Passer le cap

By Mia4744

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« T'es un sacré manège Blanche Tessier » Blanche a 26 ans, des amis et beaucoup d'anxiété. Elle vient de com... More

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VISUALS AND PLAYLIST
I. Blanche
II. Un rayon de soleil
III. Il faut de tout pour faire un corps
IV. Une bande de débiles
V. Un dessert amer
VI. Une haleine acide
VII. Une amie en or
VIII. Bergénie
IX.Peins moi en rouge
X. Sonia
XI. Eaux troubles
XII. Plaies ouvertes
XIII. Au-delà du réel
XIV. Vide spatial
XV. Instruments tranchants
XVI. Message publicitaire
XVII. Identité prescrite
XVIII. Consumé.e
XIX. Anormalité monotone
XX. Désillusion romantique
XXII. Un pari de perdu, une pression sociale de retrouvée
XXIII. Sororité fratricide

XXI. Merci maman

30 3 19
By Mia4744




1,6 tonnes d'amas de terre froid et implacable, mélangeant claustrophobie et l'acceptation de sa défaite, l'acceptation de la séparation physique avec le monde extérieur. C'est exactement où aimerait se trouver notre protagoniste plutôt qu'à table chez ses parents.

Sa soeur Maya était encore dans sa chambre tandis que son frère passait la soirée chez des amis, il n'y avait donc que Blanche et son père à table; la mère encore dans la cuisine.

Blanche se demandait si la fumée venait de la nourriture fraîchement placée sur la table en chêne de la salle à manger ou de son cerveau cherchant tant bien que mal un sujet de conversation avant que ceux inévitables sortent de la bouche de ses parents.

"Alors le travail? Comment t'en sors-tu?" la voix grave de son père venait de donner le ton à sa soirée, elle sera donc typique, barbante et monotone.

"Bien, cela se passe bien."

"Bien? Tu as sûrement plein de choses à nous raconter!" cria Jada, tout juste sortie de la cuisine avec le dernier plat encore fumant en main.

" J'ai pas grand chose à raconter, je suis nouvelle donc tout ce que je fais c'est d'assister mon manager pour être honnête."

Sa mère l'observa, longtemps, sans aucune lumière ni once de fierté dans son regard. Elle plaça soudainement ses mains autour de la gorge de Blanche, avant de la serrer de toutes ses forces jusqu'à ce que la peau pâle de sa fille vire au violet, jusqu'à ce que ses veines sur le front éclatent une à une et que ses globes oculaires menacent de sortir de leur orbite. Blanche n'avait plus aucune chance de retrouver son souffle, coupé à jamais et même si Jada n'avait pas réellement placé ses mains autour de son cou et qu'elle n'avait, finalement, pas bougé d'un pouce depuis sa question, l'effet de son regard sans aucune validation avait le même effet d'asphyxie sur sa fille.

"Ton frère a beaucoup fait pour la maison, il a décidé de reprendre le crédit qu'on avait contracté et j'ai même droit à ses chèques repas pour faire les courses de la semaine, quel soulagement de l'avoir! Je te jure, je ne sais pas ce qu'on ferait sans lui."

Ou simplement une autre manière de demander à Blanche, ce que ses parents pourraient bien faire d'elle. Il n'y avait guère besoin de sous titre ou d'une bulle au dessus de la tête de sa mère, elle savait très bien, cette même femme lui avait donné naissance, à elle et la plupart de ses traumatismes.

Impatiente devant l'inactivité de sa fille, Jada reprit de plus belle.

"Bon et sinon, tu as un copain? Un futur mari? Tu sais que tu as l'âge de te marier maintenant, nous attendons des petits enfants tout de même."

Devait elle leur parler de James? De Matthias? Un mari certainement pas mais des conquêtes, oui elle en a eu ces derniers temps mais elle n'était pas certaine que la réponse enchanterait ses parents. Elle n'était cependant pas sûre qu'elle serait pire que la négative.

"Non maman, toujours rien. Je n'ai pas eu le temps avec le déménagement et le nouveau travail tu sais, ça prend du temps."

" Quel temps cela prend? Tu as un studio et tu n'occupes pas de poste important."

