- Miss Evans, venez à mon bureau s'il vous plaît.
Lily releva la tête vers Horace Slughorn qui avait un grand sourire aux lèvres. Réprimant un soupir de lassitude, elle s'approcha, la mine renfrognée. Elle savait d'avance ce qu'il voulait.
- Ah, Lily ! s'exclama-t-il en lui tendant son devoir avec joie. Premier travail de l'année et déjà un Optimal, toutes mes félicitations.
- Merci, Professeur, fit la jeune fille en souriant légèrement.
A peine une semaine s'était écoulée et déjà elle ne supportait pas le Château. Traverser les couloirs sans Mary lui étaient insupportables. Elle se sentait seule, tout le temps, à chaque minute. Quelques jours auparavant, la violente dispute dans le dortoir avec Dorcas et Alice avaient altéré leur relation. Elles faisaient comme si de rien n'était, mais chacune de leurs discussions étaient tout particulièrement tendues.
En faite, Lily avait énormément besoin d'être seule. Elle travaillait dans un coin de la Salle Commune ou au calme dans la bibliothèque. Parfois elle allait flâner dans le parc, et si elle avait assez de vitalité, elle s'empressait de chausser ses baskets et de courir autour du lac comme une forcenée au grand désespoir de ses amies qui ne pouvaient s'empêcher de la contempler avec des regards affligés.
- Je sais bien, poursuivit Horace, que cette année vos ASPIC vous prendront énormément de temps, mais je songeais peut-être, que vous auriez le temps d'assister à mes petites soirées...
Il avait un regard presque implorant et Lily ne put s'empêcher d'éprouver énormément de pitié pour son enseignant. Elle appréciait beaucoup Horace qui se montrait très attentif à son travail. Elle était sa véritable petite protégée et il était très souvent de bons conseils. Mais participer au Club Slug' lui tapait sur le système. Elle était l'un des membres réguliers depuis sa troisième année, lorsqu'il avait été enfin sûr que Lily avait ce que l'on pouvait appeler « un don ».
Le problème durant ces réunions n'était pas son Professeur mais bien les gens qui venaient. La plupart était des élèves de bonnes familles, qui se pensaient supérieurs et hautains. Ils étaient ouvertement méprisants et superficiels, cherchant à s'acquérir le favoritisme d'Horace en lui promettant presque monts-et-merveilles. La plupart du temps, quand Lily daignait venir –ou plutôt ne trouvait pas d'excuses- elle restait dans un coin à contempler les autres.
Mary avait toujours plus ou moins apprécié ces soirées. Mais comme sa meilleure amie les détestait, elle prenait bien soin à n'y aller que le plus rarement possible. Avec une bouffée de mélancolie, Lily se souvint de ces soirs qu'elles avaient passé à se moquer de tous les élèves présents et à se gaver de petits-fours jusqu'à l'écœurement. Sans Mary, l'épreuve serait encore plus insupportable...
- Oh, fit Lily d'un ton faussement désolé, j'aurai tellement pu vous promettre de venir faire un saut à vos soirées mais hélas, je dois vous avouer que...
- Ce n'est pas grave, se contenta Horace en hochant la main comme s'il s'était attendu à cette éventualité. Mais je dois vous avertir que j'ai prévenu l'actuel Directeur de Ste-Mangouste qui était l'un de mes élèves favoris que j'avais actuellement une élève brillante qui serait idéale pour un poste de Médicomage ou même de Guérisseur...
Il avait lancé cette dernière petite phrase avec un léger clin d'œil et Lily n'avait put s'empêcher de sentir son cœur s'accélérer. Le geste de Slughorn venait de la toucher énormément. Savoir qu'il la trouvait compétente pour exercer un travail aussi complexe était un véritable compliment. Evidemment, elle savait qu'elle était une bonne élève, mais elle doutait sérieusement de ses capacités lorsqu'elle voyait la carrière incroyable de certains sorciers.
Mais si Horace Slughorn parlait d'elle au Directeur de l'Hôpital Ste-Mangouste...
- Bien évidemment, poursuivit-il, il est très occupé et je pense qu'il ne pourra pas venir à l'une de mes petites soirées avant plusieurs mois. Mais lorsque ce sera le cas, je vous préviendrais Evans. Et j'espère de tout cœur que vous arriverez à faire une place dans votre emploi du temps, une opportunité comme celle-ci est très rare.
- Oh, merci beaucoup Professeur ! s'exclama Lily en clignant des yeux plusieurs fois comme si elle avait du mal à réaliser. C'est vraiment très gentil à vous.
