Passer le cap

By Mia4744

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« T'es un sacré manège Blanche Tessier » Blanche a 26 ans, des amis et beaucoup d'anxiété. Elle vient de com... More

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VISUALS AND PLAYLIST
I. Blanche
II. Un rayon de soleil
III. Il faut de tout pour faire un corps
IV. Une bande de débiles
V. Un dessert amer
VI. Une haleine acide
VII. Une amie en or
VIII. Bergénie
IX.Peins moi en rouge
XI. Eaux troubles
XII. Plaies ouvertes
XIII. Au-delà du réel
XIV. Vide spatial
XV. Instruments tranchants
XVI. Message publicitaire
XVII. Identité prescrite
XVIII. Consumé.e
XIX. Anormalité monotone
XX. Désillusion romantique
XXI. Merci maman
XXII. Un pari de perdu, une pression sociale de retrouvée
XXIII. Sororité fratricide

X. Sonia

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By Mia4744

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La chambre sentait le patchouli, elle tourna sa tête vers la gauche, la bougie avait brûlé toute la nuit. T'es un génie, Sonia. T'aurais pu tout brûler.  Elle prit le téléphone posé à terre, elle n'avait toujours pas acheté de lit, son matelas était donc toujours au sol. Sonia avait l'impression que sa tête allait exploser, des frissons lui parcouraient le corps entier. Ce sentiment de malaise, elle se l'était infligée à elle-même en exagérant la veille sur les boissons alcoolisées et la drogue. Elle n'en était pas très fière mais en avait largement besoin. Elle roula ses jambes vers le côté et s'appuya sur son coude tant bien que mal pour s'asseoir sur son lit, la tête entre les genoux. Elle s'appuya sur ses cuisses et vérifia les notifications manquées sur son cellulaire. Son groupe d'amis avait parlé toute la nuit, tous soulagés de voir Sonia appliquer ses propres conseils en quittant Dylan. Horace lui avait envoyé un message privé, elle haussa un sourcil. Il veut quoi, lui?

"Si t'as besoin de parler, je suis là." , lui avait envoyé le grand blond.

" C'est pas de parler dont j'ai besoin, je te rappelle que j'étais aveuglement fidèle à Dylan et que ça faisait un mois qu'on s'était pas vu."

Elle appuya sur sa bulle de conversation avec Blanche, elle n'avait pas grand chose de prévu et avait besoin de se changer les idées. Sonia était persuadée que ce serait le cas son amie également, le rendez-vous avec son collègue s'étant extrêmement mal passée, elles étaient toutes les deux de pauvres petites âmes frustrées.

"Imposs' je vois ma cousine pour sa robe de mariage, tu te souviens?"

Sonia se frappa le front, elle le savait, elle avait juste oublié.

" Et ce soir?"

" Olivier m'a invité à boire un verre."

Pareil, oublié. Elle déposa son tel sur son matelas blanc et se leva difficilement. Elle fouilla dans un des sacs de courses posés à terre et en sortit une serviette de bain. Elle embarqua son baffle, son téléphone et se dirigea vers la salle de bain. Sunlight On your skin de Cassyette joué à fond pendant qu'elle passa ses mains remplis de shampoings dans ses cheveux. Sonia ne savait pas encore avec qui elle comptait passer la journée, sûrement seule. Génial. Elle interrompit ses pensées en chantant fort les paroles de la chanson qu'elle avait mis sur son baffle, le timbre de sa voix était rauque mais juste. Elle était bien au courant de son don mais se faisait un plaisir de le garder pour elle; son petit secret, elle et les bouteilles de savons seraient les seuls au courant. Elle coupa l'eau et se sécha l'entièreté de son corps avant d'enrouler la serviette autour de sa poitrine, les cheveux mouillés à l'air libre.

"Yo Mariah Carey, tu veux un café?"

C'était son colocataire, Matthias. Elle était tellement préoccupée par son histoire de rupture,  son nouveau travail et la recherche de meubles en seconde main, qu'elle en avait complètement oublié l'existence. A vrai dire, il travaillait dans l'Horeca, il n'était donc pas souvent à l'appartement et ses horaires étaient chaotiques, rendant leur rencontre dans les communs impossible. Sonia avait quelqu'un avec qui passer la journée après tout, elle lui sourit.

"Volontiers."

