- C'est la St-Valentin ! C'est la St-Valentin ! Debouuuut ! hurla Mary.
Elle se jeta sur le lit d'Alice et la secoua de toutes ses forces. Cette dernière réprima un grognement de rage et poussa Mary avec vivacité. Elle tomba les quatre fers en l'air ; tandis que, pouffant de rire, Lily émergeait de son sommeil.
- Quelle heure est-il ? s'enquit-elle en cherchant son réveil de ses yeux encore ensommeillés.
- Il est 10h ! s'exclama Mary en se remettant rapidement sur pieds. Dépêchez-vous, nous prendrons notre petit déjeuner à Pré-au-Lard.
- Où est Dorcas ? demanda Alice en fronçant les sourcils.
- Elle doit déjà être partie, s'impatienta Mary. Cela vous apprendra à traîner.
Les trois filles s'habillèrent rapidement, attrapèrent leur baguette magique et un peu d'argent, puis sortirent de la Salle Commune à vive allure. Le temps était brumeux à l'extérieur du château, il faisait légèrement froid et elles s'empressèrent de remonter le col de leurs capes tout en marchant.
- On pourrait glacer le feu d'un dragon, maugréa Lily tout en marchant derrière Alice.
- On va aller se réchauffer aux Trois Balais, dit sa Meilleure Amie d'un ton réconfortant. Ah, j'adore la St-Valentin, c'est toujours un moment fabuleux !
Alice et Lily s'échangèrent un regard entendu : si Mary aimait la St-Valentin ce n'était que pour le plaisir de rentrer le soir dans sa chambre et de découvrir des centaines de lettres de ses admirateurs secrets. Silencieusement, elles suivirent la jeune fille jusqu'au bar, déjà bondé.
Alors qu'elles entraient à l'intérieur, Mary aperçu Lupin et Dorcas, qui étaient assis non loin de la cheminée. Ils étaient tous les deux silencieux : Dorcas fixait la table et Remus semblait fasciné par un pan de mur.
- Dorcas ! Dorcas ! s'exclama-t-elle.
La jeune fille releva la tête. En voyant ses amies, elle se mit subitement à rougir et regarda Lupin d'un air paniqué, qui de son côté semblait totalement impassible. Avant qu'elle n'ait pu émettre le moindre son, Mary avait déjà pris une chaise et s'était installée avec eux, suivies de Lily et Alice.
- Oh, ça a l'air vachement bon ! s'exclama la jeune fille en prenant la choppe de Lupin d'un air intéressé. Qu'est-ce que c'est ? demanda-t-elle en buvant une gorgée.
- De l'hydromel, répondit Remus tout en fixant son verre que Mary venait de reposer subitement, réprimant un haut le cœur.
- Qu'est-ce que vous faites ici, au fait ? fit Alice tout en prenant un peu de bièreaubeurre à Dorcas.
Remus voulu lui répondre, mais alors qu'il ouvrait la bouche, un brouhaha assourdissant se fit entendre et tout le monde se retourna vers la porte d'entrée. Black, Londubat et Pettigrow venaient de rentrer dans le bar, en cherchant à se frayer un chemin dans la foule, Peter avait renversé un gigantesque porte-manteau qui s'était fracassé avec grand bruit.
- Oh, je suis désolé ! couina Peter, confus.
- Allez, avance, soupira Sirius en levant les yeux au ciel et en le poussant légèrement.
- Oh non, pas lui, souffla Alice à mi-voix tandis que Frank s'approchait de la table.
Bientôt, ils se retrouvèrent tous collés-serrés autour de la minuscule table en bois. Sirius fixa Remus d'un air interrogateur et hocha légèrement la tête vers Dorcas, mais Remus se contenta de répondre d'un haussement d'épaule, signe qu'il ne comprenait lui-même pas la situation.
- Tout va bien ? s'enquit Lily à l'intention de Dorcas à voix basse. Tu as l'air... étrange.
- Tout va parfaitement bien, se contenta de répondre sèchement Dorcas en pianotant avec impatience sur la table en bois. Lily n'insista pas.