Quelque soit la réponse, Jada avait toujours de quoi rétorquer.

Maya les rejoignit au moment du dessert, elle n'avait pas faim mais il y a toujours de la place pour un bon dessert libanais, disait elle toujours. Blanche ne pu résister une seconde de plus et alla titiller le peu d'éthique que sa mère possédait.

"Je suis entrain de tourner une série de vidéos pour ma boîte, une campagne de prévention au suicide. Une idée d'un de mes supérieurs."

"Qu'est-ce que cela a avoir avec les livres?" demanda le père.

Aucune réponse de Jada, pour le plus grand désarroi de Blanche qui avait besoin de cette confirmation, de savoir que comme prévu, Jada trouvait ça dérisoire, que cela n'avait aucun sens d'abîmer le corps que Dieu avait mis au monde, qu'il n'y avait rien de plus disgracieux que la faiblesse de l'être humain.

Rien, Jada ne disait plus rien, et une certaine lueur s'était ravivée dans les yeux marrons de la libanaise.

" Quelle merveilleuse idée, j'avais vu à la télé que ces choses là (trop tabou pour elle que pour prononcer le mot) étaient surtout courants dans les pays nordiques."

"On est pas réellement dans un pays nordique maman."

" On est quand même bien plus au nord que le Liban, Blanche."

Il n'y avait donc vraiment aucun moyen de rétorquer devant sa mère. Blanche souffla presque déçue de l'intérêt que portait Jada pour son projet. Elle posa un coude sur la table et appuya sa tête contre le dos de sa main tout en observant celle se trouvant en face d'elle. Elle l'observa longtemps, si longtemps que la libanaise leva un sourcil, prête à poser sa question mais Blanche prit la parole avant.

« J'ai du mal avec ce projet, je dois l'avouer. Et pour être honnête, je vous dois une grande partie de ce fiasco. Je ne suis pas capable de ressentir du dégoût pour l'acte, je le trouve même parfois courageux. Maman, qu'est-ce que ça fait d'avoir porté sa fille pendant neuf long mois pour finalement lui rappeler qu'elle n'aurait préféré jamais l'enfanter plutôt que d'accepter les bêtises d'une enfant de six ans. Maman, qu'est ce que cela fait d'avoir été si émotionnellement absente, que sa fille est incapable de mettre un mot sur les émotions qui la submergent. Tu te rappelles quand tu me reprochais de pleurer pour rien, ou d'en faire trop? Parce que tu me tapais ou parce que tu me grondais pour une note que tu ne trouvais pas assez haute. C'était quoi déjà ta phrase.. ah oui! Arrête de pleurer ou je vais te donner une bonne raison pour. Mais est-ce que je n'avais pas déjà eu la raison? Dès le début? Et tu m'as laissé grandir en pensant qu'il valait mieux tout encaisser pour éviter d'attirer cette fameuse raison. Et toute mon adolescence, j'ai grandi dans la peur de cette fameuse raison. Et je ne sais même pas ce que s'est que cette putain de fameuse raison? Qu'est-ce qui pourrait me faire plus pleurer? L'absence de papa? J'en ai pleuré. Ton amour conditionnel? J'en ai pleuré aussi. La mort de mamie? La tentative de suicide de Maria? Mon viol? Dis moi, maman, qu'elle était cette fameuse raison qui me hante depuis si longtemps. Dis-moi pourquoi je n'arrive pas à combler ce vide qui ne fait que s'étendre? Toi qui as tant rêvé d'une fille exemplaire, diplôme et mari en main. Eh bien maman, laisse moi te dire que j'ai rencontré quelqu'un, oui, quelqu'un! Au travail, il s'appelle James. Tout va bien, enfin, tout allait bien. Jusqu'à ce que je déraille complètement et pour être honnête, je ne saurai l'expliquer mais peut être que ta fameuse raison le pourra. Et puis j'ai cru l'aimer, enfin j'ai cru l'apprécier, je ne sais pas. C'est marrant parce qu'au début, je ne voulais qu'une seule chose; le ramener. C'est une autre manière de dire que je le voulais dans mon lit, maman. Enfin bon, je l'ai finalement eu tu sais, dans mon lit. Et puis un petit temps s'est passé et quelques querelles aussi. Mais ne désespère pas, ta fille ne s'est pas arrêté là. Déçue et lassée, par le comportement de mon collègue ou plutôt du mien et sûrement les deux, j'ai appelé le colocataire de Sonia. Tu te rappelles de Sonia? Elle était avec moi à l'université. Oui ben son coloc donc, il est venu, on a mangé une pizza, une maison en plus! Eh bien je te laisse imaginer la suite, il a bien fallu qu'on s'occupe le temps qu'elle cuise. Et tu sais ce qui était marrant? C'est ce que j'ai ressenti pareil, tout pareil, comme avec James! Ta fille n'est plus capable d'aimer, tu penses pouvoir l'échanger? »