Elle passa rapidement dans sa chambre pour enfiler un pantalon en coton doux et un sweat-shirt du concert de Justin Bieber, elle n'en était pas très fière mais elle aimait les couleurs que le chanteur avait choisi pour sa ligne de vêtements. Elle prit sa petite pochette rose à paillette et en sorti tout le matériel nécessaire pour se confectionner une cigarette. Mathias lui fit comprendre qu'il en voulait une également, elle lui en confectionna une et alluma son cylindre de tabac, assise sur l'appui de fenêtre, une jambe à l'extérieur.  Elle l'observa tirer sur sa cigarette et boire son café tout en regardant les passants dans la rue. Elle ne pu s'empêcher de laisser passer un sourire.

"C'est vraiment le pire combo qu'il puisse exister sur cette terre tu sais. Café et clope, la recette parfaite pour la mauvaise haleine."

"Heureusement qu'on compte pas s'embrasser alors."

Sonia se mit à rire, elle ne s'attendait pas à cette réponse. Il avait de la répartie, ça l'amusait. Ce n'est pas comme s'il voulait vraiment le faire, si? Reprends-toi Sonia on est pas dans une New Romance, tu ne vas pas te taper ton coloc.

"Tu restes à l'appartement aujourd'hui? Tu penses que ça te dérangerait si je jouais un peu de guitare?"

Les yeux de Sonia se mirent à rouler, si loin, qu'elle pensait être capable de voir l'intérieur de sa boîte crânienne. Bien sûr que Matthias jouait de la guitare, si cliché. Cependant, elle voulait apprendre à le connaître, c'était son colocataire et elle lui avait parlé une fois ou peut-être deux. Il s'appuyait contre l'appui de fenêtre, clope à la bouche, une main proche de l'entre-jambe de Sonia car elle avait enjambé la fenêtre. Il n'y avait aucune tension entre eux-deux,  ils fumaient simplement leur cigarette du matin ensemble. Il était grand, les cheveux châtains cendrés lui tombant sur les yeux, il avait un piercing à la lèvre et une dizaine aux oreilles.

" Tu fais parti d'un groupe ou quoi?"

S'il répond oui, je saute. Sonia fixa la ruelle en bas de sa fenêtre, prête à recevoir sa sentence, à rejoindre son père si ça lui permettait de ne plus devoir parler au mec le plus cliché qui existe sur cette terre.

"On enregistre quelques sons avec des potes, oui."

Sonia fixa le ciel, elle s'était dégonflée mais n'avait quand même pas donné de réponse. Désolée papa, j'aime beaucoup trop cette vie que pour te rejoindre dans la tienne. Ce n'est pas comme si elle avait un réel problème contre les mecs qui font de la guitare, Angelo en faisait, il était très doué d'ailleurs. Elle avait un réel problème avec les choses qui ne sortaient pas de l'ordinaire, à quoi bon les raconter si tout le monde expérimentait la même chose? La réponse au sens de la vie n'était-elle pas censée être propre à chacun? Elle n'avait aucune envie de se retrouver dans un groupe de copines anonymes qui se plaindraient d'un type un peu edgy, piercing à la lèvre et guitariste. Mais bon, qui est-elle pour juger? Elle est sortie avec un canadien qui faisait du hockey et qui l'a trompé à la première occasion, plus cliché? Impossible. Elle même ne sortait pas réellement du lot, parisienne travaillant pour une marque de luxe, fan de mode, fumeuse et adoratrice de vin, surtout le rouge. Alors comment expliquer cette envie de toujours vouloir expérimenter ou d'être quelqu'un qu'on a pas l'habitude de croiser? Il est certain que tout ce qu'on ne connaît pas nous intrigue, on veut apprendre, on veut savoir afin de pouvoir, à notre tour, faire apprendre aux autres et devenir cette intrigue, ce savoir. Sonia veut être inoubliable, elle veut tout vivre et pouvoir le raconter.

" Du coup, ça ne te dérange pas?"

" Non, hâte d'entendre ce que tu sais faire."

Sonia croisa ses bras contre sa poitrine et s'appuya contre le mur derrière elle, elle fixa Matthias d'un air à vouloir lui donner le défi de l'étonner.

" Je peux t'apprendre un morceau?"

Elle écarquilla et cligna des yeux plusieurs fois, alors ça pour de la surprise, elle s'attendait à être le public, pas l'artiste.

" J'ai jamais touché à une guitare, sauf pour péter celles de mes ex."

