Neptune 2

By henovaa

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Après la tempête vient le beau temps, cependant Alma l'attend encore. Trois mois après que sa vie se soit tra... More

Note de l'auteure
Prologue
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
Chapitre 24 - Ezra
Chapitre 25
Chapitre 26 - Noa
Chapitre 27
Chapire 28
Chapitre 29
Chapitre 30
Chapitre 31
Chapitre 32
Chapitre 33 - Ezra
Chapitre 34
Chapitre 35
Remerciements

Chapitre 19

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By henovaa

♪ Warrior - Demi Lovato ♪

__

Je dois l'avouer : je n'ai jamais trouvé une partie de petits chevaux aussi trépidante. La tension est à son comble et chaque duo de joueur fait tout pour l'emporter.

Nous avons tous réussi à faire sortir un cheval. Nous n'en avions que deux chacun puisque nous voulions jouer plusieurs parties, mais celle-ci dure déjà depuis deux heures. Je crois que personne n'a envie de continuer, mais ce sont nos égos qui parlent pour nous.

— Alma, c'est pour aujourd'hui ou pour demain ?

Je relève la tête. Charlie, agacé, n'est plus aussi patient qu'au début de la partie, d'autant plus que son cheval est bloqué sur la case cinq, tout comme la mienne. Nous avons beau tout tenté depuis déjà six tours, impossible de faire un ou deux. Quant à Arya et Noa, leur dernier cheval est encore bloqué dans leur écurie. Ma meilleure amie est à chaque fois sur le point de craquer, mais pourtant, elle ne veut pas abandonner.

— Désolé, lancé-je en jetant le dé.

Ezra quant à lui n'a jamais haussé le ton une seule fois. J'avoue que je m'attendais à le voir plus expressif, surtout envers moi. Après tout, il aurait pu carrément me blâmer sans retenue. Mais il ne l'a pas fait, et son calme habituel m'impressionne.

Je soupire, agacée. Le dé montre une face de trois. Charlie sourit férocement tandis que Noa récupère le carré blanc.

— Bon...

Ce n'est pas très convainquant de son coté aussi. Mais il arrive tout de même à faire cinq, ce qui vaut à Arya un faux-espoir.

— Mais ce n'est pas possible ! gémit-elle en se prenant le visage entre ses mains.
— Regarde les gagnants Arya, plaisante Tommy qui s'est bien prêté au jeu.

Je croise les doigts sous la table, ce qui arrache un petit rire à mon voisin. Complètement détendu, il me regarde en souriant.

— Je ne savais pas que tu étais aussi combattive.

— J'y ai pris goût, répliqué-je. Tu l'es aussi d'ailleurs.

— Je sais, je le cache un peu plus que toi...

Je lui souris. Ses yeux bleus me perdent un instant. Qu'est-ce que j'aime me noyer dans son regard rêveur.

— Bébé ! Tu es le plus fort ! s'écrie Charlie en se levant.

Je tourne brusquement la tête. Tommy a fait deux, ils viennent de gagner. Arya se lève en grognant sans même les féliciter et monte en flèche à l'étage. Je m'apprête à la rejoindre, mais Noa m'interpelle.

— Laisse, j'y vais. Quand c'est comme ça, elle ne veut plus parler à personne avant demain matin.

— Sauf à toi, fait remarquer Ezra en souriant.

— Bonne soirée ! Et félicitations Tommy, rigole Noa en empruntant le même chemin que sa copine.

— J'ai gagné moi aussi ! se plaint Charlie.

— Ça nous arracherait la bouche de l'avouer et tu le sais très bien, lui répond le blond.

— C'est vrai. Je m'en vais savourer notre victoire dans notre chambre, qu'est-ce que tu en penses Tom' ?

— Je dis que c'est une excellente idée, répond son petit ami, si vous voulez bien nous excuser...

Je souris et les regarde monter à l'étage en vitesse. J'ai tout intérêt à aller enfiler un casque et regarder un bon film.