- Je vous en prie. N'oubliez simplement pas de m'indiquer dans les remerciements de votre thèse lorsque vous serez Stagiaire à Ste-Mangouste. Bien, allez en cours maintenant Lily, vous allez être en retard en Défense Contre les Forces du Mal.
- Nous n'avons toujours pas de professeur dans cette matière, Monsieur, dit Lily en hissant son sac à dos sur ses épaules.
- Ah oui, c'est vrai. J'espère sincèrement que Dumbledore trouvera quelqu'un... La deuxième semaine de cours vient tout de même de commencer !
Lily hocha la tête et sortit de la salle, ravie. Alors qu'elle ouvrait la porte de la classe des Potions et remontait les escaliers menant aux cachots, elle aperçut dans un coin, Regulus Black, qui, mains dans les poches, la fixait sans rien dire.
- Tu veux quelque chose peut-être ? questionna-t-elle avec un haussement de sourcils.
- Pardonne-moi je ne savais pas que tu étais l'assistante de Slughorn, dit le garçon d'un ton narquois.
- Qu'est-ce que tu veux dire par là ?
- Je veux dire que j'ai entendu votre petite discussion, c'est dingue comme tu es lèche-bottes, Evans.
La jeune fille croisa les bras et lui jeta un regard noir. Regulus était aussi beau que son frère, peut-être plus, peut-être moins... ou peut-être différemment. Ils avaient la même allure désinvolte et la même façon nonchalante de marcher, leur voix était même presque similaire. Même si Regulus avait à peine un an de moins que Sirius, il était légèrement plus petit. De plus, ses cheveux noirs corbeaux n'étaient pas lisses et brillants arrivant comme son frère mais bouclés et plus courts. Son regard qui plus est était beaucoup plus froid et hautain. Tout chez lui, de sa façon de cligner des paupières jusqu'à sa manière de bouger ses mains arboraient une méprise certaine.
Lily avait déjà croisé Regulus aux soirées de Slughorn, il y était même fréquemment. Jamais l'adolescente n'y avait vu Sirius. Sûrement parce qu'il était un véritable fauteur de trouble, chose qu'Horace n'excusait pas particulièrement malgré une certaine tolérance. Mais la Gryffondor se mit à croire que peut-être que Sirius avait tout bonnement refusé de participer à ses réunions. Après tout, James aussi y avait été convié après quelques matchs de Quidditch spectaculaires et lui aussi n'avait pas paru enjoué à l'idée d'être invité.
- Alors comme ça tu veux être Guérriseur, poursuivit Regulus. Un choix ambitieux.
- Qui ne te regarde pas, continua Lily du bout des lèvres.
- Mes parents connaissent très bien l'actuel Directeur de Ste-Mangouste, même mieux que Slughorn sans aucun doute.
- Je suis enchantée de le savoir, lui répondit la rousse d'un ton particulièrement indifférent.
- C'était un élève de Serpentard, continua Regulus. Et tu sais comment son les étudiants de notre Maison... enfin, de toute façon tu verras bien lorsque tu le rencontreras.
- Je ne pense pas que la Maison à laquelle j'appartienne changera quelque chose à mes aptitudes, argua Lily.
- Oh, je ne parlais pas de ça. Juste... tu comprendras.
D'un air goguenard, il tourna les talons et se dirigea vers la classe d'Horace Slughorn, laissant une Lily folle de rage remonter les marches restantes.
- Au fait, dit-il alors subitement tandis qu'elle était presque hors de sa vue, Sirius...il va bien ?
- Depuis quand cela te regarde ? cracha-t-elle.
Ne lui laissant pas le temps de rétorquer, elle s'en alla.
* * *
Lily s'installa sur son lit, lisant un Magazine de Sorcières Hebdos avec grand intérêt.
- Hé ! Mais c'est à moi ! s'exclama une voix malicieuse qu'elle connaissait très bien.
Son cœur fit un bon et elle se releva subitement. Mary Macdonald se trouvait à ses côtés, assise sur son lit habituel, ses jambes se balançant avec tranquillité.
- M... Ma... Mary, murmura Lily en secouant la tête.
- Qui veux-tu que ce soit d'autre ? questionna l'intéressée en haussant les sourcils.
- Mais... mais...
- Mais quoi Lily ? questionna Mary en se regardant avec nonchalance dans un miroir.
- Tu es morte... souffla Lily en secouant la tête.
- Quoi ? Mais comment ça. Depuis quand suis-je morte ? pouffa Mary, prise d'un fou rire. C'est la meilleure ! C'est aussi vous que de te voir toi lire un de mes magazines féminins.
- Tu es morte, répéta Lily en fermant les yeux et en se bouchant les oreilles. Tu n'es pas réelle.
- Bien sûr que si je suis réelle, s'offusqua Mary qui semblait tout particulièrement blessée. C'est vraiment pas sympa ce que tu dis là.