C'était au tour de Matthias de rouler des yeux, Sonia était en constante recherche de quelque chose de nouveau et d'original mais elle même n'était pas si imprévisible. Elle le comprit dans l'expression de son colocataire et sa réaction lui brisa le coeur, elle le fusilla du regard pour lui faire comprendre qu'elle avait tout vu.

" Désolé, je savais pas que je vivais avec une bad girl." ses doigts imitant des guillemets.

" Je te jure que si tu me sors encore une phrase du genre, rappelle moi de ne jamais sortir avec toi comme la phrase que tu m'as sorti tout à l'heure, je saute par la fenêtre."

Matthias la regarda amusé, son piercing attrapait chaque rayon de soleil pour les faire réfléchir sur son anneau en argent. Il prit alors un ton un peu plus sérieux.

" J'ai pas besoin que tu m'en rappelles par contre. Bon allé, je vais t'apprendre un morceau comme ça tu feras aussi parti de ces clichés."

Offusquée, elle marqua un temps de pause avant de sauter de l'appui de fenêtre, si elle ne tenait pas tant à la vie, elle aurait sauté de l'autre côté de la façade. Mais Sonia voulait apprendre et étonner ses amis quand elle les verrait, elle avait hâte de voir la tête que ferait Angelo une fois qu'elle gratterait à la guitare.

Matthias revint de sa chambre sa guitare en bois foncé à la main, c'était une guitare acoustique. Mais cela, Sonia ne pouvait pas le savoir.

Bien que les explications de son colocataire aient été super claires, elle avait beaucoup de mal à retenir le nom des cordes et l'ordre dans lequel elle devait les utiliser. Ses longs ongles ne l'aidaient pas à faire sortir des sons justes de l'instrument, la raideur des cordes lui tranchait la peau fine de ses doigts. Elle perdit patience et lui demanda ce qu'il pouvait bien aimer dans cet instrument de torture.

" On a chacun nos petits instruments de torture préférés, non? Je t'ai bien vu me juger quand je t'ai parlé de mes passions. Je ne sais pas ce que tu recherches vraiment Sonia mais sache que tu vas te perdre dans cette constante avidité de trouver quelque chose d'unique. "

" Un homme qui suit la foule n'ira jamais plus loin que la foule. Un homme qui marche tout seul a plus de chance de se retrouver quelque part que personne n'a encore jamais vu. Tu connais? C'est d'Alan Ashley-Pitt." rétorqua-t'elle d'un ton sec, crachant son venin.

"Si tu veux jouer aux phrases cul-cul la praline que tu trouves sur internet, tu as déjà regardé Fight club? Tu n'es pas spécial, tu n'es pas un magnifique et unique flocon de neige. Tu es la même matière organique vouée à pourrir que les autres. On fait parti du même compost. Je connais plus trop la suite mais ça m'a vraiment parlé. Après, je suis pas d'accord avec tous les points mais si t'essaies d'être unique, ça marchera pas, tu fais juste partie des huit autres milliard de connard qui polluent cette terre. Par contre, si tu veux être originale, tu peux et tu l'es. C'est pas dur, il y a pas deux Sonia El Yafiq, comme il n'y a pas deux Matthias Rolland. Je suis entrain de t'apprendre à jouer de la guitare alors vois un peu notre vie comme un instrument? Tu peux essayer de sortir du lot, alors tu n'accordes pas ta guitare mais le son est strident, dérangeant mais pour certaine personne, c'est un délice pour les oreilles. Mais si tu accordes ta guitare ça veut juste dire que tu as trouvé le bon compromis pour que tes notes sonnent juste. Si t'es au bon endroit avec les bonnes personnes et au bon moment, c'est ce que tu as suffisamment joué avec la tension de ta corde pour pouvoir jouer toutes tes notes. Tes notes étant.. je ne sais pas ta volonté de vivre? Et puis regarde le nombre de cover de guitare qu'il y a sur YouTube, de la même musique et pourtant chacune est différente, chacun laisse sa signature. C'est parce que même si on fait la même chose, on ne la fera pas de la même manière. Demande à un couple d'amis de te raconter l'exacte même soirée, chacun aura une version différente, une perception différente, ce qui rend l'explication encore plus enrichissante. Nous sommes un puit à perception et à interprétation. Rechercher de l'originalité toute sa vie, c'est fatiguant. Crois-moi, je l'ai fait. Et je peux t'assurer que les sons sont bien mieux quand tu fais comme tout le monde et que t'accordes ta putain de guitare."

