Umbrae Proles 1 : L'héritier...

By KailynMei

91K 8.9K 631

Bien qu'ayant perdu sa famille très jeune avant d'être adopté par une meute de loup-garous, Cassian n'a jamai... More

1 - Fuite éperdue
2 - En proie au doute
3 - Une âme égarée
4 - Le duel
5 - Lugan
6 - Désillusion
7 - La trahison
8 - La clémence du mal
9 - La tentation
10 - La confession
11 - Le châtiment
12 - Le pardon
13 - Le piège
14 - Le visiteur nocturne
15 - Le différend
16 - La bénédiction
17 - La confrontation
18 - Le cadeau
19 - La délivrance
20 - Le courroux
21 - L'union
22 - L'alliance
23 - Le départ
24 - Le sauvetage
25 - L'aveu
27 - Le tourment
28 - Le refus
29 - Le pacte (1)
29 - Le pacte (2)
30 - Le deuil (1)
30 - Le deuil (2)
30 - Le deuil (3)
31 - L'abandon

26 - Le secret

1.5K 179 26
By KailynMei


Cassian s'était endormi depuis longtemps lorsque Lugan le repoussa doucement pour se lever. Le feu avait baissé d'intensité, mais il restait assez de luminosité pour qu'il pût retrouver ses vêtements sans avoir besoin d'utiliser une chandelle.

Il se sentait encore étourdi par leur étreinte passionnée et par les caresses tendres qu'ils avaient échangées ensuite, mais pas assez pour oser rencontrer le sommeil qu'il préférait éviter depuis leur arrivée en ville. Depuis plus longtemps, même. Il craignait le gouffre noir dans lequel il allait immanquablement sombrer et, plus encore, les vagues images qui en émergeraient pour le tourmenter avant de l'abandonner avec l'horrible sensation de n'être qu'un mort-vivant. Au moins, la douleur ne pulsait plus entre ses tempes.

Il glissa son épée dans son fourreau et, après une seconde de réflexion, passa la bandoulière de son arbalète autour de son épaule. Il jeta un regard à la silhouette du loup-garou endormi qui avait ravi son cœur et sortit dans la rue.

Le vent froid de la mi-nuit dissipa les dernières sensations plaisantes de son plaisir. Seul dans la ville silencieuse, il se sentit presque anxieux. Fort heureusement, la lune presque pleine lui offrait un éclairage bienvenu.

Il avança en direction porte ouest d'un pas rapide et l'aurait atteint en quelques instants si un éclat jeté sur la boue et un murmure de voix n'avait pas attiré son attention. Mirelha et Yvain avaient investi la boutique d'un potier qu'ils n'auraient jamais à craindre de voir revenir puisqu'il gisait plusieurs pieds sous terre. Et, à ce moment précis, Mirelha et Yvain semblaient se disputer à mi-voix. Lugan stoppa tout en observant sa sœur, qui se tenait debout juste devant la porte. La lumière provenant de l'intérieur aurait éclairé son visage si Yvain n'avait pas occupé le pas de la porte. Il était si grand qu'il devait se courber chaque fois qu'il entrait et sortait de la masure. Son ombre démesurée s'étendait sur la louve.

— Arrête de dire que cela ne t'importe pas ! siffla Mirelha entre ses dents. Je ne veux pas t'entendre dire que cela ne t'importe pas !

Yvain resta silencieux pendant d'interminables secondes, ce qui n'avait rien d'étonnant. Il poussa un profond soupir, un soupir qui exprimait mieux que des mots combien il se sentait las et impuissant.

— C'est pourtant la vérité, déclara-t-il enfin.

Il tendit une main vers Mirelha, mais elle le rejeta d'un geste sec.

— C'est facile pour toi de dire cela, assena-t-elle.

Elle se détourna, toujours aussi furieuse. Ce faisant, son regard croisa celui de Lugan, et il la vit blanchir.

— Peste ! s'exclama-t-elle.

Et elle courut aussitôt en direction des portes.

Lugan se lança tout d'abord à sa poursuite, mais, indécis, stoppa finalement devant Yvain.

