Passer le cap

By Mia4744

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« T'es un sacré manège Blanche Tessier » Blanche a 26 ans, des amis et beaucoup d'anxiété. Elle vient de com... More

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VISUALS AND PLAYLIST
I. Blanche
II. Un rayon de soleil
III. Il faut de tout pour faire un corps
IV. Une bande de débiles
V. Un dessert amer
VI. Une haleine acide
VII. Une amie en or
VIII. Bergénie
IX.Peins moi en rouge
X. Sonia
XI. Eaux troubles
XII. Plaies ouvertes
XIII. Au-delà du réel
XIV. Vide spatial
XV. Instruments tranchants
XVI. Message publicitaire
XVII. Identité prescrite
XVIII. Consumé.e
XX. Désillusion romantique
XXI. Merci maman
XXII. Un pari de perdu, une pression sociale de retrouvée
XXIII. Sororité fratricide

XIX. Anormalité monotone

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By Mia4744

Benzène, fréon, souffre et tétrachlorure de carbone. Une fois accumulés dans notre corps sans aucun moyen d'évacuation, les organes subissent une pression telle que les yeux sortent de leurs orbites et d'autres se liquéfient simplement. Le corps est en décomposition. Mais rien ne devrait réellement poser problème puisque absente de ce monde, la personne décédée ne trouverait aucun inconvénient à ce que des parties de son corps se fassent consommer par les insectes.

Il n'y a rien de pire que d'être conscient de sa condition lorsque la personne est encore vivante, lucide sur les troubles de notre fonctionnement cognitif et pourtant ne rien pouvoir y faire. Que se passe-t'il lorsque, malgré notre esprit au courant de la dépression qui l'habite, nous laissons les jours se confondre les uns après les autres?

On pourrit.

On se décompose.

Et cela, vivant, conscient de notre énergie drainée chaque jour.

Douleurs à la poitrine, lèvres mordues à sang, poings serrés,larmes versées sous la douche, meurtre mental, Blanche les expérimentait en boucle sans pour autant avoir la motivation que cela cesse. Lorsque la pluie s'abat sur la ville depuis notre naissance, avons-nous toujours conscience de la pression des gouttes de pluie sur notre peau? Cette descente de gouttes d'eau continue est-elle perçue comme des précipitations liées au cycle de l'eau? La confondons-nous avec la normalité? Est-il attendu de se retrouver trempé de la tête au pieds tous les jours sans aucun rayon de soleil apparent? Comment différencier une anomalie répétée de la normalité?

Assise sur le parquet de son appartement, une bouteille de rouge à la main, Blanche repassait les événements de la journée en boucle, comme à son habitude. Dérouler en continu, en retirer l'essentiel, le tisser, l'habiller.

« Je t'ai dit, va te reposer. »

Que pouvait-il lui rester si même le physique ne fonctionnait plus? S'était-elle tellement vidée de tout sens que cela en avait déteint sur son aspect extérieur? Était-elle devenue aussi pourrie à l'extérieure qu'à l'intérieure?

Une fois la bouteille de vin rouge vidée, Blanche en ouvrit une seconde la minute même. Elle n'était pas réellement certaine des limites de ces actions cette après-midi là,rester seule et risquer de finir par détruire son enveloppe extérieure? Sortir pour éviter tout accident et opter pour la destruction interne?

Boire à quatorze heures dans les cafés de Paris sans passer pour une alcoolique n'était pas une mince affaire. Il était beaucoup trop tôt pour les plans qu'elle s'était mise en tête.

Elle ne pouvait pas rappeler Angelo, la discussion entre eux n'aurait pas été si différente de celle de la veille. De plus, Blanche n'avait pas réellement envie de partager quoique ce soit, si ce n'est son corps, une bouteille ou un joint. Sonia travaille et Horace devait sûrement être occupé. Elle n'avait pas Matthias en ami mais savait qu'elle pouvait le trouver dans la liste d'amis de Sonia. Elle tapa rapidement le nom du colocataire dans la barre de recherche et lui envoya un message dans la seconde, ne lui laissant guère le temps d'hésiter, l'alcool forcément d'une très grande aide là-dedans.

«  Yo Matthias! C'est Blanche, l'amie de Sonia. Tu fais quelque chose cette aprem? »

Blanche croisa ses jambes et prit son téléphone de ses deux mains avant de se le taper contre son front de honte. Il n'y avait aucune raison pour que Matthias lui réponde par la positive. Il n'y avait aucune bonne raison pour qu'il lui réponde tout court.

Le téléphone vibra, une notification.

« Salut! Non je ne fais pas grand chose, pourquoi? »

« Parfait. T'es chaud continuer à ne pas faire grand chose mais chez moi? »

« C'est vraiment la première fois qu'on me demande ça mais ça va. Et c'est où chez toi? »

Une fois l'adresse envoyée, Blanche se mit à ranger son appartement. Elle ne prit pas la peine de se maquiller, une couche de mascara suffisait. Un dernier regard sur sa réflexion dans le miroir.

