Les énigmes des Mondes mystérieux

28. Un réveil difficile

Avec un cri de rage, Muadhan fit valser la boule de cristal à l'autre bout de la salle du trône d'un revers de main. Le fragile objet ne résista pas et alla se fracasser durement contre le mur de pierre pour se briser en mille morceaux étincelants qui atterrirent sur la tête des créatures ayant eu le malheur de se trouver dessous.

De même, lesdites créatures se firent toutes particulièrement silencieuses et les plus transparentes possibles lorsque trois d'entre elles firent également les frais de la colère de leur maitre. Les couinements de douleur qui en résultèrent furent aisément compréhensibles, mais cela ne calma Muadhan qu'à moitié, qui alla se poster à la grande fenêtre ronde donnant sur la cité en croisant les bras dans son dos, les manches noires de sa chemise de poète dissimulant à peine les muscles crispés de ses bras et de ses épaules.

Elle avait beau être particulière, vive d'esprit, elle restait avant tout une humaine ! Comment une simple humaine pouvait-elle avoir brisé son sortilège !?

Le regard sombre, le roi reporta son attention sur la forêt qui s'étendait non loin. Il savait où elle et ses amis se trouvaient, et la distance qui leur restait à parcourir n'était pas énorme... Néanmoins, elle avait quand même perdu deux heures de son temps.

Deux heures qu'elle avait passé dans ses bras.

Ses mains couvertes de cuir se crispèrent sur le manche de son sceptre. Il avait été si proche ! Si proche de son but ! Mais il avait fallu qu'elle résiste, qu'elle trouve le moyen de se rappeler ce qu'elle devait faire ! Pour la première fois, quelqu'un avait déjoué l'un de ses sortilèges, et cela ne lui plaisait pas.

Du tout.

Pourquoi, en plus, avait-il fallu que ce soit elle ? Elle était celle qu'il désirait par-dessus tout, qu'il voulait atteindre à tout prix, celle qu'il avait fait venir dans son monde, son royaume, pour pouvoir la gagner en toute impunité...

Et elle était la seule à avoir résisté.

Elenor avait vu à travers l'illusion, le voile des apparences, alors même qu'il était sur le point de gagner. Que d'efforts pour un tel résultat !

Mais après, il lui avait accordé une petite victoire.

Pas la guerre.

Fidèle à son habitude, un sourire carnassier revint lentement s'inscrire sur ses lèvres, malgré sa frustration. Peut-être était-il mauvais perdant...

Mais il était un bon gagnant, surtout en voyant le prix qui lui reviendrait bientôt.

Elenor n'avait plus qu'une heure, une seule, pour parvenir à la cité qu'elle devait encore traverser, entrer dans le château, trouver la salle du trône...

Et lui faire face.

OOO

Suffoquant comme si elle sortait d'une apnée forcée, Elenor rouvrit brusquement les yeux. Ce n'était plus cette obscurité dévorante, sans aucun espoir de lumière qu'elle percevait à présent, mais bien le clair-obscur d'un sous-bois lors du soir qui tombe.

- Elenor ! Réponds, bon sang !

La voix de Puck la tira de sa contemplation de cette faible lumière, si forte par rapport à l'absence qu'elle avait pu ressentir plus tôt.

- ELENOR !!

- Oui, je... Je suis là !

La jeune fille voulut joindre le geste à la parole, avant de se rendre compte que, non content de l'avoir envoyée dans elle ne savait quel piège magique, les roses avaient également décidé de lui pousser tout simplement dessus. Grimaçant en sentant les épines s'enfoncer dans sa peau, Elenor se redressa en les arrachant sans le moindre ménagement, ce qui lui parut plus simple que dans son souvenir.