Nos coeurs entaillés

By ElodiePignoux

7.2K 580 1.2K

Plongée au coeur de son avant dernier semestre d'une licence de psychologie, Anna se retrouve bloquée à cause... More

Petite dedicace aux lecteurs 🫶🏻
1
2
3 (Flashback)
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
29
31
32
33
34
35
Épilogue
Remerciements

30

143 13 32
By ElodiePignoux

Durant le trajet vers Paris pour rencontrer les parents biologiques d'Eliott, je découvre une facette de lui plus en profondeur. Je l'avais déjà vu stresser, mais ça crève les yeux que ce qu'il ressent actuellement est au-dessus de tout ça. Je lui offre ma main pour les deux heures de trajet que l'on fait pour qu'il puisse la serrer afin d'extérioriser, d'une certaine manière, tout ce qu'il ressent de négatif. Je sais qu'il ne la serre pas autant qu'il le pourrait, par peur de me faire mal et je l'en remercie secrètement, d'autant plus que ça semble lui convenir déjà suffisamment. Il tremble moins qu'au départ et souffle moins fort, ce qui est une très bonne chose à mon goût. C'est sûrement lié au fait que son corps et son cerveau commencent à s'habituer à ce qui va bientôt arriver, il sera certainement plus apte à réfléchir de manière lucide quand il aura retrouvé tout son calme.

Il finit par s'endormir et j'en profite pour le contempler. J'aime comment tout son visage est détendu quand il dort, comme si toute la tension qu'il ressentait depuis quelques jours s'était dissipée le temps d'une sieste. Je me permets de remettre une mèche de cheveux qui lui tombe devant ses yeux derrière son oreille. Avant, je pensais que je n'aimais pas particulièrement les cheveux longs sur les hommes, je préférais quand ils étaient courts pour je ne sais quelle raison. Puis j'ai rencontré Eliott et je me suis rendue compte que ce n'étaient pas les cheveux longs le problème, c'étaient les hommes que j'avais rencontrés qui ne m'attiraient tout simplement pas, indépendamment de leurs cheveux. Théo était l'exception depuis longtemps, mais ce n'étaient pas ses cheveux qui m'avaient rendue amoureuse, c'était sa personnalité. En y repensant, son amour était faux mais sa personnalité l'était sûrement tout autant. Mais Eliott, oui, j'ai trouvé que les cheveux lui arrivant aux épaules étaient vraiment magnifiques sur lui et ça m'a charmée, mais c'est le découvrir lui, dans sa globalité, qui a le plus joué. Et j'adore pouvoir apprendre à le connaître au quotidien, parce que c'est une des plus belles personnes que je connaisse à mes yeux.

Quand l'annonce de notre arrivée imminente se fait entendre, je réveille en douceur Eliott en lui caressant la joue. Il sursaute d'un coup en ouvrant les yeux, paniqué.

— Merde, on a loupé l'arrêt ? crie-t-il presque, désorienté.
— Pas du tout, on arrive juste. Calme-toi, rigolé-je en lui faisant signe de parler plus doucement.

Il s'affaisse dans son siège, profitant des quelques minutes qu'il nous reste pour reprendre ses esprits. Je ne peux contrôler mon rire à côté qui me vaut un regard noir de sa part.

— Oh, avoue que tu aurais rigolé aussi si les rôles avaient été inversés !

Il sourit pour toute réponse.

— Voilà, je m'en doutais. Tu n'es pas mieux que moi.