— Qu'a-t-elle ?

Le blond secoua la tête d'un air navré. Lugan n'avait pas besoin de plus pour comprendre que Mirelha l'étranglerait si son compagnon lui révélait l'objet de leur dispute. Il reprit donc sa course pour rattraper sa cadette, sans grand espoir toutefois.

Il franchit la porte ouest rester entrouvert et ralentit tout en examinant les alentours. Enfin, il aperçut Mirelha qui se découpait à peine dans l'obscurité. La jeune femme s'était arrêtée quelques mètres plus loin, au bord d'un des champs nus. Quand il approcha, il vit qu'elle le regardait rageusement.

— Qui t'a permis de me suivre ? gronda-t-elle en révélant ses crocs.

La menace ne produisait plus aucun effet sur lui. Il savait que Mirelha ne l'attaquerait pas, tout comme Enide et Ambroise ne le feraient pas lorsqu'ils s'emportaient et renversaient avec colère ce qui se trouvait à leur portée. Ils cherchaient simplement à prouver leur force et leur dangerosité.

— Si tu ne voulais pas que je te suive, tu aurais pu me distancer aisément.

Mirelha le vrilla d'un regard irrité.

— Je te le demande.

Lugan resta immobile, et sa sœur ne bougea pas plus que lui. Bien que pressé, le guerrier s'inquiétait de l'étrange comportement de Mirelha. Comme ses relations avec elle demeuraient compliquées, il ignorait comment agir. Finalement, il laissa échapper un bref soupir et s'approcha d'elle. Crispée, elle le fixa d'un air toujours aussi intimidant.

— Pourquoi t'es-tu disputée avec Yvain ?

— Et si tu te mêlais de ce qui te regarde ?

Elle détourna le visage, et il se résolut à ne pas en demander plus. Si elle ne souhaitait pas lui parler, il ne pouvait l'y forcer. Mais lorsqu'il fit mine de la contourner pour s'éloigner, elle l'attrapa tout à coup par le bras. Étonné, Lugan releva les yeux sur elle. Des larmes perlaient aux coins de ses paupières. Sans préavis, elle se blottit contre lui et éclata en sanglots.

Lugan en fut tétanisé, car il n'avait jamais vu Mirelha témoigner du moindre signe de faiblesse depuis leurs retrouvailles mouvementées. Il hésita avant de poser les mains sur les épaules de la louve, par crainte de susciter chez elle une réaction de rejet. Elle ne le repoussa pas.

— Je ne veux pas qu'Yvain me voie dans cet état, murmura-t-elle enfin. Je t'interdis d'en parler à qui que ce soit.

— Je ne le ferai pas, affirma-t-il en caressant doucement ses cheveux.

Elle appuya ses deux poings sur son torse et s'écarta un peu pour le regarder.

— Je suis enceinte, déclara-t-elle abruptement.

Lugan n'en était pas surpris, puisqu'elle vivait avec Yvain. Pour autant, il se garda bien d'affirmer qu'il s'agissait d'une excellente nouvelle, car cela ne l'était à l'évidence pas pour Mirelha.

Elle renifla, passa un doigt sous ses yeux pour sécher ses larmes et sembla brièvement se reprendre. Puis ses épaules tremblèrent, et elle s'effondra à nouveau. Lugan réfléchit rapidement. Les loups-garous se montraient plutôt libres sur le plan des mœurs tant que chacun était consentant et que tous se conduisaient honnêtement les uns envers les autres. Si Mirelha avait eu une relation avec quelqu'un, elle ne l'aurait pas caché à Yvain, et il doutait qu'ils se fussent disputés pour cela, car les enfants étaient avant tout ceux de la meute, et tous se consacraient à leur éducation. Même s'il peinait à comprendre leur attitude, tant la fidélité était pour lui une valeur essentielle, au moins leur capacité à pardonner la trahison évitait-elle bien des drames.

— Depuis quand ? demanda-t-il avec un froncement de sourcils.

Elle ne répondit pas. Du moins, pas directement.