Matthias était tout ce que Sonia rêvait d'être, un vrai puit à savoir, une oreille mais également un grand conseiller. Elle ne répondit pas tout de suite, essayant d'intégrer tout ce que son colocataire venait de lui dire, chaque mot, chaque phrase tout sonnait comme un son, comme des notes, chacune composant une gamme, sa gamme. Elle sourit, et le tapota de l'épaule. Aucun moyen de rivaliser avec ce qu'il venait de lui dire, elle ne voyait pas cela comme un concours mais comme une leçon. Elle n'a peut-être pas appris à jouer de la guitare mais elle a appris à raccorder sa vie, à lui donner un peu plus de sens et à se contenter d'explorer chaque facette de sa propre personnalité. La vie est belle, encore plus belle quand on sait que Sonia en fait parti.

"Tu veux sortir ce soir?" ajouta-t'il.

"Désolée Gandhi, j'ai un date ce soir."

Il roula de nouveau les yeux, exaspéré, il n'était pas réellement certain que Sonia avait compris ce qu'il essayait de lui expliquer en l'écoutant l'appeler Gandhi. Mais il la laissa faire, après tout, ils vivaient ensemble, des tensions inutiles, il pouvait s'en passer.

En réalité, Sonia n'avait aucun plan pour ce soir. Mais qui a besoin de quelqu'un pour sortir? Surtout après un discours pareil, elle se sentit prête à redécouvrir Paris, seule sans aucun commentaire extérieur qui risquerait de lui altérer sa propre expérience. Elle voulait pouvoir rentrer de la soirée et raconter sa version des faits, rencontrer de nouvelles personnes, écouter leur version de Paris et de la vie. Elle prit la peine de vérifier l'heure et ses messages manqués. Horace avait répondu à son message.

« Quelle heure? »

Sonia ne savait pas si Horace était sérieux ou s'il rigolait avec elle, de toute les manières, elle n'avait pas envie de le voir pour l'instant. Il était son meilleur ami, les mecs pansements ça se trouve ailleurs.

L'endroit pour sa soirée lui importait peu, la ville était pleine de club et de bar. Paris serait bondée au soir car c'était un samedi, elle n'était donc pas anxieuse. Elle s'arrêterait au premier bar qu'elle trouverait sympathique, se prendrait un verre, taperait la discussion avec le barman avant de pouvoir, qui sait, continuer avec une autre personne, ou peut-être que Sonia voulait être seule, elle le verrait sur le moment.

Elle décida de sortir le grand jeu, robe courte bleue métallique à sequins, bottines argentée et un blazer de la même couleur. Un trait d'eye-liner et notre brune à la peau halée était prête pour s'aventurer dans les rues de la capitale. Elle ne croisa pas son colocataire une fois sortie de la chambre, elle regrettait de ne pas lui avoir donner un aperçu de son plein potentiel. Elle se rappela alors des paroles de ce dernier, elle devait arrêter d'essayer de prouver quoique ce soit. Elle déambula les marches de son immeuble, le bruit du choc de ses talons sur le parquet en bois à chaque palier. Il faisait froid, plus que ce qu'elle ne pensait. Impossible de voir quoique ce soit à cinq-cent mètre à la ronde à cause du brouillard. Les gouttes en suspension dans l'air lui frisaient les cheveux; l'humidité, un des pires ennemis de Sonia, juste après la banalité. Tout le quartier était de sortie ce soir, particulièrement la tranche d'âge de nos protagonistes. Tous avaient troqué leurs vêtements décontractés pour des paillettes, dans l'espoir d'oublier le quotidien. Sonia s'enfonça dans la première bouche de métro sur son chemin, son abonnement scanné, elle ne dut pas attendre longtemps avant de voir son transport arrivé. Un groupe de filles avait élu domicile dans le fond du wagon, bruyantes, ces dernières l'exaspéraient. Elle ne pu cependant s'empêcher de tendre une oreille lorsque l'une d'entre elles parla des plans pour la soirée. Après tout, Sonia n'avait pas de réels objectifs, elle voulait simplement sortir et rencontrer du monde. La fille qui avait interpellé son attention évoqua un nouveau club dans le centre, La Rose.