Il me donne une petite tape à l'épaule pour se venger avant de se lever. On récupère nos sacs avant de descendre du train. Je n'étais jamais venue à Paris, je n'ai connu que les petites gares donc mon excitation est grande quand j'en découvre une aussi immense que celle-ci. Nous sommes à la gare Montparnasse et il y a tellement d'endroits où aller que je suis bien contente de ne pas être toute seule. Je suis de très près Eliott qui semble s'y connaître bien mieux que moi, ce qui me rassure. Il y a une histoire de "Hall 1" et "Hall 2" mais je ne cherche même pas à comprendre dans lequel nous nous trouvons tellement il y a de panneaux et de gens partout. Pendant que nous traversons la gare, j'ai l'impression de manquer d'air mais je ne sais pas si c'est parce que la foule me rend anxieuse ou si c'est simplement parce qu'il y a déjà trop de personnes au même endroit qui m'empêchent de respirer correctement. Je découvre également que cette gare ressemble étrangement à un centre commercial parce qu'il y a un peu toutes sortes de magasins alors qu'à Poitiers, nous avons juste une petite supérette et une boulangerie.

Quand la sortie nous tend enfin les bras, je prends une grande inspiration. Je me sentais oppressée avec toutes ces indications de partout et le monde qu'il y avait autour de nous. Très vite, je réalise que ce n'est pas spécialement mieux à l'extérieur. Il y a toujours autant de monde et à ça s'ajoute une odeur de pollution plus forte qu'à Poitiers.

— Tu as l'adresse ? je lui demande.

Il ne me répond pas et je tourne la tête vers lui, je lis un air absent sur son visage, mêlé à l'anxiété qui vient de faire son grand retour. J'aimerais tellement lui prendre toute cette charge mentale pour qu'il puisse avoir la tête et l'esprit légers.

— Eliott ?

Il secoue la tête comme s'il venait de revenir sur la terre ferme.

— Pardon, j'étais perdu dans mes pensées. Qu'est-ce que tu as dit ? me demande-t-il, gêné.
— Ce n'est pas grave, je comprends. Je te demandais si tu avais l'adresse ? réitéré-je.
— Oh, oui. Elle est quelque part dans mon portable, attends.

Il sort son portable et fait défiler la conversation avec son frère jusqu'à trouver ce qu'il cherchait. On tape l'adresse sur le GPS qui nous indique qu'ils habitent à une vingtaine de minutes à pied de là où nous sommes. Vingt minutes qui j'espère permettront à Eliott de se détendre. J'ai l'impression qu'il passe son temps ces derniers jours à osciller entre la période d'anxiété et celle où le cœur se calme et puis ça recommence en boucle.

Je sens mon portable vibrer dans ma poche au même moment que la notification qui s'affiche sur son portable. Elle vient de la conversation Whatsapp avec Louise et Matéo. Je suppose que j'ai reçu la même chose alors je ne prends pas la peine de sortir le mien. Eliott clique dessus, laissant apparaître de magnifiques photos de nos amis à la montagne. La plupart sont des photos de paysages mais parmi celles-ci se cachent des photos qui nous font bien rire, comme celle où Louise est allongée dans la neige, comme si elle venait de tomber. Son teint est rougi par le froid mais ça ne l'empêche pas d'avoir un grand sourire aux lèvres. C'est tout elle ça, toujours sourire dans n'importe quelle circonstance. C'est à la fois une belle qualité chez elle, parce qu'elle a tendance à remonter le moral de par sa joie contagieuse, mais c'est à la fois un défaut parce qu'elle a tendance à renier ce qu'elle peut ressentir pour éviter de se confronter à des choses qui peuvent la blesser. Elle tient cette technique de la période où elle se faisait harceler à l'école et je suppose que c'est devenu une habitude ancrée en elle, qui semble lui convenir. Je ne lui dis rien la plupart du temps parce que je pense qu'on a chacun sa manière de gérer ses problèmes, même si ça paraît évident qu'il y en a certaines mieux que d'autres mais si elle est heureuse comme ça, alors je suis contente.
Sur quelques photos, on aperçoit nos deux amis s'embrasser au pied du chalet dans lequel ils résident, entourés d'une vaste étendue de neige et une autre où ils se tiennent la main en marchant. Cette dernière nous fait sourire parce qu'il y a tellement de neige qu'on ne voit presque plus leurs pieds. On continue de faire défiler les photos qui sont de plus en plus belles et de plus en plus drôles, à croire qu'ils ont fait exprès de les envoyer dans un certain ordre. À la toute fin, un message de Matéo:

Matéo: Personnellement, ma préférée c'est celle où elle se prend de la neige en pleine face juste après que je lui ai envoyé une boule de neige.

