HEAVEN [en pause]

By mayanana

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Six mois après la mort de sa mère, Kayla Green, 19 ans, tente de se reconstruire loin de sa petite bourgade n... More

Prologue
PREMIERE PARTIE
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Entre nous
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19

Chapitre 9

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By mayanana

Trois heures : c'était le temps que j'avais mis pour rédiger cette disserte. Je n'avais pas tenté de joindre Ed, bien que l'idée me taraudait l'esprit. Après tout, son avis était aussi valable que le mien. Connaissant sa réponse suite à ma requête, j'avais préféré éviter tout conflit et cette perspective s'était évanouie aussi vite qu'elle avait germé. Je n'étais pas spécialement fière de mon travail. Fatiguée par la veille, le réveil fut principalement éprouvant. L'espace d'un instant, j'avais même décidé d'abandonner la possibilité de me lever un jour avant de me ressaisir. Si Ed pensait récolter une mauvaise note, ça n'était pas mon cas et j'espérais ne le serait pas. 
Comment aurais-je fait pour me concentrer si nous avions cours aujourd'hui ? Question à laquelle je ne trouvais pas de réponse.

Je jetai un coup d'oeil à Emma qui dormait profondément. Ces rares moments de silence étaient à immortaliser sans aucun doute. Quand Emma dormait, la paix semblait envahir le lieu, le plongeant dans un calme paisible et reposant. Je me retins bien malgré moi de soupirer de bonheur en l'observant figée dans son lit, un sourire béat scotchée sur ses lèvres gracieuses. De quoi pouvait-elle bien rêver comme ça ?

Je fus tirer de mes pensées par la sonnerie de mon portable. Un message de Torie s'afficha.

"On mange ensemble ce midi ?"

J'avais rencontré Torie par inadvertance, c'était le moins qu'on pouvait dire. Un soir,  alors que j'étais à la bibliothèque, plongée dans des livres quelques peu inintéressants, une brune aux yeux de biche et élancée m'était littéralement tombée dessus. Elle était encombrée par cinq gros livres et n'avait hélas -ou plutôt par chance- pas remarqué ma présence. De fil en aiguille nous avions fait connaissance et j'avais alors pu découvrir que c'était une chouette fille, de celle que j'estimais beaucoup. Malgré son apparence peu commune -qui se résumait à des piercings et des tatouages incalculables sur les bras- elle cachait en elle une douceur et une tendresse contrastant étrangement à ce qu'elle pouvait laisser paraître. C'était d'ailleurs ce que j'appréciais le plus chez elle. Sa rencontre m'avait fait prendre conscience à quel point nous avions la fâcheuse habitude de juger que trop souvent les gens par leur apparence physique. Toutefois, chacun de nous l'avions déjà fait, la première impression étant d'une certaine manière la plus cruciale pour la suite d'une quelconque relation. Ma mère ne cessait de me répéter "Kayla, ma chérie, quand on regarde quelqu'un on n'en voit que la moitié". Et, en effet, Torie ne montrait que la moitié de qui elle était vraiment  Au bout du compte, chaque personne se définit uniquement par les actions qu'elle entreprend et non l'image qu'elle donne d'elle même.

"O.K. On se rejoint à l'Odyssey dans 10 minutes ?"

"Parfait."

En enfilant un jean et un simple pull, j'entendis Emma se réveiller en poussant des soupirs, me confortant dans l'idée qu'elle se remettrait difficilement de la fête. Elle n'avait à ma grande surprise pas fait un usage abusif de l'alcool. Cependant, la fatigue accumulée au cours de la semaine se faisait sans aucun doute ressentir. Mais, je ne lui dis rien de tout cela. Je me détaillai dans le miroir maudissant mes boucles incoiffables qui tombaient en un sombre rideau sauvage sur mes épaules. J'inspirai bruyamment avant de les relever en un chignon à la fois confus et maîtrisé. Quelques mèches rebelles s'en échappèrent rapidement se bornant à me compliquer la vie. Je décidai finalement de sortir de la salle de bains, un sourire narquois en voyant Emma. 

