Dortha l'avait fichue dehors sans ménagement. Alia finissait par détester cette fille. Alors qu'elle faisait les cents pas devant la pièce qui servait de « cabinet » à l'Onirologue, elle vit Joshua s'approcher.
« - Elle t'a exclue, n'est-ce pas ? dit-il pour toute entrée en matière.
- Oui, elle est exaspérante !
- Je crois qu'elle n'a pas la forme, mais le fond est bien là ! Tu n'aurais fait que distraire un esprit déjà surchargé. Malheureusement, marcher de long en large devant la porte n'est pas bien meilleur pour ce qu'ils sont en train de faire.
- Comment ça ?
- Simus n'est plus limité par des choses aussi triviales que des murs, les autres dimensions lui permettent de voir bien plus loin. Il me semble que tu en ais d'ailleurs fait l'expérience.
- De quoi parles-tu ?
- De ta renaissance, le moment où tu as découvert ton corps astral...
- Je ne l'ai dit qu'à...
- Ton audioblog ? Non, tu l'as dit à l'ensemble de la communauté, même si la plupart ne savent pas écouter.
- Mais je croyais que vous n'espionniez pas les membres ? La voix d'Alia était devenue agressive.
- C'est une confidence que tu as faite à la communauté, je n'ai fait qu'écouter. Je te propose un échange, tu ne sembles pas encore capable de lire ce type de chose dans notre groupement, va à la bibliothèque, et demande à l'ordinateur ce dossier ». Il lui prit la main et écrivit JC2054HH1154 avec un feutre qu'il venait de prendre dans sa poche intérieure.
- Ce sont mes propres confidences. Tu comprendras mieux la raison de ce qui t'arrive, mais aussi, la raison de ton évolution et le fait pour lequel j'ai fait l'effort de vous ramener ici. Oh, tiens, j'ai une bonne nouvelle, Sarah a réussi à libérer Pestilence de l'influence du Maître. Elle n'est pas totalement perdue, donc. Elle sera peut-être capable de faire la part des choses maintenant.
- Je ne parierais certainement pas là-dessus, à ta place. Murmura-t-elle.
- Nous verrons. »
Il poursuivit son chemin avec un sourire. Alia fixa sa main. Elle avait l'impression d'une trahison et, sur une impulsion, prit la direction de la bibliothèque. Comme une forme de vengeance, elle alluma l'ordinateur qui se trouvait dans la pièce des archives spéciales et y composa le groupe de caractères écrit sur sa peau.
« Docteur Alia Svenson, Harley Hall 54, Autorisation expresse d'accès : dossier Joshua Cooper.
Souhaitez-vous lire les fichiers du début ? »
Elle pressa la touche Y.
« Interrogatoire de Joshua Cooper, Base Harley Hall, Interrogateurs Mlle Wethlay, Cercle intérieur, Docteur Devon Cartington, Cercle intérieur, Commandant Johnson Deeward, Décédé. »
*
* *
Après deux heures, Alia appuya sur « pause » et se laissa aller en arrière sur le siège à roulette. Pour l'instant, elle ne comprenait pas ce que voulais dire Joshua, même si elle comprenait le comportement des autres. Celui de Dortha en particulier.
Alors que les idées, les mots et les actions de Joshua sur les vidéos se bousculaient dans sa tête, elle se dirigea vers le self. Elle prit le temps de manger dans la grande salle commune pratiquement vide à cette heure, puis retourna à la bibliothèque. L'ordinateur qu'elle avait verrouillé en partant, l'attendait, comme l'attirant.
Lorsqu'elle s'installa sur le siège, elle se demanda un instant si elle devait aller plus loin, sa vengeance était assouvie. Elle se trouvait d'ailleurs un peu ridicule d'avoir réagi ainsi. Mais Joshua ne cachait rien dans ce qu'il disait, il lui avait donné l'autorisation. Elle n'avait aucune raison d'en rougir.
Elle pressa la touche de lecture.
« Interrogatoire de Joshua Cooper, Base Harley Hall, Interrogateurs Mlle Wethlay, Cercle intérieur, Docteur Devon Cartington, Cercle intérieur. Joshua Cooper, appartenant au Cercle Intérieur, répond aux questions de son propre chef et à sa demande. »
Le docteur Cartington commença.
« Vous vouliez reprendre à l'endroit d'où vous vous êtes arrêté ?
- Pas réellement, j'ai d'autres objectifs, maintenant que je n'ai plus à vous faire croire ce que je dis.