- Tout ça n'est pas réel, poursuivit son amie en s'inspirant profondément. C'est encore un de ces foutus cauchemars...
- Ah oui ? Alors si je n'étais pas réelle, pourrais-tu me toucher ?
Doucement, Mary se leva de son lit et s'approcha de Lily qui fit un geste pour l'éviter. Mais déjà sa meilleure amie avait posé une main délicate sur son bras.
- Tu... tu es là, souffla Lily mi-horrifiée et mi-radieuse. Tu es vivante !
- Evidemment que je suis vivante !
La Gryffondor se hissa sur ses deux pieds pour pouvoir prendre Mary dans ses bras, mais déjà la jeune fille avait fait un pas en arrière.
- Mary... qu'est-ce que tu fais ? questionna Lily, intriguée.
- Mais rien du tout, tu n'as qu'à me toucher.
Elle avança de nouveau mais là encore, Mary recula. Plus Lily faisait un pas en avant, plus Mary semblait disparaître. Elle essaya plusieurs fois de sauter sur elle mais c'était comme si la silhouette de Mary s'évaporait pour réapparaître autre part.
- Mary ! s'exclama Lily avec colère. Mary, arrête ! Mary! MARY! MARY!
- Lily réveille-toi! Fit Dorcas d'un ton angoissé. Je t'en supplie, ouvre les yeux!
Alice se tenait au chevet de leur amie et lui tenait sa main qui était brûlante, mais Lily continuait de dormir, d'un sommeil terriblement agité où elle était prise de convulsions.
- Elle a de la fièvre, souffla Dorcas en touchant le front de Lily.
Soudain, Alice se hissa sur le lit à son tour et donna une violente gifle à Lily qui se releva en sursaut. Son teint était livide et son visage paraissait totalement moite. Elle tremblait telle une feuille, comme si elle grelottait après une longue journée passée dehors en pleine hiver.
- Lily, répéta Alice, calme-toi, tout va bien.
- Mary ! s'écria Lily en continuant de trembler. Elle est vivante. Je l'ai vue!
- C'était un rêve, chuchota Dorcas pour la rassurer.
- Elle est vivante, je vous dis. Elle, elle...
Sa respiration s'intensifia et elle se mit à hyper-ventiler avec violence.
- Houla, fit Alice qui commençait à s'inquiéter. Il faut qu'elle aille voir Mme Pomfresh, et tout de suite.
- Très bien, murmura Dorcas, à trois on la soulève. Un, deux...
Mais Lily était un tantinet trop lourde et bougeait bien trop pour qu'elle puisse la hisser correctement, et la jeune fille s'étala sur le sol. Elle se recroquevilla sur elle, toujours aussi tremblante et fiévreuse.
- Je vais aller chercher Frank, murmura Alice paniquée. Reste avec elle, Dorcas. Ne la quitte pas des yeux.
Elle sortit du dortoir en trombe, dévala les escaliers précipitamment et monta ceux amenant à la chambre des garçons. Lorsqu'elle arriva devant leur porte, elle frappa le plus fort et le plus bruyamment possible.
- REVEILLEZ-VOUS ! hurla-t-elle de toutes ses forces. PAR PITIE, REVEILLEZ-VOUS.
- Bon sang, entendit-elle Remus grommeler, qu'est-ce que ce raffut ?
Il y eut des bruits de pas et quelqu'un ouvrit la porte. Elle se retrouva face à face avec le visage endormi et furieux de...
- Sirius ! cria-t-elle d'une voix perçante. Viens... venez nous aider!
- Qu'est-ce qu'il ya ? s'exclama Frank en se précipitant sur elle. Tu n'as rien ?
- C'est Lily, continua Alice d'une voix chevrotante. Elle va mal, elle n'arrête pas de trembler et...
Mais elle ne put pas terminer sa phrase car déjà James venait d'enfiler un vieux pull sur lui et de s se précipiter hors du dortoir, les autres sur ses talons.
- Tu ne peux pas monter notre escalier ! s'exclama-t-elle en le voyant poser un pied sur la première marche. C'est... c'est interdit aux garçons, il va se transformer en toboggan.
- Très pratique, grogna Sirius d'un ton cinglant.
- Tu n'as qu'à transplaner ! proposa Peter d'un ton endormi.
- Combien de fois devra-t-on te répéter qu'on ne peut pas transplaner à l'intérieur de Poudlard ? questionna sèchement Remus qui semblait sur les nerfs.
- Dorcas ! héla Frank. Dorcas, comment va Lily ?
Il y eut des bruits de pas précipités et Dorcas apparut en haut des escaliers. Elle était pâle comme un linge et sa lèvre inférieure tremblait.