— Je ne dors presque plus depuis ce jour. Je ne peux pas... Si je ferme les yeux...

Lugan posa une main sur sa joue humide.

— Je sais.

Elle déglutit avec difficulté.

— Et Cassian ?

— Il semble normal.

Elle lâcha un soupir de soulagement.

— Peut-être que le sorcier ne lui a rien fait, à lui...

— Mirelha, rien ne prouve qu'il t'ait fait quoi que ce soit.

— Oh, oui. Bien sûr. Il a effacé ma mémoire sans la moindre raison, fit-elle avec un sourire désabusé.

— Il nous a tous effacé la mémoire.

En réalité, un sentiment de détresse et d'angoisse grandissait en lui, mais il se forçait à le cacher pour ne pas inquiéter plus encore sa sœur.

Miralha recula d'un pas. Cette fois, elle semblait s'être ressaisie.

— Que puis-je t'aider ? reprit Lugan.

— Rien. À part peut-être le tuer. Si tant est que cela soit possible, fit Mirelha en esquissant un rictus. À moins que je ne le tue avant.

— Ne fais rien de téméraire.

Elle le fixa dans le plus grand silence, et il crut, pendant un court instant, qu'elle allait se remettre en colère contre lui. Mais son rictus se transforma en sourire. Pour la première fois, elle posa sur lui un regard presque affectueux.

— Tu n'es pas si médiocre comme frère, commenta-t-elle.

— Merci. Je suppose...

Elle lâcha un rire bref devant son air désarçonné, puis avança pour déposer un baiser rapide sur sa joue.

— Tu prends soin de Cassian, et il semble heureux. Je te briserai doublement les os si tu le blesses.

— Lycaon m'a déjà promis la même chose. Tu devras donc attendre qu'il en ait d'abord fini.

Malgré leurs propos légers, Lugan peinait à expulser la colère qui lui serrait le cœur. Il aurait voulu avoir le sorcier en face de lui pour plonger son épée dans la poitrine. Hélas, il mourrait sans doute avant même de pouvoir essayer.

— Je vais retrouver Yvain, annonça Mirelha. Il ne mérite pas que je lui batte froid. Et toi ?

— J'ai des choses à faire.

La louve le considéra d'un air intrigué, mais, devinant qu'il n'en révélerait pas plus, décida de s'en retourner. Lugan suivit sa sœur du regard jusqu'à ce qu'elle eût disparu derrière les portes de la cité, puis il s'éloigna d'un pas rapide.


Lorsque Lugan pénétra dans la masure, Lycaon afficha une moue mécontentée et il ne lui fallut qu'une inspiration légère pour sentir le parfum de Cassian mêlé au sien, ce qui acheva d'assombrir son humeur. Cependant, il se garda de toute remarque cinglante concernant son important retard, car le mortel était troublé par quelque chose. Or, l'ancien chevalier n'était pas du genre à se tourmenter pour des broutilles.

Lugan avança. Un remugle piquant de paille pourrie flottait dans l'air, et il avisa une percée dans le toit qui laissait voir le ciel étoilé et un morceau de la lune arrondie. Hormis cela, la pièce n'était éclairée que par une chandelle à la flamme vacillante qui ne dégageait qu'un maigre cercle de lumière dans lequel l'alpha se tenait debout. Un toussotement attira son attention. Enide quitta les ombres, mais pas son jumeau qui, bras croisés, resta adossé à l'un des murs. La jeune femme avait revêtu une cotte courte et des hauts-de-chausse qui ne seyaient normalement qu'aux hommes. Ambroise, amusé par ses nouveaux habits de personne civilisée, les appelait des oripeaux. Comme Lycaon, il n'avait toujours pas quitté ses vêtements de cuir et de fourrure.

— Pourquoi sont-ils ici ? demanda Lugan.

— Pourquoi est-il ici ? contre-attaqua Ambroise.

— Cela te pose un problème ?

Ambroise se décolla du mur, approcha en roulant des muscles et se planta devant lui.