On hoche tous les deux la tête comme si nous nous étions compris sans même nous regarder. C'est notre préférée aussi, Matéo, et de loin. Eliott répond un petit message pour dire qu'on est d'accord avec lui puis remet le GPS.

On prend désormais la direction de la maison de ses parents biologiques, main dans la main. J'essaye de lui transmettre ma bonne humeur et mon calme par des blagues, des sourires et des petits mots doux. D'un point de vue extérieur, ça semble fonctionner mais je sais qu'au fond, son stress ne diminue pas étant donné que je le sens toujours compresser ma main aussi fort que dans le train. Je prends une nouvelle fois sur moi et me contente de faire des petits cercles sur le dos de sa main avec mon pouce pour lui faire sentir au maximum ma présence et mon soutien.

Plus les minutes passent et plus ça devient difficile de sourire et de rester de bonne humeur. Je fais ça pour lui, mais qu'est-ce que je suis censée faire une fois là-bas ? Est-ce qu'il veut éviter de montrer qu'il est en couple ou est-ce qu'il s'en fiche ? Est-ce que je pourrai intervenir ou préfère-t-il que je ne sois là que pour lui apporter de la force sans prononcer un mot ? Je sais que ces questions paraissent bêtes... Mais je sais aussi qu'elles témoignent juste de mon désir inconscient de penser à des choses auxquelles je peux moi-même avoir une réponse, contrairement à la question "Sont-ils des gens bien ?" qu'on se pose tous les deux.

Eliott s'arrête d'un coup sec quand la maison que l'on cherche est enfin devant nous. Il recule de quelques pas en tremblant de la tête aux pieds après avoir lâché ma main.

— Tu veux t'en aller ? je lui demande, compatissante.
— Non. Peut-être. J'en sais foutrement rien, s'agace-t-il.

Son agacement n'est pas lié à moi, me répété-je en boucle dans ma tête en l'approchant.

— Eliott... Tu n'es pas obligé d'y aller. Et tu peux partir à tout moment, même si tu décides d'y aller, garde bien ça en tête.
— J'ai vraiment peur de découvrir la vérité... Je ne sais plus si j'ai envie de la connaître... avoue-t-il, les larmes aux yeux.

Putain... Ne sachant pas quoi faire, je me contente de le prendre dans mes bras et de passer ma main dans son dos de haut en bas. Il m'enlace à son tour, m'écrasant un peu au passage. Je le sens trembler contre moi et je me sens démunie. J'espère au moins que cette rencontre va bien se passer pour qu'il ne soit pas davantage blessé par rapport à sa famille biologique et que ma présence lui fera du bien durant ce moment.

Il expire tout l'air contenu dans son corps pendant de longues secondes avant de hocher la tête et de reprendre la marche en direction de la maison.

— Heureusement que tu es là, avec mon frère aussi, ça fera deux personnes en qui j'ai confiance près de moi.

J'esquisse un léger sourire en pensant que ma présence et celle de son frère lui remontent un peu le moral et lui donnent la force nécessaire pour toquer à la porte d'entrée.

Elle s'ouvre sur un grand homme avec quelques cheveux blancs et un début de calvitie. Malgré les marques évidentes de vieillesse sur son visage, on remarque facilement la ressemblance entre lui et Eliott. Je tourne machinalement la tête vers Eliott qui est bouche bée. J'imagine que si j'ai pu remarquer l'air de famille qui les unit, il a été capable d'en faire de même.

— Bon... Bonjour, dit-il en se raclant la gorge.

Il essaye de faire bonne figure mais n'importe qui le connaissant un tant soit peu est capable de remarquer qu'au fond, il est terrifié.

— Salut, répond le monsieur d'un ton détaché.

Soit il en a rien à foutre de rencontrer son premier fils, soit il est juste parfaitement à l'aise. Dans tous les cas, c'est extrêmement perturbant.