Lorsque les filles sortirent du wagon, Sonia fit de même. Elle prit la peine de garder de la distance mais n'avait absolument aucune d'idée d'où pouvait bien se trouver ce nouveau club, elle décida simplement de les suivre. Elles ne durent pas marcher très longtemps, il n'était que vingt-deux heures et pourtant une file se forma déjà le long de la rue. Toute la motivation de Sonia se vu s'envoler lorsqu'elle remarqua qu'elle était la seule à attendre toute seule. Allez reprends toi, tu vas t'amuser, tu n'as besoin de personne. Elle sortit alors de sa poche son atout ultime, son téléphone. Elle n'avait toujours pas répondu à Horace et décida de lui expliquer ses plans pour la soirée.

"Toute seule? T'es sûre?"

"Absolument, j'ai vraiment besoin d'une soirée pour moi. J'ai hâte de te raconter, les gens que je rencontrerai, les verres que je boirai, la gueule de la boîte, il y a une file monstre, ça a l'air d'être un endroit de fou."

"Promets de faire attention et préviens les autres."

"Vous n'êtes pas mes parents. Mais oui je ferai attention, bisous."

C'était sur ces mots froids que Sonia mit court à la discussion avec le grand blond. De toute façon, la file avançait relativement vite et elle était déjà au niveau du videur. Une fois sa carte d'identité dégainée, elle mit enfin un pas dans le fameux club dont les filles dans le métro  faisaient l'éloge. Chaque sequin sur la robe de Sonia réfléchissait les rayons des néons rouges de la pièce, il y en avait un en forme de rose à gauche de l'entrée. Le tapis rouge de l'entrée la mena jusque l'intérieur du club, tous les fauteuils étaient en velours bordeaux et la piste de danse se trouvait un peu plus loin, chaque dalle était illuminée alternant du rose, rouge et blanc. Le bar était massif et se trouvait en plein milieu du club tel un énorme ilot. Elle prit place et se commanda un martini, classique de la part de la brune. La musique était assez forte que pour que les voix des gens s'y étouffent mais pas assez que pour lui provoquer une douleur aigüe aux tympans. Sonia sourit, déjà persuadée que la soirée allait lui plaire.

Personne ne vint lui parler pendant les premières trente minutes où elle avait fait son apparition. Persuadée que ce serait le cas le restant de la soirée,  elle se dirigea vers la piste de danse. Là-bas, il n'y avait pas moyen de savoir si les gens étaient seuls ou pas. La musique battait son plein, la foule cria lorsque le DJ passa un classique de leur adolescence et Sonia se sentit emportée par l'euphorie générale. Elle dansa en compagnie d'un groupe de filles.

" T'es toute seule? Tu veux t'asseoir à notre table? Les garçons nous attendent là bas."

Elle les suivit sans dire un mot, contente de s'être fait des amies pour la soirée.

Trois garçons en chemise les attendaient, sirotant leur bière. Ils avaient l'air plus âgés, elle se rendit vite compte que tout le monde l'était, même les filles. Difficile à dire lorsqu'elle était sur la piste et puis au final, l'âge lui importait peu, seuls les échanges comptaient. Elle se présenta en quatre secondes et un des hommes de la bande lui proposa un verre, elle accepta. Pour être totalement honnête, aucune des discussions qu'initiaient les filles étaient fort interessantes - elle comprit rapidement qu'ils étaient collègues- mais Sonia fit un effort pour suivre de son mieux. Lorsque l'une d'entre elles proposa de retourner danser, un sentiment de soulagement l'empara, elle ne pu s'empêcher de laisser passer un soupir. Etait-il nécessaire de parler travail, surtout dans un endroit pareil? Elle bu le restant de son verre de bière d'une traite et suivit le groupe de filles, cette fois-ci les garçons les accompagnèrent.

Lorsqu'elle faisait connaissance avec le groupe, Sonia ne pu s'empêcher de remarquer les regards insistants des trois hommes, assis en face d'elle. Maintenant qu'ils s'étaient tous levé pour aller danser, elle avait l'impression d'être reluquée comme le quatre heure que l'on attend depuis midi. Cette sensation d'être constamment fixée lui glaça le sang, pour la première fois depuis le début de la soirée, elle ne se sentait pas en sécurité. Il y avait tellement de monde sur la piste de danse et pourtant son angoisse lui donnait l'impression que tout le monde avait déserté pour la laisser, elle, et les trois hommes du groupe. Elle senti une main glisser le long de sa hanche avant de se poser sur sa cuisse, celui qui lui avait offert le verre était juste derrière elle. Il s'était approché si fort qu'elle sentait son érection sur ses fesses et la sensation lui donna la nausée. Pleine d'espoir, Sonia se mit à fixer du regard  les filles du groupes, pensant qu'une comprendra son désarroi mais personne ne remarqua, toutes beaucoup trop occupées à bouger leur corps au rythme de la musique.