Ne gâche rien, je compte sur toi ma vieille.
James ne sait pas ce qu'il rate, pour être honnête toi non plus. Mais c'est le genre de phrase qu'on est censées se dire quand on se ramasse un vent non?

C'est vrai que tu perds rien.

Le vide l'est déjà par définition, rien ne peut le changer.

La sonnette la sorti de ses songes et tout comme ce matin, il lui fallu un instant avant de comprendre que quelqu'un l'attendait en bas de son bâtiment. Elle appuya sur le bouton ouvrant la lourde porte métallique et ouvrit la porte de son appartement.

Carlos en profita pour se faufiler et descendre les marches qui le séparaient de sa douce. Déçu par la porte en bois beige qui le séparait de sa moitié, il décida de l'attendre en boule sur le tapis de son pallier.

Matthias passa devant le félin avant de continuer son ascension vers la meilleure amie de sa colocataire. L'étui de sa guitare sur son dos, une cigarette de fortune derrière l'oreille, Matthias toqua à la porte malgré que celle-ci soit déjà ouverte.

« Tu ne travailles pas aujourd'hui? » demanda le grand châtain.

« J'ai pris congé. J'ai eu beaucoup de travail ces derniers temps, ça me fait du bien de souffler un peu. Tu comptes faire de la guitare chez moi?»

« Tu m'as demandé si j'étais partant pour continuer à ne rien faire mais chez toi. C'est ma définition de ne rien faire. D'ailleurs, que me vaut cette invitation? »

Un léger sourire se dessina sur le visage de la brune et cette dernière roula des yeux avant de répondre.

« Ne te sens pas si spécial Matthias, les autres étaient juste occupés et je n'avais pas envie de passer la journée toute seule. »

L'attention du jeune homme se riva sur les deux bouteilles de vin rouge couchées sur le parquet en bois de l'appartement.

« Je vois que tu t'es bien occupée avant que j'arrive. »

Matthias s'accroupît et pris une des deux bouteilles pour en lire l'étiquette.

« C'est du très bon vin, j'espère que tu l'as tout de même savouré. »

« C'est le barman en toi qui prend le dessus j'imagine. Pour tout t'avouer, je ne suis pas une grande fan des boissons alcoolisées, je n'en bois pas pour le goût. »

Matthias leva un sourcil avant de re déposer la bouteille au sol.

« Désolé, Sonia ne m'avait pas dit que tu avais un problème avec l'alcool. Tu vois quelqu'un pour ça? »

Blanche senti une bouffée d'air chaud prendre possession de son visage, son teint vira au rouge écarlate.

« Non, non! Ce n'est pas ce que tu penses. Je ne suis pas alcoolique..-»

« -Blanche, s'enfiler deux bouteilles de rouge toute seule dans son appartement en journée, ça s'appelle de l'alcoolisme. Je ne suis pas dans le jugement, loin de là. Mais se soigner c'est commencer par mettre des mots là où il faut.»

La honte laissa la place à l'agacement, personne n'avait encore fait de remarque sur sa manière de boire. Plongée dans les soirées sordides depuis la fin de son adolescence, Blanche ne s'était jamais posé de question quant à la nature de son comportement face aux boissons alcoolisées. Bercée par les films depuis sa plus tendre enfance, elle s'était inspirée de beaucoup de scènes pour en rythmer sa propre vie. Les boissons et les drogues étaient obligatoirement compris dans la close que constituaient l'adolescence et la vingtaine. Il était encore une fois question de la normalité confondue avec le l'anormalité répétée; mais ça, Blanche ne le savait pas.

« Est-ce que je me permets de faire des remarques sur ta consommation de clopes au quotidien? Qu'est-ce que vous avez tous à vouloir me faire me remettre en question? »

« Tu démarres vraiment au quart de tour, relax, je ne dirai rien à tes amis si ça peut te rassurer. Dis-moi Blanche, tu faisais quoi avant que j'arrive? A part t'enfiler ces deux bouteilles?»

Blanche alla s'asseoir sur son canapé, le coude sur l'accoudoir et sa tête posée sur sa main.

« Matthias j'ai besoin que tu répondes à certaines questions pour moi. Ça m'aiderait grandement pour mon travail. »

Ce dernier traîna une des chaises de la salle à manger pour la poser en face de Blanche avant de s'y installer.

« Tu m'as invité pour répondre à ton interrogatoire? »

« Je t'ai invité pour passer du temps avec moi. J'ai besoin d'avancer dans un projet parce que je me sens étouffée là dedans quand je n'avance pas. Allez Matthias, promis ça ne prendra pas toute l'aprem. »

« Ça va, je t'écoute. »

Blanche ouvrit le carnet qui était posé sur la table du salon, un stylo en bouche, elle prit une longue inspiration avant de commencer son interrogatoire.