- Tu vas où ? Demanda t-elle en s'asseyant en tailleur sur son lit. 

Une touffe blonde lui barrait le visage lui conférant un air égaré. "Emma endormie" était sans conteste une de ses facettes les plus comiques. 

- Je vais déjeuner à l'Odyssey avec Torie. Tu veux venir ? 

- Non c'est bon. Je n'ai pas trop faim de toute façon, réussit t-elle à articuler entre deux bâillements. 

- Comme tu veux. Bon, j'y vais... Bon rétablissement ! Ne pus m'empêcher de lui dire en sortant de la chambre sans attendre sa réponse. 

Certaines fois, c'était grisant d'avoir le dernier mot sur Emma. Ces quelques moments volés me donnaient une assurance déterminante. Emma parlait beaucoup trop et tout ce bla-bla était souvent inutile, alors la dissuader d'une quelconque manière s'entend de répliquer était satisfaisant. 

Sur le parking m'attendait patiemment ma fidèle 4L bleue métallique datant de 1956 qui avec l'âge avait rouillée. Emma avait pris pour habitude de la surnommer "La Mouche" à cause de ses pétarades incessantes, rendant le bruit aussi insupportable (selon elle) que celui de cet insecte. Je me l'étais offerte un an auparavant alors que le garagiste était bien décidé à l'emmener à la casse. Mes quelques économies m'avait alors permis de la sauver d'une mort future  et bien qu'elle ne soit pas flambant neuve j'en étais pas moins fière. À Adrian la plupart des voitures étaient vieilles. Autremment dit rien de tape-à-l'œil. Mais, ici il n'était pas rare de voir une Mercedes rutilante se garer à côté de ma 4L la ridiculisant au passage.

Alors que je sortais de la FIU, je me remémorais cette soirée, deux ans plus tôt, où encore jeune j'avais par inadvertance essuyé la voiture de ma mère contre la paroi d'un mur en béton  La carrosserie n'en était pas sortie indemne. Ma mère ne m'avait pas crié dessus et j'aurais étrangement préféré qu'elle le fasse. Elle s'était juste contentée de me regarder droit dans les yeux et de m'affirmer combien j'étais  un danger public et qu'il était impensable que je réutilise sa voiture sans elle à mes côtés. Conditions que mon père avait hélas approuvé. C'était injuste. Plus, c'était humiliant. Après tout ce n'était qu'un petit accident d'ordre esthétique mais discuter n'était pas préférable. Je ne pus m'empêcher de rire sur la route, me rappelant ainsi à quel point ma mère était une personne calme en toute situation. Je l'admirais pour cette qualité, sans hésitation. Comme j'arrivais à hauteur du lieu, je compris que j'éprouvais à nouveau ce sentiment qui se matérialisait la plupart du temps quand je pensais à elle. J'éprouvais une grande fierté. 

En me garant sur le parking, je remarquai la voiture de Torie garée non loin de la mienne. Depuis que je la connaissais, je m'étais rendue compte que cette fille était toujours à l'heure. O.K...Pas tout le temps, mais assez pour remettre en cause ma ponctualité.

Je me dirigeai rapidement à l'intérieur, mes pieds m'emmenant tels des automates vers notre table habituelle. Nous apprécions particulièrement l'Odyssey car il nous permettait de sortir ne serait ce que le temps d'un repas de l'atmosphère environnante que constituait la horde d'étudiantes de la FIU. Et, ce en peu de temps. La cafétéria dans l'enceinte de l'université n'était pas déplaisante mais ce petit restaurant était de loin plus appétissant. L'établissement ne manquait pas de charme, surtout si on appréciait les années 80. Un sol carrelé noir et blanc et de petites tables blanches accordées parfaitement avec les sièges en cuir rouge, un brin usés. Le tout donnait une ambiance assez plaisante et conviviale amenant chaque personne ici présente à y retourner inévitablement. Au cours du temps, nous nous étions vite rendues que nous n'étions pas les seules à le fréquenter. Il était d'ailleurs très peu souvent vide. 

