17. Le jardin du bois aux Âmes

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  Songeur, Muadhan passa sa main sur la boule de cristal dans laquelle il voyait Elenor et Mérandil pénétrer dans une nouvelle partie du Labyrinthe. Autour de lui, les Faës inférieurs chuchotaient et piaillaient en montrant l'objet magique du doigt, tout aussi obnubilés les uns que les autres par cette humaine qui avait accepté le défi de leur roi.

Ce dernier tapotait en cadence l'accoudoir de son trône avec ses doigts éternellement gantés, l'autre main occupée à rendre plus nette l'image que leur renvoyait l'orbe étincelant. Ses longues jambes gainées de noir étaient croisées, signe qu'il était passablement énervé. Aussi les gobelins essayaient-ils d'attirer l'attention sur eux le moins possible, bien que cela semble bien dur.

Et sur ses genoux, occupé à triturer une corde tressée et incrustée de pierres polies, William babillait, complètement plongé dans son propre monde enfantin, ignorant les dangers que bravait sa sœur pour le retrouver.

Muadhan l'avait réveillé il y a peu, lors d'un moment d'ennui, alors que ses sujets faisaient les fous, que la bière et l'alcool coulaient à flots. Fixant son regard jaune sur le sablier à moitié vide dans le compartiment du haut, le Roi passa une main distraite dans les cheveux bouclés du bébé dont la couleur rappelait ceux de sa sœur.

Elenor.

Le regard qu'elle lui avait lancé lorsqu'il avait réveillé la douleur que la marque du défi dans son poignet était capable de causer ! Il lui avait enflammé les sens, si bien qu'il aurait volontiers emmené la jeune fille dans son château pour l'enfermer jusqu'à la fin du défi. Cela aurait été si simple et elle aurait été à lui pour toujours... Mais il avait accepté le défi, tout comme elle, et tiendrait sa parole, même s'il existait plusieurs moyens de la retarder. Mérandil n'avait été qu'un avant-goût, même s'il ne l'avait pas ralentie avec ses énigmes désuètes.

Bon, peut être que le coup des pierres avait été un peu fort, mais en même temps, Muadhan n'aimait pas qu'on se moque de lui ainsi. C'était un roi, à qui l'on devait du respect. Un respect qu'Elenor finirait par assimiler, il en était sûr... Pour son bon plaisir.

Néanmoins, il devait avouer qu'il appréciait son petit frère. L'enfant était une source de curiosité à chaque instant, chacun de ses gestes étant aussi imprévisible que ses humeurs.

Autant allier l'utile à l'agréable, après tout.

- Votre majesté, couina un lutin excité en montrant la boule de cristal, Ils sont entrés dans les jardins des bois aux Ames !

- Oui, confirma-t-il d'un ton badin, J'ai remarqué qu'ils choisissaient toujours les chemins les plus particuliers...

Le Roi reporta son regard de fauve sur la boule de cristal et vit Elenor enjamber une épaisse souche recouverte de champignons plats, un obstacle que la licorne passa aisément d'un saut. William, en voyant sa sœur dans l'orbe, se mit à gazouiller en la montrant du doigt.

- Toi aussi, tu veux la voir ? , demanda Muadhan, Cette jeune fille a du succès, dites donc !

Sa remarque déclencha un éclat de rire général à travers la pièce. Mais Muadhan fit un geste autoritaire.

- Silence !

Un ordre qui fut suivi à la lettre.

Le roi se pencha vers la boule, qui zooma sur le visage marqué par la fatigue d'Elenor. Elle ouvrit la bouche et dit quelque chose, mais ce ne fut pas audible, l'objet ne transmettant pas les sons. Il put néanmoins aisément lire sur ses lèvres le nom de « Tintali ».

La fée qui les accompagnait et qui les avait abandonnés devant les statues à l'énigme du Menteur et de la Bonne Langue... Il lâcha un soupir amusé. Les fées n'avaient jamais bon caractère, mais elles étaient également le plus souvent couardes et savaient ressentir la peur quand on savait sur quoi la faire jouer. Un sourire carnassier étira les lèvres de Muadhan. Cette fée infidèle allait lui servir, et il connaissait parfaitement ce qui pouvait la faire marcher.

Les énigmes des Mondes mystérieuxKde žijí příběhy. Začni objevovat