Jada termina son assiette, avant de se resservir du thé. Elle demanda à Blanche si elle en voulait encore. Et la brune cligna des yeux plusieurs fois avant de comprendre que son monologue n'avait pas quitté son esprit, n'avait pas rejoint ses cordes vocales une seule fois. Et sa mère n'entendra jamais cette histoire, peut être que c'était pour le mieux, peut être que si Jada l'entendait, elle la lui donnerait sa fameuse raison.

« Je veux bien un peu de thé, merci. »

Blanche suivit Maya à l'étage.

« Comment tu te sens à la maison? Ça va avec papa et maman? »

La cadette s'affala sur son lit rempli de peluches et de coussin.

« Oui ça va, papa travaille moins et maman est fatiguée. »

Blanche se coucha sur le dos, pris une des peluches dans ses bras et laissa passer un sourire.

« Ça c'est l'avantage d'être née en dernier Maya, tu ne connaîtras jamais maman comme je l'ai connu. »

« C'était pas facile pour elle non plus, tu sais. »

Blanche s'appuya sur ses avant-bras, comme pour être sûre que sa sœur remarque la déception sur son visage. Était-ce si compliquée de considérer Blanche comme seule et unique victime de son histoire? Bien sûr que Jada a dû avoir ses raisons, une éducation différentes et des traumatismes générationnels qu'elle n'a pas pu soigner. Mais la brune voulait être écoutée, comprise et surtout considérée, non pas comme un dommage collatéral de l'immigration de sa mère, des troubles mentaux de son ex ou encore du système scolaire mais bien comme une personne à qui la terre entière lui doit des excuses pour l'avoir abandonné.

« Tu dis ça parce que c'est pas toi que maman a envoyé à l'hôpital. »

« T'es pas non plus la seule enfant qui se faisait frapper par ses parents, Blanche. C'est une autre manière d'éduquer. Tu vas avoir vingt-cinq ans, pourquoi tu ne passerais pas à autre chose? »

Mais cela, Blanche en rêvait tous les jours. Pouvoir se réveiller sans sueur au front, sans la gorge serrée et les mains encore tremblantes par les terreurs nocturnes qui occupaient ses nuits. Pouvoir profiter de ses journées sans devoir combattre ses arrières pensées auto-destructrices.

« Est-ce que tu attends de moi que je remercie maman de m'avoir éduquer ainsi parce que ça m'a rendu plus forte? »

« Non pas forcément mais il s'agirait d'apaiser ton cœur et de ne pas blâmer ton incapacité à avancer sur maman. »

Maya n'avait que dix-sept ans, n'a su profiter de Blanche à la maison que pendant douze années, avant qu'elle ne rejoigne la faculté et ses dortoirs. Mais la voilà déjà gronder sa grande sœur.

« Tu viens à peine nous voir, tu ne demandes pas de nos nouvelles et tu passes à côté de tous les problèmes de la famille. Pourquoi punir tout le monde Blanche? Je ne te manque pas? »

Blanche prit sa petite sœur dans ses bras, fronça les sourcils si fort qu'elle était persuadée que cette technique lui évitera de verser des larmes suites au paroles de la jeune fille.