- Très bien, Joshua, nous vous laissons libre de vos confessions. dit l'avocate aux petites lunettes
- Je commencerais donc par ...
*
* *
Bella nous regardait entrer dans le dortoir où étaient installés ceux qu'elle avait infecté sans le vouloir. D'une voix un peu paniqué par nos airs mornes, elle demanda.
« Et Grace ? Nous n'allons pas la laisser dehors !
Je jetais un coup d'œil à Sarah qui me suivait. Des larmes glissaient sur ses joues.
- Bella, elle ne rentrera pas ! Elle vient de mourir sous nos yeux.
Ma voix était froide, plutôt pragmatique, mais j'eu l'impression que ça lui fit l'effet d'un coup de masse. Elle se laissa tomber sur le lit vide, les yeux dans le vague.
- Comment...
- Elle avait certainement une faiblesse cardio-pulmonaire. Le virus s'est propagé tellement rapidement dans son organisme qu'elle a fait un choc septique avant la fin de la mutation. Nous allons devoir brûler le corps. Il y a de grands risques pour qu'elle se réveille sous la forme d'un zombi Z² et nous ne pouvons pas nous le permettre. Ce serait le premier de son espèce et nous ne savons pas ce que ça pourrait donner, vu les mutations qu'il provoque.
Elle prit ses genoux dans ses bras et pleura en se balançant d'avant en arrière. Je regardais Sarah, sans comprendre cette réaction.
- Si tu étais juste un garçon, je te mettrais une baffe ! Elle s'en veut de ce qui s'est passé et ton ton chaleureux n'a fait qu'aggraver les choses.
- Je n'y peux rien, j'ai dit ça le plus clairement possible.
- Oui, mais ce n'est pas comme ça que marche les relations entre être humain, monsieur le psychopathe.
- Je n'y comprendrais jamais rien.
Quelques minutes plus tard, elle était endormie comme foudroyée par sa tristesse. Je l'installais plus confortablement dans le lit et la bordait. Puis, je sortis de la pièce avec Sarah.
- A quoi penses-tu, Joshua ? J'ai comme l'impression que la réponse ne va pas me plaire.
- Je pensais pouvoir compter sur des protecteurs efficaces pour cette base et un petit groupe de commando pour la ville. Ce ne sera pas le cas. Je n'ai plus qu'une solution. Il faut que je prenne le Maître de vitesse pour éviter qu'il n'attaque notre refuge. Tout au moins le temps que nos amis reviennent à eux. Ça va prendre au moins deux jours, voire trois pour les plus lents ou ceux qui se transformeront le plus profondément.
- Tu ne vas quand même pas attaquer la ville seul ?
- La ville, non, le Maître, c'est bien mon intention.
- J'ai un peu de mal à voir la différence... Le Maître est à l'institut de recherche, qui se trouve en plein centre de l'université. Il va falloir traverser une partie de la ville et je ne vois pas comment tu vas y arriver sans te faire manger par les choses que tu décris, là-bas.
- J'ai ma petite idée. Promets-moi une chose, Sarah, il ne faut pas que Bella tente de me suivre. Je vais arriver à des extrémités qu'elle n'a pas besoin de voir.
- Tu te soucis toujours d'elle ?
- Je... Je croyais que les mutations avaient effacées ce sentiment, mais son visage, à l'instant... ça a provoqué quelques choses...
Elle sourit.
- Je crois que ce n'est pas la seule pour qui tu te fais du souci. Tu nous protèges tous par tes actes et tes tactiques.
Je fus étonné et repassait une discussion avec L'agent Gerault dans ma tête : « Pourquoi faites-vous cela ? Vous n'avez pas de remord, pourquoi ne pas tenter l'aventure en solo ? » C'était vrai. J'aurais peut-être pu tenter cela avant mais je m'étais accroché à des amis. Je ressentais donc la solitude.
Un pincement au cœur me surpris quand je préparais mes affaires, sachant qu'il était envisageable que je ne revienne jamais de cette balade.
Lorsque je sortis du bureau, Sarah m'attendais.
- Tu es sûr de ne pas vouloir y réfléchir un peu plus ?
- Sarah, c'est déjà trop tard, il faut que je sois en ville pour le réveil de John, sinon, nous sommes mort, c'est toi-même qui l'a annoncé ! Arrange-toi pour que Bella ne me suive pas et que John soit le plus prompt possible à faire ce qu'il a à faire. Il faut distraire le Maître pour que je puisse le tuer.
- On fera de notre mieux.
Un dernier sourire, qui me vint naturellement, et je sortis en courant de l'observatoire, direction L.A.