savant, C'est une grande fierté pour nous de pouvoir mettre ce talent en œuvre, enfin, pour les licornes, en tout cas...
- Entre ça et embrocher poliment les gens qui répondent mal à vos énigmes bidons, il y a pas mal d'ambition, ouais ! , coupa Tintali d'un ton sarcastique.
Mérandil la foudroya du regard, que la fée lui rendit bien.
- ... Mais, comme je disais avant d'être grossièrement interrompu, chaque chose se paie... Néanmoins, pour cette fois, je vais faire exception.
- Quelle grandeur d'âme ! , ironisa Tintali en se perchant sur l'épaule d'Elenor.
Mérandil souffla bruyamment, agacée, mais ignora la pique.
- Alors as-tu encore mal quelque part ? , demanda-t-il.
- Non, répondit effrontément la fée à sa place, son dos ressemble à un poisson écaillé, mais ce n'est pas grave !
Elenor rougit, mais Mérandil insista pour vérifier. Le dos de la jeune fille fut guéri en quelques secondes, la plongeant dans un soulagement profond, mais son tee-shirt et sa veste, largement éraflés et déchirés par endroits, ne pouvaient être réparés aussi facilement. Tant pis, la jeune fille ferait avec !
Emplie d'une nouvelle énergie due à la disparition de ses blessures, Elenor se releva, provoquant des marmonnements de protestation chez Tintali qui était toujours sur son épaule. Les jambes encore un peu flageolantes, elle se tourna une nouvelle fois vers la porte qu'elle devait emprunter. Elle nota en frissonnant que le puits s'était refermé, comme pour guetter la prochaine victime qui irait se jeter droit dans sa gueule.
- Eh bien, merci encore, déclara-t-elle, Mais je dois y aller à présent. J'ai un temps limité...
- De treize heures, termina Mérandil.
Elenor se figea.
- Comment savez-vous... ?
La licorne eut l'air un peu gêné, puis répondit franchement :
- C'est sa Majesté qui m'a ordonné d'aller me placer ici et de t'y attendre, afin que je te soumettes à mon épreuve des trois énigmes. Elle m'a brièvement expliqué qu'il avait fait un pari avec toi, comme quoi tu devais traverser le labyrinthe en moins de treize heures, et je devais te retarder...
Sur ce, et à la grande surprise d'Elenor et de Tintali, il s'inclina en tendant une jambe teintée de rouge devant lui.
- Mais tu m'as vaincue. Jusqu'alors, personne n'avait réussi à trouver les réponses à mes questions. Tu es digne de traverser ce labyrinthe.
- Attention ! , souffla Tintali à l'oreille de la jeune fille, les yeux brillants, Ce jour est à marquer d'une croix blanche ! Je n'avais jamais vu une licorne s'incliner devant quelqu'un d'autre que le roi, auparavant !
Mais Elenor était un peu perdue. Se massant les temps du bout des doigts, elle tenta de mettre les choses au clair dans sa tête.
- Alors, j'ai juste une question : C'est parce que j'ai trouvé la bonne réponse à vos énigmes que vous m'avez sortie de ce puits ?
Tintali et Mérandil se regardèrent, apparemment sans vraiment comprendre où elle voulait en venir.
- Parce que vous auriez pu me laisser là-dedans sans plus vous soucier de moi, continua-t-elle, Alors pourquoi ?
Ce fut Tintali qui répondit.
- Tu verras qu'ici, il y a un ordre pour nos décisions. D'abord, on se doit d'obéir aux ordres du roi, bien que des fois, cela ne nous enchante pas, mais ensuite viennent nos propres choix... Est-ce que tu es en train de nous dire que tu aurais préféré essayer de t'en sortir seule ?
- Non ! , protesta Elenor qui ne voulait pas qu'ils la considèrent comme une ingrate, Je ne pourrais jamais vous remercier suffisamment, c'est juste que je ne comprenais pas... Parce que je ne suis rien de spécial pour vous... Juste une humaine.
Mérandil secoua la tête.
- Pour moi, tu étais quelqu'un de spécial à partir du moment où tu as trouvé la solution à ma troisième et dernière énigme, humaine. C'est pourquoi j'aimerais bien t'accompagner dans ton périple, si cela ne te gêne pas. Je pourrais aussi t'aider à trouver le chemin, que je connais un peu.
- Boah ! , fit à son tour Tintali, un air ronchon sur son beau visage, Il n'y a rien à faire en dehors du labyrinthe, à part enquiquiner les pixies !
Elenor eut un sourire en se rappelant ce que lui avait dit la fée lors de leur première rencontre.
- Je croyais que vous ne vouliez pas mettre les pieds dans le labyrinthe...
Tintali rougit, ce qui jura avec ses cheveux, tandis que Mérandil étouffait vaille que vaille un hennissement moqueur.
- Non, ce n'est pas ça ! , s'écria-t-elle avec véhémence, c'est juste que si je te laisse toute seule, tout au plus accompagnée de cette espèce de mule, tu vas encore t'attirer des ennuis ! Et puis j'ai encore une faveur à te demander, je te rappelle ! Et enfin, par pitié, arrête de me vouvoyer, je n'ai que quatre-vingt ans !
- Moi de même, humaine, ajouta Mérandil, ... Au fait... Pourrait-on connaître ton nom ?
La jeune fille eut un sourire. Elle n'était plus seule, même si elle sentait que la suite du voyage ne serait pas de tout repos avec ces deux-là...
- Je m'appelle Elenor.