« Bien, as-tu déjà eu envie d'en finir? »

« Sonia m'a dit que tu travaillais pour une maison d'édition, pas que tu étais psychologue.. Mais non, l'idée ne m'est jamais venue. »

« Pourquoi? »

« Pourquoi quoi? »

« Qu'est-ce qui te pousse à rester? »

« Je ne comprends pas ce que tu cherches comme réponse, Blanche. J'ai un travail, un groupe de musique, des amis, des projets et une famille. Pourquoi donc voudrais-je partir et quitter tout ce que j'ai entrepris dans la vie? »

Blanche soupira discrètement, les yeux rivés vers le parquet, elle menait une bataille pour que les larmes ne lui coulent pas sur le visage. Toutes les questions qu'elle avait en tête n'avaient plus aucun sens maintenant que Matthias lui avait donné ses raisons. Pourquoi partir quand il y a encore tellement de choses à faire? Tous ces projets commencés qui n'attendent qu'une chose : d'être développé à leur plein potentiel. Comment pouvait-il laisser passer cette chance?

Mais avait-elle les mêmes ambitions? Qu'en était-il de ses projets à elle? Était-elle si attachée à sa famille?

Blanche ne pouvait s'empêcher de se demander pourquoi les personnes interrogées justifiaient leur envie de vivre par leur carrière, leurs exploits et leur lien avec leur famille, leur conjoint ou encore leurs amis. Était-il si inconcevable qu'une personne se suffise par sois-même? Pourquoi ne pouvions-nous pas simplement être satisfait d'exister? Qu'avons nous à prouver et à qui devons nous notre avancée dans la vie?

Et si Matthias n'avait plus aucun critère qu'il venait de citer?Se serait-il laisser tenter par le néant et l'oubli?

Le repos et la quête d'une dernière expiration.

Blanche referma son carnet, le regard fixé sur son interlocuteur et les poings serrés.

« Et si ce n'était plus le cas? Si tu n'avais plus tout ce que tu viens de me citer? Tu sauterais le pas? »

Matthias ne répondit pas tout de suite, confus par la question et le ton de la voix de Blanche. Cette dernière reprit alors la parole, consciente qu'il ne saurait quoi répondre.

« Pourquoi es-tu si dépendant de tous ces facteurs extérieurs? C'est ce qui te rassure dans ta vie? Est-ce que tu te considère méritant de vivre car tu as su remplir et cocher toutes les cases? »

« Bien sûr que ma propre personne me suffit, Blanche! Je suis en pleine santé, je suis jeune, j'ai tellement de choses à vivre. Et même si la vie venait à me retirer tout ce que je venais de te citer et bien je repartirais de zéro. Pas toi? »

Blanche leva ses jambes sur le canapé de sorte à ce que ses cuisses soient contre son ventre et que ses bras enlacent ses tibias, la tête posée entre ses genoux.

« Bien sûr, mais j'ai vraiment envie de repartir de zéro! »

« Tu veux changer de ville? »

« Non changer de corps. »

« Blanche tu es ridicule de complexer ainsi sur ton corps, t'es vraiment une fille magnifique. C'est James qui t'as fait comprendre le contraire?»

Un léger rire sorti de la bouche de la brune, bien sûr que Matthias n'aurait pas pu comprendre tout de suite. Et bien sûr, le prénom de James devait de nouveau ressortir.

« Si ça peut te rassurer je ne complexe pas sur mon physique et je pense qu'on peut arrêter l'interview. J'ai ce qu'il me faut. »

Matthias sorti la guitare de son étui et la posa sur sa cuisse. Il se mit alors à fixer Blanche, l'air tendre et interrogatoire à la fois, l'atmosphère de la pièce s'étant réchauffée.

« Et quelles sont vos conclusions docteur? »

« Je pense que tu as raison de croire en tes rêves parce que je te sens capable de tous les réaliser. Je pense aussi que tu as raison de t'accrocher à ceux que tu aimes. Je ne te connais pas encore assez mais ton comportement à l'hôpital m'a appris beaucoup de choses sur toi. Et je pense que les gens ont raison de t'aimer en retour, je pense que les gens comme toi doivent continuer à vivre. »

« Parce que certains ne méritent pas de continuer? »

Comment lui dire que la liste était longue? Comment lui dire qu'elle en faisait sûrement parti?

« Dis moi Blanche, je peux aussi te poser une question? »

Le visage toujours entre ses genou, Blanche pencha légèrement la tête sur le côté, laissant pendre ses longs cheveux.

« Je t'écoute. »

« Qu'est-ce qui te pousse à partir? »

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