Torie était déjà installée et passait commande. Visiblement, avec nous, les habitudes avaient la vie dure. Ses lèvres s'étirèrent quand elle me vit approcher.

- Laisse moi deviner. Tu m'as pris une salade composée et un milk-shake à la fraise ? 

- Tu devines plutôt bien, ricana t-elle. 

 Ça n'était certes pas très bourratif mais les salades composées de l'Odyssey savait donner envie à n'importe quel réfractaire des crudités d'en manger les yeux fermés. Je ne faisais pas partie de ceux qui-faisaient-attention-à-leur-ligne-par-principe mais davantage de ceux qui-savaient-apprécier-la-saveur-de-tout-aliment-aussi-peu-calorique-était-il. Les autres pouvaient manger ce qu'ils voulaient, je m'en moquais. 

- Bon alors, comment ça va ? Me questionna Torie en vérifiant son portable pour la seconde fois.  

Ça ne lui ressemblait pas. De qui attendait-elle un message ?

- Ça peut aller, grimaçai-je. 

-  Lâche le morceau Green. Je vois bien que tu mens.

Je ne pus m'empêcher de laisser échapper un faible rire à l'entente de ce surnom. Torie aimait appeler tous ceux qui l'entouraient par leur nom de famille. 

- Je suis fatiguée et frustrée en fait, avouai-je malgré moi. 

Au même moment, la serveuse apporta notre commande qu'elle disposa avec précision sur la table avant de s'éloigner d'une démarche gracieuse. Je n'attendis pas une seconde de plus et attrapai mon milk-shake. 

Torie m'encouragea par un regard insistant, m'invitant à poursuivre. 

- Mon binôme de Français est un imbécile complet. Emma m'a traînée à une soirée de fraternité où on a finit par se disputer. Pour couronner le tout, j'ai du me lever trop tôt ce matin pour finir une disserte seule. Résultat, j'ai l'impression de dormir éveillée, débitai-je sans réfléchir. 

J'avais conscience que dormir éveillée était tout bonnement impossible mais pour être honnête j'avais presque l'impression que c'était le cas.  Même si je paraissais totalement animée au monde extérieur, à l'intérieur mon cerveau était officiellement classé inapte à réfléchir, penser ou ne serait-ce aligner deux mots cohérents l'un à la suite de l'autre. J'exagérais peut être un peu.  

- Ton binôme ? Je le connais ? 

Torie picorait ses frites dont l'odeur huileuse me donnait la nausée. Malgré cela, je ne doutais pas un instant que je serais capable de les manger une à une jusqu'à la dernière, salivant sur le goût comme tout le monde -ou presque- d'ailleurs.

- Je ne pense pas. Il est nouveau et franchement j'aurais préféré qu'il reste là où il était. Pire partenaire jamais rencontré, ça n'existe pas. Je ne dis jamais, jamais mais là je fais une exception  Quoique, ça se peut bien. Bref, peu importe. 

J'entendis le rire grave de Torie, peu commode à la normalité. A présent, elle ne se contentait pas de jeter des oeillades régulières à son portable mais rédigeait un message qui semblait ne plus avoir de fin. 

- Dis moi Torie, qui est l'élu de ton coeur ? 

- Quoi ? S'insurgea t-elle, piquée au vif. 

- Je me demandais juste qui pouvait bien obnubiler tes pensées au point d'en être addictif.

- Oh, personne, bredouilla t-elle en piquant un fard. 

- Menteuse ! Depuis que je suis arrivée, tu n'as pas lâché ton portable, ripostai-je. 

Torie parut choisir ses mots avec soin.

- J'ai rencontré quelqu'un, dit-elle. Il est en troisième année. Et puis, je sais pas trop...ça fait un mois qu'on se tourne autour, en quelque sorte. 

- Et ? Insistai-je. 

- Il me plait bien, c'est tout. 

Voyant qu'elle ne comptait pas m'en dire plus, je décidai de changer de tactique. Avec Torie il fallait savoir une chose : lui laisser le temps nécessaire pour se confier était primordiale. 

