Les soldats se positionnèrent de chaque côté de Steve et Margaux, et Rumlow vint même se placer derrière cette dernière.
Il posa une main au creux de son dos pour l'inciter à avancer, membre qu'il retira immédiatement après avoir croisé le regard de la principale intéressée.
Il ne se délesta néanmoins pas de son sourire en coin.
Steve échangea un regard éloquent avec la jeune espionne et le convoi se mît finalement en marche et quitta le couloir sans un mot.
Rien ne devait être tenté. Après tout, personne ne savait qu'ils étaient au courant de la situation qui se mettait lentement en place au sein même du Shield. Hydra était, telle la pieuvre qui la symbolisait, lentement en train de se glisser partout à la fois, encerclant lentement le Shield de ses tentacules, juste avant de l'étouffer.
Ils sortirent dans l'air frais du matin et une brise caressa doucement le visage de Margaux. Le soleil resplendissant lui fit prendre conscience qu'elle n'avait pas dormi de la nuit. Elle ne parvenait même pas à se rappeler la dernière fois où elle avait fermé les yeux et s'était laissé glisser dans les bras de Morphée.
Tant d'événements s'étaient accumulés en à peine quelques heures, c'était impensable. Tout d'abord cette mission, l'enlèvement de Hasting, le meurtre de Maria, et désormais cela, la convocation chez Alexander Pierce lui-même.
Deux immenses 4x4 noirs aux vitres tintées les attendaient à la sortie de l'hôpital.
Steve partit dans le premier et Margaux fut conduite dans le second. Des milliers de questions l'assaillaient à cet instant et elle ne parvenait même plus à se concentrer sur une seule de ses idées à la fois. Tout se confondait dans son esprit.
Alors que le véhicule la conduisait une fois de plus jusqu'au Triskell, Margaux agitait ses mains avec nervosité.
Rumlow, qui s'était assis en face d'elle la regardait avec ce même sourire qui n'avait pas quitté ses lèvres depuis l'hôpital.
-Nerveuse chérie ? s'enquit-il, brisant ainsi le silence qui régnait depuis leur départ.
Margaux le regarda avec dégoût puis répondit, d'un ton sec sans équivoque :
-Je ne suis pas ta chérie.
Rumlow ignora sa remarque et répondit, toujours sans se délester de son stupide rictus :
-Tu n'as pas à l'être, chérie.
Margaux leva les yeux au ciel et soupira. Elle ne se battrait pas, pas aujourd'hui, elle était trop épuisée.
Puis Rumlow ajouta. :
-Enfin, si tu n'as rien à cacher.
Il avait prononcé cette phrase d'un ton menaçant et réellement effrayant. Il la regarda avec attention, comme s'il avait pu lire la vérité dans ses yeux.
A cet instant, le 4x4 s'immobilisa et tous empruntèrent l'ascenseur en direction d'étages différents. Leur mission prenait visiblement fin à cet instant. Arrivés au soixante-quatorzième étage, seuls deux soldats subsistaient.
Margaux et Steve, après avoir échangé un regard, avancèrent sur le pallier silencieux et attendirent que l'ascenseur reparte.
Pour la première fois depuis leur conversation dans la réserve, ils étaient seuls. Même le couloir qui se présentait devant eux, avec la porte du bureau de Pierce à son extrémité droite semblait désert.
Steve se retourna alors face à Margaux.
-Écoute-moi, c'est très important, quoi qu'il arrive tu ne lui parle pas de la puce et de la clé USB. On ne sait pas si on peut lui faire confiance.
Et jusqu'à ce qu'on en soit sûr, on ne dit rien.
Margaux soupira avant de répliquer :
-Steve, toute ma vie n'est qu'un tas de mensonges que j'ai du raconter pour sauver ma peau. Depuis mes 12 J'ai grandi en m'inventant une vie.
Je sais mentir. Crois-moi. Le mensonge et moi sommes de vieux amis. Nous sommes devenus indissociables.