Il nous invite à entrer et à nous installer dans le salon, où on retrouve ce qui semble être sa mère et son petit frère.

— Salut, Eliott, lance le plus jeune.

C'est dingue comment ils se ressemblent tous !

— Salut Naël, lui répond Eliott avec un triste sourire.

Je n'avais jamais entendu ce prénom, mais je l'adore ! Contrairement à son grand frère, Naël a les cheveux assez courts et des yeux d'un marron plus foncé que ceux d'Eliott. Je lui souris quand il tourne la tête vers moi, sourire qu'il me rend. Une cicatrice est visible sur son front, comme s'il s'était coupé. Je rigole intérieurement parce que ça me fait penser à Harry Potter avant de reprendre mon sérieux et de me demander à quoi cela pourrait être dû. J'espère que ses parents ne sont pas violents envers lui.

Sa mère s'approche de nous avec un air plus avenant que son père, elle se penche pour nous faire la bise. Contrairement à moi, Eliott a un mouvement de recul au contact de celle qui aurait dû l'élever mais elle ne semble pas s'en rendre compte.

— Comment allez-vous ? nous demande-t-elle.

J'hésite à répondre, mais voyant le silence total que réserve Eliott à sa mère, je décide de prendre la parole, même si je n'ai aucune idée de quelle attitude adopter avec ses parents.

— Très bien, même si le voyage a été fatigant. Et vous ?
— Oui, merci. Vous venez de Poitiers m'a dit Naël ?
— C'est ça. Je fais mes études là-bas, expliqué-je en gardant pour moi volontairement le fait qu'Eliott aussi, même si ça paraît évident.
— Très bien. Bon et bien asseyez-vous alors, nous incite-t-elle.

Son père nous rejoint et s'installe dans un fauteuil en cuir, à côté de sa mère.

— Que nous vaut cette visite ? Et d'ailleurs, qui est cette fille ? demande froidement son père à Eliott qui relève les yeux vers lui.
— Ma copine. Et tu sais très bien pourquoi je suis là, je pense, répond-t-il d'un ton étonnamment calme, sans doute pour contrôler sa nervosité.

Un silence de mort s'installe et ses parents se contentent de baisser la tête. Naël, lui, fixe son grand frère. Si je me souviens bien, ce n'est que la deuxième fois qu'ils se voient. On dirait qu'il cherche alors à mémoriser chaque parcelle du visage d'Eliott pour ne jamais l'oublier. Leurs parents agissent comme si c'était naturel de retrouver leur fils plus âgé assis dans leur salon, comme s'ils avaient oublié l'acte impardonnable qu'ils ont commis à son égard. Ils se disent peut-être qu'avec toutes les années qui ont passé, Eliott ne souffre plus et si c'est ce qu'ils pensent, ils se trompent sur toute la ligne.

— Si je suis venu ici, c'est pour avoir des réponses aux questions que je me pose depuis qu'on m'a expliqué que mes parents n'étaient pas ceux qui m'avaient conçu.

Les deux concernés se lancent des regards emplis de honte, ne sachant pas quoi dire ni par quoi commencer. Pour le coup, je les comprends. Comment expliquer à un enfant qu'on l'a conçu, mis au monde pour au final l'abandonner ? Quelles raisons ont pu les pousser à agir de la sorte ?

— Eh bien, pour être honnête, commence son père, nous n'avons pas pu te garder pour un problème d'argent.

Suite à cet aveu, Naël fronce les sourcils, ce qui m'interpelle et n'échappe pas non plus à Eliott.

— Pourquoi est-ce qu'il ne semble pas convaincu par cette raison ? demande-t-il en désignant d'un bref mouvement de tête son petit frère.
— Qu'est-ce que j'en sais ?
— Naël ?
— Euh... ouais ?
— Pourquoi t'as fait cette tête quand ils ont parlé d'argent ? s'interroge Eliott.