- Tu sais Torie, si tu as besoin de parler ou même de ne pas parler, dis le moi. Je peux faire les deux. 

- D'accord, j'ai compris, dit-elle alors que je  dissimulais au mieux ma victoire. Je l'ai rencontré à la cafèt. Je lui ai renversé mon coca dessus. Tu sais bien, moi et mon éternelle maladresse. De là, on a fait connaissance. Et, franchement il est vraiment sympa. Il m'écoute quand je parle, m'aide quand j'en ai besoin. En plus, il est plutôt mignon. Il s'appelle Théo. 

Je failli m'étouffer avec une feuille de salade, ce qui à bien y réfléchir aurait été complètement pathétique comme mort. 

- Tu le connais ? S'enquit-elle, curieuse de connaître ma réponse. 

Je m'agitai sur ma chaise, subitement mal à l'aise. En face de moi, Torie était suspendue à mes lèvres comme si ma réponse changerait le court de sa vie. Je ne voyais pas pourquoi lui cacher la vérité était essentiel. Après tout, il ne s'était rien passé entre lui et moi mis à part deux ou trois danses purement amicales. Il était charmant sans aucun doute et me paraissait être quelqu'un de confiance. 

- Euh, oui. Je l'ai rencontré hier. Il m'a aidé à chercher Emma. Enfin bref, rien de bien grave, rajoutai-je en analysant sa mine déconfite. 

- Il t'a dragué ? 

- Non pas du tout. Je te le jure. Je ne me souviens même pas l'avoir vu s'approcher intimement d'une fille, la rassurai-je en saisissant la dernière frite qui restait dans son assiette.

Un immense sourire étira ses douces lèvres et je ne sus l'expliquer mais à ce moment présent je ne voulus qu'une seule chose : qu'elle soit heureuse. Plus que n'importe qui elle le méritait. Torie avait eu une enfance difficile, ballonnée de familles d'accueil en familles d'accueil et j'avais l'intime conviction qu'elle avait besoin de s'accrocher à une bouée, lui permettant de rester ainsi constamment à la surface de l'eau. Cette bouée pourrait sûrement être Théo, du moins je l'espérais sincèrement. En l'observant je remarquai des petits rayons de bonheur autour d'elle dont l'éclat rejaillissait sur moi. C'était ça la bonheur, non pas d'être riche et célèbre, mais être assise à une table, au milieu de n'importe où, appréciant la valeur de chaque jour, chaque instant et chaque personne que nous aimons. 

- Kayla tu m'écoutes ?

- Oui, oui. Excuse moi, dis-je en sirotant mon milk-shake avant de le reposer sur la table. 

- Donc je te disais qu'il est compliqué de savoir ce qu'il ressent vraiment, tu vois. Les trois quart de ses amis doivent être des filles. Je suis un peu dans le flou, je crois.

Je ne savais pas trop comment réagir à cette remarque. Aussi préférai-je jouer la sécurité. Ce genre de situations ne m'arrivaient que très rarement. Comment pouvais-je la conseiller ? 

- Laisse le temps au temps, ma belle, la guidai-je en tâchant de montrer un semblant de crédibilité. 

- Tu penses ?

- Absolument !

La conversation se poursuivit ainsi dans une ambiance joyeuse et apaisante. Je contemplais Torie qui parlait d'une voix enjouée accompagnant ses paroles par des gestes excentriques. Nous continuâmes à débattre sur plusieurs sujets en passant par les différents dessins animés qui avaient bercés notre enfance jusqu'aux dernières tendances qui alimentaient le réseau féminin. Avec Torie, les sujets ne manquaient pas aussi étranges étaient-ils. 

Au fur et à mesure que les minutes passèrent, je fus à peu près sûre de trois choses. Un, les ingrédients nécessaires à la recette de la vie se résumaient en tout et pour tout à de véritables amis. Deux, heureusement j'avais en ma possession chacun de ces ingrédients. Trois, j'étais vraiment chanceuse en fin de compte. 

***

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