C'était la triste vérité. Steve hocha la tête gravement et ajouta :
-Très bien, mais s'il te plait, laisse-moi parler
Cela montrait un cruel manque de confiance en la personne. Cependant, après tous ces secrets, elle ne parvenait pas à lui en vouloir.
Margaux ouvrit la bouche et s'apprêta à répliquer, néanmoins elle se ravisa devant le regard inquièt de Steve.
-Très bien.
Le soldat parut soulagé et tous deux se dirigèrent jusqu'à la porte.
Ils pénétrèrent alors dans la pièce. Elle était semblable à toutes celles que Margaux avait visité dans ce bâtiment : claire et en verre, avec d'immenses baies vitrées.
Un homme était assis en face d'un bureau.
Il leva les yeux vers eux et leur adressa un sourire de prédateur. Il avait les cheveux roux, légèrement grisonnant qui juraient étrangement avec son teint rosé de nouveau né. Des lunettes noires, strictes venaient parfaire la panoplie de directeur qu'il semblait arborer avec fierté.
Il se leva et vint à leur rencontre. Il serra la main de Steve avec entrain et se présenta :
-Alexander Pierce.
-C'est un honneur, répondit Steve.
-L'honneur est pour moi, Captain.
Il se tourna ensuite vers Margaux et lui serra la main de même, sans se délester de son sourire carnassier.
-La fameuse Ghost Shooter, marmonna-t-il, avant de, de nouveau se tourner face à Steve.
-Mon père a servi dans la 101ème, déclara-t-il. Il vous vouait une admiration sans fin. Je suis sûr qu'il aurait été ravi de vous rencontrer.
-Moi de même, répondit poliment Steve.
Pierce leur fit signe de s'installer dans les deux fauteuils situés face au bureau.
Sur ce dernier était affichée une photo qui attira immédiatement l'attention de Margaux. Elle sentit son estomac se nouer à la vue de cette personne.
-C'était cinq ans après ma rencontre avec Nick. J'étais en poste à Bogota, expliqua Pierce qui avait suivi son regard. Les rebelles de l'ELN avaient pris l'ambassade. On m'avait exfiltré mais ils avaient ait des otages. Nick était directeur adjoint du Shield local. Il m'avait proposé un plan : mener l'assaut depuis les égouts. J'ai dit : "non, on négociera." L'ELN a refusé de négocier. On a donné l'ordre de tuer. Mais après l'assaut, qu'a-t-on trouvé ? Un bâtiment vide. Nick avait désobéi à mon ordre, mené une opération illicite en sol étranger et sauvé une douzaine d'officiels, y compris ma fille.
-Et vous l'avez promu, conclut Steve.
-Je ne l'ai jamais regretté, avoua-t-il en hochant la tête.
Le silence se fit et Pierce reprit, en regardant Margaux :
-Et on l'a fait taire. Nick avait choisi Maria pour prendre sa relève, un excellent agent de terrain, brillante au combat, d'une loyauté sans faille. Je travaillais maintenant avec elle depuis quelques années, et je dois dire que j'avais beaucoup d'admiration envers cette femme.
Que vous a-t-elle dit avant de mourir ?
Le silence se fit. Pierce toisa Margaux et Steve tour à tour.
-Un rapport de mission, déclara ce dernier, ce qui, en somme, n'était que partiellement faux.
-Regardez ça, intima Pierce en se saisissant d'une télécommande.
-Qui vous a engagé Batroc ? demanda une voix raque. Tous virent le visage du mercenaire apparaître sur l'écran, menotté à une chaise dans ce qui semblait être une salle d'interrogatoire.
-En direct ? demanda Margaux ?
-Ils l'ont arrêté hier soir dans une planque pourrie à Alger, expliqua Pierce.
-Vous le suspectez ? Ce n'est pas un tueur à gages et ce n'est certainement pas le commanditaire. En plus, l'exécutant est mort, ajouta Steve.