Il y eut un silence gêné jusqu'à ce que toutes les consommations de chacun arrivent. Dorcas ne parlait pas : bras croisés, elle semblait passionné par la conversation de leurs voisins. Peter et Mary faisaient tout pour démarrer une conversation mais Alice regardait Frank d'un air furieux, Remus semblait étonnamment silencieux et Sirius paraissait prendre grand soin de ne pas répondre à Mary.
- Au fait, comment va James ce matin ? questionna Remus à Black.
- Il dormait quand je suis allé le voir à l'infirmerie.
Lily se sentit étrangement mal à l'aise et se focalisa sur sa boisson. La chute de James avait été aussi violente qu'impressionnante et Mme Pomfresh avait insisté pour qu'il se repose quelques jours. Elle se sentait affreusement coupable de la défaite des Gryffondor. Oh certes, elle était persuadée que leur dispute n'avait rien à voir là-dedans : James était bien trop orgueilleux pour en avoir pris compte. Mais lors du match, elle avait remarqué juste avant sa chute qu'il avait ralenti en l'apercevant dans les gradins comme s'il la regardait elle. Et puis, il y avait cette phrase qu'il avait dit lorsqu'il délirait juste avant de s'évanouir, cette phrase reprenant les mots qu'elle lui avait craché au visage...
Elle secoua la tête pour se remettre les idées en place. Non, tout cela n'était qu'une affreuse coïncidence.
- Bon, fit Mary au bout d'un moment. Et si on allait se balader ? Il paraît qu'Honeydukes a reçu de nouvelles sucreries.
Tout le monde hocha la tête et s'empressa de sortir des 3 Balais. Dehors, la pluie venait de commencer à tomber et la foule était si dense qu'il était impossible de pouvoir se déplacer en groupe. Alors qu'elle tentait de passer entre deux gros sorciers, Remus qui se tenait juste à côté d'elle l'attrapa par le bras :
- Ca te dirait que je te montre un truc ? interrogea-t-il à mi-voix.
- Mais, et les autres ? demanda Lily alors que la pluie commençait à mouiller ses cheveux.
- Laisse-tomber, murmura Lupin, il y a trop de monde, c'est insupportable toute cette foule.
Lily hocha la tête et le suivit en silence. Elle fut surprise de les voir sortir de Pré-au-lard pour se rediriger vers Poudlard mais ne dis rien. Alors qu'ils approchaient du Saule Cogneur, Remus se tourna vers elle :
- Tu m'as demandé un jour où je me transformais lorsque je devenais loup-garou. Je t'ai répondu que j'allais dans la Forêt Interdite mais je t'ai menti. Jamais Dumbledore n'aurait pris ce risque : Hagrid aurait pu me tirer dessus avec son arbalète ou une créature aurait pu m'attaquer.
- Où tu vas alors ? demanda l'adolescente en fronçant les sourcils.
Lupin eut un sourire malicieux et s'approcha à petits pas du Saule Cogneur :
- Qu'est-ce que tu fais, tu es fou ?! s'exclama Lily en posant une main sur ses yeux. Cet arbre est dangereux.
- Chut... regarde.
Lentement, elle observa de nouveau le Gryffondor qui venait de se baisser et d'appuyer sur une racine de l'arbre. Le Saule Cogneur qui avait commencé à bouger légèrement s'arrêta aussitôt.
Au même-moment, Remus montra du doigt à Lily un espèce de trou situé juste à côté.
- Après toi, déclara-t-il avec un grand sourire.
* * *
La légère pluie s'était transformée en une averse si glaciale qu'Alice avait l'impression de ne plus sentir ses doigts. Frigorifiée: il n'y avait pas d'autres termes pour décrire l'état dans lequel elle se trouvait, elle et sa cape trempée. Les gens autour d'elle n'avaient guère meilleur allure : Mary claquait des dents, ce qui l'empêchait de faire la conversation avec Sirius –ce qui semblait arranger le jeune homme- et juste non loin d'eux, Dorcas et Peter tentaient d'éviter les gens. Franck, lui, était non loin d'eux, son bonnet plaqué jusqu'aux oreilles.
- Où est Lily ? s'exclama Mary subitement, cherchant sa Meilleure Amie des yeux.