Le visage de leur père devient cramoisi et ce dernier lance un regard dissuasif à Naël, qui hésite maintenant à parler.

— C'est juste que-
— Naël, tais-toi, lui ordonne son père. Sinon tu peux oublier ton anniversaire en septembre.

Le chantage, je connais trop bien ça et immédiatement, je suis inondée par une vague de compassion pour lui. Bizarrement, leur mère reste en retrait, comme si elle n'avait pas son mot à dire. Je ne comprends vraiment pas leur manière d'être. Je profite de ce moment de silence pour observer sa mère biologique. De longs cheveux de la même couleur que ceux d'Eliott encadrent son visage aux traits creusés et à l'air fatigué.

— Je ne sais pas comment ils étaient financièrement avant ma naissance, mais je sais qu'on n'avait pas beaucoup d'argent non plus durant les premières années, balance-t-il d'une traite.

Vraiment ?

Leur père inspire profondément comme pour se retenir de dire quelque chose tandis que leur mère baisse simplement la tête.

C'est ça la raison de l'abandon ? Parce qu'ils n'avaient pas suffisamment d'argent alors qu'ils étaient à peu près dans la même situation à la naissance de leur deuxième enfant ? Ça ne tient pas debout.

— Vous êtes encore pires que tout ce que j'avais imaginé en fait, soupire-t-il en prenant sa tête entre ses mains.
— Tout de suite les grands mots, mon garçon.

Eliott lâche un rire sidéré avant de planter à nouveau son regard dans celui de son père.

— N'essaye même pas de m'amadouer avec ce surnom. Peut-être que ça aurait pu marcher quand j'étais encore un môme mais ça, vous ne le saurez jamais, parce que vous n'étiez pas là, crache-t-il.
— Oui, et bien comme je te l'ai dit, nous n'avions pas assez d'argent. La situation était juste moins délicate pour nous quand on a eu Naël, se justifie son père qui semble s'impatienter.
— J'ai aucune raison de vous croire, parce que je ne vous connais pas. Vous auriez dû être à mes côtés depuis ma naissance, quand j'ai dit mes premiers mots, quand j'ai marché pour la première fois et pour un tas d'autres choses encore ! Vous étiez où, hein ? s'agace-t-il en grattant les jointures de ses mains.

Le père d'Eliott ne dit rien, tout comme sa mère. Seul son frère semble réellement attristé par la situation. Je ne quitte pas mon copain des yeux et remarque qu'il tape toujours nerveusement du pied et cligne des yeux beaucoup plus souvent que d'habitude, comme s'il pouvait pleurer d'une minute à l'autre.

— Vous auriez dû être présents quand j'ai eu ma première chute en essayant de faire du vélo, reprend-il d'une voix plus dure qu'avant, pour mon entrée à la maternelle, en primaire et tout ce qui suit ! Je ne regrette pas une seule seconde la famille qui m'a adopté mais ça aurait dû être vous. Et toi, s'indigne-il en direction de son père, tu es en train de me dire que vous ne m'avez pas gardé parce que vous étiez dans la merde financièrement alors que vous avez pu garder Naël ?

Eliott reprend son souffle avant de poursuivre avec le même ton accusateur:

— Il me ressemble comme deux gouttes d'eau bordel, et pourtant, je ne sais quasiment rien sur lui, parce qu'à cause de vous, j'ai été privé de mon petit frère presque toute ma vie et que sans mes recherches, je n'aurais jamais appris que je n'étais pas fils unique.

Je me tourne vers Naël et j'aperçois des larmes rouler sur son visage. Ça se voit qu'il n'était vraiment au courant de rien et que lui aussi aurait aimé connaître son grand frère plus tôt. Leur père, mal à l'aise, ne dit rien. Eliott se tourne donc vers sa mère qui est déjà au bord des larmes.

— Et toi ? Tu ne dis rien ? reproche-t-il à celle qui l'a mis au monde.

Cette remarque doit être la goutte de trop parce qu'elle fond instantanément en larmes et sort de la pièce en trombe.