- Elle... elle respire encore plus rapidement que tout à l'heure. Elle... je ne sais pas ce qu'elle a, elle ne me répond même plus.
Sans réfléchir, James se recula légèrement, puis il prit le plus d'élan possible et avec agilité, grimpa rapidement les marches menant aux dortoirs des filles. A peine avait-il posé un pied à l'étage supérieur que l'escalier se transformait en un gigantesque toboggan. Il entra dans la chambre d'Alice, Dorcas et Lily et trouva cette dernière prostrée près de son lit.
Très doucement, il s'approcha d'elle, puis après quelques secondes d'hésitation posa une main sur son épaule. Elle semblait comme en transe, le regard perdu dans le vide, la respiration haletante, son corps parcouru de spasmes violents.
- Evans ? fit-il à voix basse.
Elle sembla sursauter, puis doucement, ses beaux yeux verts glissèrent jusqu'au garçon. Jamais il n'avait vu quelque chose d'aussi triste et inquiétant. Elle semblait si fragile, comme si on allait pouvoir la casser en deux. Lily semblait effrayée, même... terrorisée au point qu'elle paraissait dans l'incapacité de faire le moindre effort pour être de nouveau dans un état normal.
- Je vais t'emmener à l'infirmerie, poursuivit-il avec douceur. D'accord ?
Elle ne répondit rien. Avec précaution, il passa ses bras sous son corps presque plié en deux et la hissa. Dans cette position, elle semblait encore plus légère que d'habitude. Son corps fébrile se lova tout contre le torse de James et il sentit son estomac se nouer violemment. Le jeune homme se dirigea de nouveau vers l'escalier à présent transformé en toboggan et glissa jusqu'en bas, Lily toujours dans ses bras.
- Tu veux que l'on t'aide ? questionna Sirius en fronçant les sourcils dès qu'il vit l'état critique de Lily.
- Non, ça ira. Je vais me débrouiller. Vous n'avez qu'à rester là, je viendrai vous dire de ses nouvelles quand je reviendrai.
Sans laisser le temps à Dorcas, Alice ou même à Remus de protester, il sortit de la Salle Commune à pas précipités. Lily gémit alors qu'il la ballotait un peu plus durement, accélérant le pas :
- Calme-toi Evans, souffla-t-il en sentant son cœur s'emballer.
Il haïssait de la voir comme ça. Pas elle. Non. Elle n'avait pas le droit d'aller aussi mal. Ca lui fendait le cœur. Tout le monde, mais pas Lily.
- Il... il faut... commença Lily d'une voix chevrotante.
Apparemment, parler lui était très difficile.
- ...Il faut qu'ils enlèvent le lit de Mary, souffla-t-elle d'une traite avant d'enfouir de nouveau sa tête.
- D'accord, chuchota James. Tout ce que tu voudras.
- Et... et merci, poursuivit-elle.
- Evans, arrête de parler, tu t'épuises.
Il descendit les derniers escaliers menant à l'Infirmerie et frappa à la porte avec son pied, le plus fort possible. Mrs Pomfresh lui ouvrit, intriguée.
- Qu'est-il arrivé à cette pauvre enfant ? s'exclama-t-elle en désignant Lily du doigt.
- On ne sait pas vraiment, Madame. Elle s'est réveillée d'un cauchemar et elle était comme ça.
Il la déposa avec le plus de précautions possibles sur un lit que lui montrait l'Infirmière.
- Ah, mais c'est Miss Evans ! dit-elle en reconnaissant le visage de l'intéressée. Je suis étonnée que vous ne me l'ayez pas amenée avant. J'ai entendu beaucoup de ses professeur dirent qu'elle avait l'air de très mal supporter la perte de sa Meilleure Amie. Une crise d'angoisse, ça en a tout l'air. Est-ce la première ?
- Je ne crois pas, répondit James en contemplant Lily qui remettait à convulser. Il paraît que ses nuits sont assez agitées.
- Il aurait fallu me l'amener avant ! s'exclama Mrs Pomfresh. Je vais lui donner un Philtre Calmant ainsi qu'une potion à boire tous les soirs pour faire un sommeil sans rêve. En tout cas vous avez eu une excellente initiative mon garçon, vous faîtes un petit ami extraordinaire, continua-t-elle avec un bref hochement de tête.
- Je ne suis pas... s'empressa de dire James.
- Vous pouvez y aller, jeune homme, fit Mrs Pomfresh sans lui laisser le temps de répliquer. Allez vous reposer, vous aussi semblez bien pâlot.
Elle fourra un énorme morceau de chocolat dans les mains et le dirigea sans ménagement vers la sortie.