-C'est plus compliqué que ça, déclara-t-il.
Il se saisit d'un dossier et le tendit à Steve. Margaux regarda par dessus l'épaule de ce dernier.
-Un inconnu l'a engagé pour attaquer le Lemurian Star, contacté par email et payé par virement et l'argent a transité sur 17 comptes fictifs jusqu'à une holding au nom d'un certain Jacob Veech.
-Je suis censé connaître ? demanda Steve en pointant le dossier.
-Peu probable, il est mort il y a 6 ans. Dernière adresse : 1435 Elmhurst Drive.
Quand Nick a recruté Maria, sa mère était au 1437.
-Maria aurait engagé les pirates ? Pourquoi ?
-Ça n'a aucun sens, ajouta Margaux.
Elle ne parvenait pas a y croire. Maria avait beau être une femme mystérieuse, elle était honnête. Malgré le peu de temps qu'elle avait passé à ses côtés, Margaux avait confiance en elle.
Pierce essayait de les embrouiller, aucu doute la-dessus.
-On suppose que le détournement aurait couvert l'acquisition et la vente de secrets d'état.
La vente a capoté et sa tête se serait retrouvée en haut d'un contrat.
-Si vous connaissiez mieux Maria Hill, vous sauriez que c'est faux, déclara Steve.
-D'où cette discussion.
-Je ne tenais pas à siéger au conseil.
Nick me l'a demandé par pragmatisme mutuel. Malgré la diplomatie, les poignées de main, la rhétorique, pour construire un monde meilleur il faut parfois détruire l'ancien, exposa Pierce.
Il marqua une pause, puis se retourna vers Steve et Margaux et ajouta avec un regard froid :
-Et se faire des ennemis.
On vous méprise d'avoir eu le cran de vous salir pour améliorer les choses.
Penser que ces types se réjouissent aujourd'hui me rend vraiment furieux.
Vous êtes les derniers a avoir vu Maria en vue. Je ne crois pas au hasard. Vous non plus, je suppose. Je vous repose la question : que vous a-t-elle dit ?
-Elle m'a dit de ne me fier à personne, répondit Margaux, ignorant sa promesse.
-Je me demande si ça l'incluait.
-Désolé, ce furent ses derniers mots, ajouta Steve.
-Excusez-nous, ajouta-t-il après un moment de silence tout en entraînant Margaux vers la sortie.
-Captain, agent Bonneuil, quelqu'un a abattu une personne qui m'était chère. Je découvrirai pourquoi.
Quiconque s'interposera le regrettera. Qui que ce soit.
-Compris, acquiescèrent les deux alliés d'une même voix.
Steve posa sa main sur l'épaule de Margaux et l'invita à rejoindre l'ascenseur. Tous deux échangèrent des regards inquiets mais ne purent échanger à pleine voix en raison du nombre croissant d'employés qui emplissaient la cabine.
Après quelques étages, une dizaine d'hommes la peuplaient. Ils agissaient tous étrangement. Ils semblaient tendus, la sœur perlait sur le front de certains d'autres semblaient accrochés à leur arme. Le niveau de tension atteint son pic lorsque Rumlow et son équipe ne pénétre dans la cabine. Quelque chose se tramait.
Margaux plongea la main dans sa ceinture et se saisit d'un minuscule canif. En effet, son fusil de précision accroché à sa cuisse ne lui était d'aucune utilité.
Steve lui lança un regard interrogateur et suivit celui de Margaux. C'est alors qu'il comprit.
-Avant qu'on ne commence, déclara-t-il, est ce que l'un d'entre vous veut sortir ?
La tournure que prenaient les choses ne plaisait guère à Margaux. Néanmoins, elle n'avait pas le choix, et elle n'avait qu'une solution : faire face.
Cette fois, tout du moins, elle avait un avantage, une force supplémentaire qui pourrait se révéler inestimable : elle n'était pas seule.