Elle décida vite que cela en était trop et se réfugia au bar où elle recommanda un martini. La musique tambourinait dans ses oreilles mais elle lui parut bien plus forte que tout à l'heure. Malgré la distance qui la séparait de la piste de danse, son angoisse ne se dissipa guère, elle ressentait son regard, la sensation de son sexe gorgé de sang ne l'avait pas quitté. La boule qui s'était installée dans son ventre ne mit pas beaucoup de temps avant de remonter doucement dans sa gorge. Elle se mit à chercher les toilettes du regard avant de se mettre en route, elle titubait malgré elle, elle s'adossa au mur le plus proche pour reprendre ses esprits. La tête baissée et les cheveux lui cachant complètement le visage, la difficulté qu'avait son corps à fonctionner était alarmant. Sonia n'avait bu qu'un martini et une bière, par conséquent, il était presque impossible d'être déjà aussi saoule. Soudain, la musique du club ne fut plus qu'un bruit sourd en fond, elle avait l'impression d'entendre l'entièreté de ses organes internes, son coeur battait si fort, les larmes lui coulèrent atterrissant sur ses bottines argentées.

"Est-ce que tout va bien?"

La voix avait l'impression d'être à des kilomètres et pourtant, la personne se trouva juste devant elle. Elle se releva pour répondre lorsqu'elle se figea de peur. C'était l'homme de tout à l'heure, une bière en main, son regard bleu lui glaça le sang.

"Je vais bien, merci."

Sonia n'allait pas bien du tout, elle prononça ses mots avec une douleur sans nom à la mâchoire, donnant l'impression d'être complètement disloquée. Elle se mit néanmoins en route vers les toilettes car rester sur place ne présageait rien de bon. Les jambes lourdes, elle ne fit pas deux mètres avant de trébucher, évidemment il la rattrapa avant qu'elle ne se rétame au sol.

" Où est-ce que tu veux aller? Aux toilettes? Je peux t'y emmener."

Evidemment qu'il pouvait, c'était ce qu'il voulait depuis le début. Rien ne se serait passé de cette manière si Sonia n'était pas dans un étrange état second. Elle le regarda l'emmener jusqu'aux toilettes, impuissante, elle rêvait de lui mettre une droite mais ses bras donnaient l'impression de peser des tonnes. Une fois dans la cabine, l'homme ferma la porte derrière eux et Sonia ne pu se retenir une seconde de plus, elle vida l'entièreté de son estomac, les bras tremblant, elle peina à se relever. Elle le sentait, il était derrière elle, à quelques centimètres. Elle entendit le bruit métallique de sa ceinture et la braguette de son pantalon se baisser et Sonia vomit de nouveau.

Il l'agrippa alors par les cheveux et la força à lui faire face, les jambes beaucoup trop frêles, elle dut rester sur les genoux.

"Parfait, à genou ça me va aussi, tu sais."

Chaque mot que prononçait son agresseur lui donnait la nausée, la boule qui s'était formée ne s'était pas dissipée et sa poitrine lui donnait l'impression d'être complètement compressée. Lorsque Sonia ouvrit grand la bouche pour reprendre sa respiration, elle sentit une masse affreusement chaude et dure lui obstruer la cavité buccale. Il était en elle, plus précisément dans sa bouche et chaque coup de bassin extirpa son esprit de son corps. Elle ne le vit plus en face d'elle, à la place, elle se vu elle.

Son corps s'étant complètement tétanisé par la peur, elle ne bougea pas un seul membre. Comme si, en plus de lui avoir abusé la bouche, il avait abusé de l'entièreté de ses fonctions cognitives.Elle sentit la semence, tiède et salée lui couler le long de la gorge.

Sonia si vénale d'expériences sociales, se vu devenir de par les mains de son agresseur, une personne encore plus spéciale.

L'affaire terminée, il remonta sa braguette, referma sa ceinture et quitta les toilettes laissant Sonia figée.

Les gammes défaites, chaque notes n'étaient plus que des coups dans son cerveau, chacune aussi tranchante que la précédente.

Son corps pourtant si lâche, offrit à Sonia un dernier élan de force pour sortir son téléphone de sa poche.

Blanche, je dois appeler Blanche.

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