- Et Lupin ? renchérit Londubat.
- Je les ai vus partir à l'opposé, fit Peter d'une petite voix.
Black lui décocha un regard noir et montra Dorcas du doigt, signe que ce détail était totalement inutile et déplacé. Mais la Gryffondor semblait totalement indifférente. Les yeux rivés sur le sol, elle se contentait de marcher d'un air maussade.
Alice la fixa, comprenant peu à peu que quelque chose de plus profond se cachait sous cette soudaine mauvaise humeur. Alors qu'elle ouvrait la bouche pour parler, elle sentit une pression au creux de ses reins. Sursautant, elle leva la tête : Frank s'était glissé jusqu'à elle et la tenait par la taille.
- Je veux que l'on parle, murmura-t-il entre ses dents.
- Vais-je devoir me répéter une énième fois ? grinça l'adolescente d'un ton hargneux.
Exaspéré, il la traîna en dehors de la foule. Alice le repoussa de toutes ses forces, tentant vainement de se défaire de son étreinte mais il était beaucoup plus fort qu'elle. Et, le temps de pouvoir se détacher du garçon : celui-ci l'avait déjà fait parcourir une petite ruelle vide jusqu'à une place totalement déserte.
- Connais-tu le sens du mot non ?! s'emporta Alice, essuyant son visage trempé.
- Je te demande 2 minutes, murmura Frank. Et après, tu pourras partir, me tourner le dos, et...
- Je ne veux pas t'écouter, tu entends ?!
Elle commença à tourner les talons mais Frank lui barra le passage d'un mouvement brusque.
- Laisse-moi passer... souffla Alice avec lenteur.
- Je t'ai écouté déversé toute ta rancœur sur moi sans broncher, je t'ai laissé m'insulter sans lever le petit doigt, alors tu me dois bien ça, Fortescue.
Elle se mordit la lèvre et regarda la Cabane Hurlante au loin. Puis, baissant les yeux, elle hocha la tête :
- Alors, vas-y, parle.
- Tu n'as pas le droit, dit Londubat d'une voix tremblante –un mélange de haine et d'émotion-, tu n'as pas le droit de m'en vouloir pour le mal que je t'ai fait. Tu n'as pas le droit car tu sais que tout ce que je t'ai dis était sincère. Ce que tu fais est injuste : tu me rejettes, tu me tournes le dos, et tu ne me laisses pas de seconde chance. Tu me fais exactement la même chose que je t'ai faite : tu te permets de me faire souffrir.
L'adolescente releva brusquement la tête, cherchant à rétorquer, mais ses yeux restèrent bloqués sur le visage du garçon. Il paraissait si triste, si peiné, qu'elle ressentit soudain une énorme honte, un profond remord. Frank semblait si désemparé à cet instant précis, ses yeux bruns étaient éteints et vides. Elle ne dit rien, et resta la bouche légèrement ouverte, à le fixer alors qu'il poursuivait :
- Je sais, que j'ai été un horrible petit connard. Mais j'ai eu peur. J'ai tellement flippé de m'être autant confié à toi, de t'avoir dit tout ce que je ressentais que j'ai eu l'impression d'avoir la frousse de ma vie. Du jour au lendemain, tout ce que je t'avais dit par l'être et qui semblait si facile est apparue à moi, en vrai : je me suis senti nu. Alors, ouais, je me suis cassé en courant comme un type sans vergogne, je le reconnais.
Mais je me suis excusé ! Je t'ai supplié de me pardonner car j'ai fait une énorme erreur. Je me suis mis à genoux devant toi, et cela fait des mois que je rampe à tes pieds. Et tu... tu n'peux pas me faire ça, souffla Londubat. T'as pas le droit de me faire ça alors que moi je n'ai jamais eu cet intention. Tu me brises le cœur, tu entends Fortescue ?