« Énormément Maya, vous me manquez énormément. »

« Alors pourquoi tu ne reviens plus? »

Maya se détacha de sa sœur et sorti de son lit, elle observa Blanche une dernière fois avant de quitter la chambre. Elle n'avait pas besoin de réponse parce que la question était pour Blanche, mais de Blanche à Blanche. Et Maya avait tapé dans le mille, la brune n'était pas capable de répondre et la question venait de la figer sur place.

Pourquoi tu ne reviens plus?

Parce qu'elle n'avait pas changé. Parce que Blanche était toujours aussi pitoyable, toujours aussi dépendante et toujours aussi naïve. Elle n'était plus capable de voir ses parents dans les yeux car elle n'avait pas la force d'endurer leur déception sur sa personne. Blanche n'avait rien accompli et surtout, Blanche ne s'est jamais remise. Et contrairement à ses amis, sa mère pourrait et pouvait le voir. Que derrière ses airs de jeune femme indépendante vivant seule dans un studio parisien -avec un chat comme seul compagnon-, il y avait toujours la Blanche de terminale, celle qui venait d'obtenir son diplôme, celle qui malgré la violence perpétuelle dans le foyer familial, n'attendait qu'une chose; ramener un sourire sur les visages durs de ses parents. Qui ne voudrait pas? D'une famille unie et soudée, d'une mère aimante et d'un père présent. Ce schéma idyllique qu'elle languissait, Maya le vivait, ce n'était pas parfait mais c'était déjà bien mieux que le tableau de départ. C'est de cela que la petite, encore au foyer, montrait du doigt. Pourquoi ne pas revenir quand tout s'était arrangé?

Parce que Blanche ne voulait plus fermer les yeux.

Avec quelques minutes de délais, elle sorti de la chambre à son tour. Maya n'était jamais partie, elle attendait derrière la porte et venait de se la prendre en plein visage. Les deux sœurs éclatèrent de rire avant d'éclater en sanglot, avant de s'enlacer et avant de s'excuser.

« Passe la soirée avec moi s'il te plaît. »

Blanche savait qu'elle ne pouvait honorer cette demande, elle avait déjà donné sa promesse à quelqu'un d'autre, sa meilleure amie qui l'attendrait au concert du groupe de Mathias. Et le cœur de la brune se serra, si fort qu'elle cru tomber sur le coup. Décevoir un collègue, c'était une chose, décevoir sa petite sœur, c'en était une autre.

« Promets moi d'aller mieux alors, on se verra une autre fois, j'imagine. »

Maya n'était pas stupide, elle savait que le silence de sa sœur signifiait qu'elle était submergée par la honte et le regret.

Blanche prit une dernière fois sa sœur dans ses bras avant de poser un doux baiser sur la tempe.

« Je te promets d'aller mieux, laisse moi le temps de terminer ce foutu podcast et je te jure qu'on ira voir n'importe lequel de tes groupes en concert! »

« Tu es incroyable, Maya. Sache le. »

« Pourquoi tu me dis toujours ça quand on se voit ? »

« Parce que j'aurais aimé qu'on me le dise. »

Blanche embrassa ses parents avant d'affronter le froid qu'avait annoncé la météo ce matin. Le visage à moitié couvert par son écharpe, les mains dans les poches de sa veste en laine, elle trottina jusqu'à la bouche de métro. Une fois assise, elle sorti son téléphone et contacta sa bande d'amis.

« Vous venez tous ce soir? »

« Je suis déjà au bar, j'ai assisté aux répétitions avec Sonia. Venez dès que vous pouvez. » répondit Angelo.

« Je suis en route, j'ai dû faire demi-tour et changer de veste. » envoya Horace.

Blanche n'écrivit aucun message, juste une réaction sur le message d'Angelo, laissant comprendre qu'elle était toujours de la partie.

« J'ai hâte de te revoir ce soir. Sonia m'a dit que tu venais nous voir jouer! »

Blanche lu le message plusieurs fois, un sourire béat au visage. Matthias avait pris le temps de lui écrire malgré ses répétitions. Elle écrivit plusieurs versions du même message avant d'effacer et de tout recommencer, toujours peu convaincue par ce qu'elle voulait faire passer comme message.

Avait-elle aussi hâte de le revoir ?

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