— J'hallucine... C'est moi qu'on a abandonné et qui devrais pleurer, mais à la place, c'est elle. C'est l'hôpital qui se fout de la charité, ici, s'emporte-t-il en se levant.

Je ne saurais pas l'expliquer, mais j'ai le sentiment que ce que ressent la mère des deux garçons est différent de ce que ressent le père. Elle paraît beaucoup plus sincère et touchée par ce qu'a dit d'Eliott. Son père laisse penser à son attitude qu'il a honte de devoir avouer la vérité sur cette histoire mais sa mère... On dirait qu'elle a honte et qu'elle culpabilise pour autre chose, mais je me trompe sûrement.

— Tu as quelque chose de plus à dire pour continuer de te justifier de la manière la plus lâche dont tu pouvais faire preuve de m'avoir abandonné toute ma vie ? demande-t-il froidement à son père.

Il se contente simplement de hausser les épaules d'un geste las, comme si toute cette discussion ne valait rien à ses yeux et qu'il avait juste envie que l'on parte d'ici.

— Et bah super ! Très bien ! On va y aller alors et vous laisser retrouver votre petite vie peinarde et continuer à faire semblant et certainement raconter à tout le monde que Naël est votre seul enfant, conclut-il avant de faire demi-tour.

Tout en attrapant ma main pour m'indiquer de le suivre, Eliott marche jusqu'à la porte d'entrée puis se retourne vers les deux hommes dans le salon.

— Sur ce, Naël, on se reverra très vite, je te le promets. Je ne laisserai plus personne me priver de mon petit frère, je peux te l'assurer.

Ils échangent durant un court instant un vague sourire, bourré d'amertume et de promesses puis nous sortons. Eliott ne se prive pas de claquer la porte, et je ne cherche même pas à le retenir après ce qui vient juste de se passer. C'est encore pire que tout ce qu'on avait pu imaginer. J'oscille entre la déception, la tristesse, la colère et l'indignation mais je n'ose même pas imaginer ce qu'Eliott doit ressentir. Je mets tout ça de côté pour me concentrer pleinement sur lui.

Tandis qu'il cherche un petit coin tranquille pour se poser, je lui offre une main réconfortante sur son épaule. Ce n'est pas grand-chose, mais j'ai pu remarquer ces derniers jours qu'un simple contact physique de ma part lui faisait du bien, alors j'essaye de l'aider avec les outils qui sont à ma disposition. J'ai comme une impression de déjà-vu mais avec les rôles inversés. Cette situation me rappelle parfaitement celle où Eliott a rencontré ma mère. Cependant, aujourd'hui, il n'y a pas d'hôtel pour se poser au calme et se remettre de nos émotions. Notre train est dans deux heures et je n'ai aucune idée de ce qu'on va bien pouvoir faire d'ici-là.

Finalement, Eliott m'explique qu'il n'a pas envie de parler pour le moment, le temps de laisser retomber toute cette colère accumulée en peu de temps. Je lui accorde ce moment de tranquillité et m'occupe seule de mon côté tout en restant proche de lui et disponible à n'importe quel moment. Mon portable est littéralement mon meilleur ami dans ce genre de situation.

***

C'est seulement lorsqu'on est enfin de retour sur Poitiers qu'Eliott semble respirer à nouveau. Nous n'avons pas beaucoup parlé depuis qu'on est parti de chez ses parents, mais je respecte sa volonté de rester silencieux. Il digère ce qu'il vient d'apprendre et c'est normal, chaque personne avance à son propre rythme et ce n'est pas grave s'il lui faut des heures, voire des jours — ou plus — afin de parler à nouveau.

On se dirige toujours main dans la main vers l'extérieur de la gare, prenant la direction de son appartement. Je ne sais pas si je vais rester dormir, je suppose que je verrai ça une fois là-bas, en fonction de lui.

Quand on rentre chez ce dernier, il s'effondre sur son canapé en plaquant ses grandes mains sur son visage. Hésitant, je m'assois à côté de lui et viens glisser délicatement mes doigts pour les entrelacer aux siens.