— Oui, cela me pose un problème que le sanguinaire qui a sans doute occis nombre de nos semblables se pavanent comme s'il était l'un d'entre-nous. Tu essayes de te racheter une virginité en nous aidant à nous fondre parmi les mortels et en nous protégeant de nos ennemis ou, devrais-je dire, de tes anciens amis ? Grand bien ! Mais n'oublie jamais que rien ne serait arrivé si ton ordre n'avait pas pactisé avec un sorcier ! Moi je n'oublie pas...

— Je n'en savais rien ! protesta Lugan.

— Oh, je n'en savais rien, pauvre de moi ! singea Ambroise.

— Assez ! tonna Lycaon en les repoussant l'un et l'autre.

Il abattit les mains sur leurs épaules et planta son regard orageux dans chacun de celui des deux hommes. Ses doigts serraient si fort que Lugan sentit une vive douleur s'insinuer dans son muscle. Ambroise, lui, lâcha un glapissement.

— Vous êtes ridicules de continuer à vous quereller alors qu'il y a bien plus important en jeu, intervint tout à coup Enide. Lycaon ne nous a pas fait venir pour vous écouter geindre, mais pour choisir son héritier.

Lycaon les libéra de sa poigne avec un soupir las, et Ambroise massa son épaule tout dévisageant sa sœur d'un air contrit. Il n'avait pas l'habitude de la voir dans le camp opposé.

— Choisir son héritier ? questionna-t-il. Mais pourquoi ? Et où est Cassian ?

N'ayant aucune réponse de la part des trois autres, Ambroise jeta un coup d'œil à Lycaon, qui affichait une expression impavide.

— Cassian n'est pas concerné, intervint Lugan à demi-voix.

Ambroise le fixa d'un air interdit, puis s'esclaffa avec dérision.

— Oh, bien, merveilleux, parfait ! L'humain est concerné, mais pas celui dont tu n'as pas arrêté de pardonner les provocations et avec qui tu couchais jusqu'à récemment. Vous êtes tous devenus totalement cin...

Lycaon l'interrompit d'un coup de poing qui l'envoya au sol. Ambroise essuya avec le dos de sa main le sang qui s'était mis à dégouliner de son nez, mais il n'eut pas le temps de se relever. L'alpha l'empoigna à deux mains et alla le plaquer contre l'un des murs.

— Cassian est trop sensible.

— Trop sensible pour quoi ? Nous mener ? Ce n'est pas une révélation ! Est-ce une raison pour mêler l'humain à nos affaires ?

— Trop sensible pour m'aider. Il ne l'acceptera pas. Il voudra prendre des risques inutiles.

— Mais de quoi parles-tu ?

Lycaon le relâcha malgré son envie de lui asséner un autre coup pour lui intimer le silence. Il se recula sans cesser de le fixer, puis tourna la tête vers Lugan. Le regard qu'ils échangèrent ne laissa aucun doute à Ambroise : le mortel savait tout, et pas lui. La rage lui perça un peu plus le cœur.

— Lycaon, nous ne pouvons pas t'aider si tu refuses de parler clairement, déclara Enide en croisant les bras.

L'alpha glissa une main dans ses cheveux en bataille tout en soupirant. La tristesse envahit ses iris verts et le sourire qu'il tentait d'afficher.

— Je suis le seul responsable de la venue du sorcier.

Continue Reading

You'll Also Like

44K 4.9K 61
« Je sais ce qu'on va faire. Vous allez changer de dortoir. - Hein ? fit Zachary, tiré de sa léthargie. - Zachary, tu vas échanger de dortoir avec...
55.7K 8.7K 71
Entre Valérian et Elijaï, c'est une évidence, un don, une odyssée. Valérian a beau résister, le Chasseur détient depuis toujours des droits sur son â...
370K 22K 36
«- Tu m'appartiens. - Jamais. - C'est ce qu'on va voir.» Quand le feu brûle, la glace doit fondre. Mais que se passe t-il quand elle résiste... ?
1.4K 103 9
Quand Severus Rogue et Remus Lupin, professeurs à Poudlard, sont obligés de rester à l'Ecole pour les fêtes de fin d'année, ils ne sont pas heureux...