Il resta un moment la gorge nouée, sans rien dire. Puis, voyant qu'Alice n'osait l'interrompre, il poursuivit :
- Alors, t'as pas le droit : je t'interdis de me rejeter, de m'envoyer balader. Parce que putain, ON A QUE SEIZE ANS. Et si tu t'attendais à un conte de fées digne d'un prince charmant, que tout allait bien se passer, alors ce n'est pas de ma faute et tu ne peux t'en prendre qu'à tes rêves. Parce que je crois que j'ai fait bien plus d'efforts qu'un mec banal l'aurait fait. Nous ne sommes que des gosses, à quoi tu t'attendais ? Ma réaction était des plus envisageables. Et jamais moi-même je n'aurai pu penser à tomber aussi bas. Mais tu n'as pas le droit.
La pluie continua de tomber, sans que rien ne puisse l'interrompre pas même le bruit de leur conversation qui s'était tue. Alice décroisa ses bras et dit d'un ton neutre :
- Tu as fini, alors ?
- Non, répondit le jeune homme simplement.
- Alors continue, je commence à avoir vraiment très froid et...
- Je tiens à toi, Alice.
Il avait dit ça d'une façon si rêche et brutale que la phrase percuta Alice de plein fouet et elle resta un moment pétrifiée, clignant juste des yeux.
- J'ai terminé, à présent, conclut Frank d'un ton un peu plus radouci. Tu peux y aller maintenant.
Mais elle ne tourna pas les talons. Alice ne lui tourna pas le dos. Au contraire, d'un geste instinctif, prise d'une folle pulsion, elle se jeta à ses bras et l'embrassa à pleine bouche, avec une telle puissance que Frank dut l'enlacer pour ne pas tomber. Ils fermèrent les yeux, savourant l'instant qui leur sembla arrêté dans le temps.
* * *
Le tunnel sous terre était sombre et glacé. Lily tentait de cacher le plus difficilement possible sa crainte, mais elle appréhendait tellement ce qu'elle allait trouver au bout qu'elle n'osait marcher rapidement. Lupin, sa baguette allumée, se tenait juste derrière elle. Où l'emmenait-il ? La jeune fille n'en n'avait aucune idée mais plus les minutes s'écoulaient et plus elle redoutait la fin de ce trajet imprévu.
Au bout d'un moment, elle aperçut une petite porte. Regardant Remus, celui-ci hocha la tête et lui fit un sourire, signe qu'elle pouvait l'ouvrir sans crainte. La Préfète obéit, et rentra dans une espèce de maison poussiéreuse qui semblait abandonner, aux multiples meubles cassés voir même réduits en de milliers de pièces.
- C'est la Cabane Hurlante, n'est-ce pas ? souffla-t-elle alors qu'ils grimpaient un escalier.
- Exactement, répliqua le garçon d'un ton très calme.
Ils entrèrent dans une sorte de chambre miteuse. Avec précaution, Lily s'assit sur le rebord du lit alors que Lupin contemplait l'averse par la fenêtre.
- Pourquoi m'as-tu emmené ici, Remus ? murmura Lily au bout d'un moment.
- Parce que je te fais confiance, dit-il à voix basse.
Il se retourna et la regarda un long moment sans ciller :
- Tu connais une partie de moi, si sombre et si laide que jamais je n'ai osé en parler à quiconque. Les gens la connaissant l'ont simplement découvert... A part Dumbledore bien entendu. Et le plus incroyable est que tu as à accepter ce morceau de moi. Alors je me suis dit, que tu avais le droit de me connaitre complètement, en totalité.
Il s'assit sur le rebord du lit à côté d'elle et Lily fut si touchée qu'elle lui attrapa la main, un sourire ému aux bords des lèvres :
- C'est là que je viens lorsque je me transforme. Je reste ici, et j'attends jusqu'au lendemain matin. La Cabane Hurlante n'a jamais été hantée par d'horribles fantômes : ce n'est que moi. Moi, et moi seul ; mais je suis assez pour devenir un monstre les soirs de pleine lune, conclut Remus avec mélancolie.
- Ne dis pas ça, murmura la jeune rousse. Tu n'es pas un monstre, tu es... tu...
- Je suis quoi ? demanda Lupin avec un triste sourire.
- Tu es Remus.
Lentement, Lily lui caressa le visage, sans pouvoir quitter des yeux la mine triste du jeune homme. Puis, au bout d'un moment, sans savoir pourquoi ni comment, elle se pencha jusqu'à lui et l'embrassa.