— Ça fait du bien de rentrer à la maison.

Cette fois, c'est moi qui ai l'impression de pouvoir enfin respirer à nouveau. C'est peu de temps, je sais, mais sa voix m'avait manqué, certainement parce que je savais à quoi était dû son silence, ce qui n'a fait qu'accentuer ce sentiment-là.

— Tu m'étonnes, me contenté-je de répondre.
— Je n'arrive pas à réaliser tout ce qu'il s'est passé durant ce court laps de temps.

On y vient enfin.

— Ça se comprend... Et moi non plus je t'avoue, même si mon avis n'est pas important.
— Au contraire, dit-il en se relevant, sans lâcher ma main, il l'est à mes yeux. Qu'est-ce que tu en as pensé de cette rencontre ?

Je réfléchis, ne voulant pas dire quoi que ce soit de déplacé.

— Je dirais que d'un côté, je suis surprise mais de l'autre, pas tant que ça...
— Ouais, je me dis la même chose. Tu y crois à cette excuse, toi ?
— Euh... hésité-je.

Je ne sais pas si je lui parle de la réflexion que je me suis faite au sujet de sa mère.

— Dis-moi ce qu'il se passe dans ta petite tête, s'il te plait, tu commences à me faire peur.
— À mes yeux, soit ce n'est pas la vraie raison, soit ce n'est pas l'unique raison de l'abandon.
— Comment ça ?
— Comment dire... Quand ta mère s'est mise à pleurer après que tu lui as crié dessus, elle semblait déboussolée. Comme si elle cachait quelque chose mais qu'elle n'osait pas en parler ou qu'elle n'en avait pas le droit, tout simplement.
— C'est vrai que sa réaction paraissait plus sincère mais surtout plus gênée de la situation, comme si elle regrettait de l'avoir fait, mais pas parce que je l'ai découvert, contrairement à mon père.
— C'est ce que je me dis.
— Et moi qui pensais que cette histoire allait vite être réglée, me voilà avec des réponses accompagnées de nouvelles questions sans réponse. Génial, se plaint-il en se laissant tomber contre le dossier du canapé.
— Ouais... dis-je en le rejoignant dans cette position.


Un peu plus tard dans l'après-midi, alors qu'il vide son sac, je le regarde en sortir une enveloppe dont il ne semble pas être l'auteur.

— C'est toi qui as mis ça là ? me demande-t-il gentiment.
— Non, pas du tout.
— Bizarre.

Il l'ouvre et tout de suite il se décompose. Son visage devient pâle, si bien que je dois le retenir pour l'empêcher de tomber. J'avais bien dit que je serais là pour te récupérer.

— Qu'est-ce que c'est, Eliott ?
— Une lettre de ma mère.

***
Hellooo! Nouveau chapitre avec un jour de retard désolée haha
Je vous laisse avec un peu de suspens à la fin de celui-ci... Vous avez une idée de ce que la lettre peut contenir ?
N'oubliez pas de cliquer sur la petite étoile et de commenter si ça vous a plu :)

A mercredi, 18h !

Love.❤️‍🩹

Continue Reading

You'll Also Like

5.4K 47 1
Depuis plusieurs semaines, des étudiantes sont retrouvées mortes sur le campus de South Harrison. Et pas n'importe quelles filles : les cheerleaders...
20.4K 691 39
La solitude. Le quotidien de Diane depuis son harcèlement au lycée. Diane n'a pas grandi dans un foyer stable, sa famille est divisée : Victoria sa s...
54.1K 1.7K 46
Il revient dans sa vie après 6 ans d'absences, alors qu'elle commence à peine le lycée. Un chemin différent, une vie opposée, mais un passé tout auss...
ELY By GODDESSVENUS_

Teen Fiction

6.2K 200 30
"Tourne-toi vers le soleil et l'ombre sera derrière toi". Mais la vie est-elle aussi simple ? Perdu dans les secrets de sa famille entre Gang et chef...