— Quelle heure est-il ?

— Six heures passées. Et crois-moi, on ne va revoir personne avant demain matin.

— Ils ne vont pas manger ce soir ?

— De la nourriture ? Je ne sais pas, plaisante le blond en remettant la boîte dans l'étagère.

— Ezra ! m'écrié-je en riant.

Il sourit, fier de sa blague.

— Quoi, ce n'est pas vrai ?

— Je ne veux pas le savoir, rétorqué-je pour couper court à cette conversation. Qu'est-ce que tu comptes faire ?

— J'ai envie de regarder la télévision.

Je fronce les sourcils. C'est tout sauf ce à quoi je m'attendais. Il pourrait aller jouer dans le sous-sol, sortir se balader, aller au restaurant... Et il préfère regarder la télé.

— Sérieusement ?

— Je n'ai jamais le temps de le faire chez moi. Quand je viens ici, j'adore m'installer dans le canapé et sentir la cheminée me réchauffer en regardant un bon film.

— Quoi comme genre de film ?

— Maman j'ai raté l'avion, m'avoue-t-il en s'installant dans le canapé.

— Je ne sais pas pourquoi mais j'étais persuadée que vous aviez encore remixé le titre en québécois.

— C'est le même qu'en France ?

— Oui, si on parle bien d'un petit garçon qui rate son avion alors que toute sa famille le prend, lui sourié-je en m'installant à sa gauche.

— Trop cool. Ça te dit de le voir avec moi alors ?

— Pourquoi pas, mais avant on fait à manger.

— Je t'ai dit qu'ils ne vont pas redescendre.

— J'ai envie d'une pizza, avoué-je en lui faisant les yeux doux.

— Alma, tu as envie d'une pizza alors qu'on est dans un chalet à la montagne ?

Je hoche la tête. Il rit légèrement en secouant la sienne.

— Tu es vraiment unique.

Je ne sais pas si sa phrase a un double-sens, mais son ton de voix m'indique que sa pensée est profonde. Il finit par se relever et se diriger vers la cuisine.

— Il y en a deux surgelées. Une au bœuf et l'autre au fromage. Ça te va si on mange celle-là ? Arya pourra manger l'autre comme ça, et on garde la moitié de celle au bœuf pour les garçons.

— Bonne idée, accepté-je en sortant la plaque du four pour le préchauffer.

Arya étant de confession hindoue, elle ne mange quasiment jamais de bœuf. Elle essaie de faire de plus en plus attention, alors on tient à respecter cela. À vrai dire, je ne connais pas grand-chose de sa religion, mais je la trouve passionnante. Ses histoires me font parfois frémir, et les fêtes auxquelles elle assiste au moins une fois par mois sont toujours grandioses. On est peut-être un peu jeune pour y penser, mais j'ai hâte d'assister à son mariage parce que je sais qu'il sera époustouflant. Pour moi, les croyances sont des choses auxquelles on peut s'attacher si l'on en ressent le besoin. Personnellement, je crois que je ne suis pas croyante. La vie après la mort m'est tellement lointaine que je ne saurais dire si cela est dû à une force inconnue. Mes parents m'ont pourtant baptisé, mais je pense que c'était plus par culture qu'autre chose. Je vis comme je l'entends et pour le moment je me contente à respecter les religions de mes amis, et ça me va très bien comme ça.

— Est-ce que... Tu crois en Dieu ?

Ezra se retourne. Nous n'avons jamais abordé ce sujet, et ma question le surprend quelque peu. Il dépose la pizza dans le four et se cale contre le mur en fixant devant lui.

— Non. Sinon il ne m'aurait jamais laissé tomber.

J'acquiesce légèrement. Je vois où il veut en venir.

— Arya est heureuse, elle a toujours baigné dans cette culture. Du moment qu'elle ne le vit pas mal, je trouve que c'est bien de se rattacher à une croyance, ajoute-t-il.

— Je suis d'accord. Disons que ça ne marche pas pour tout le monde.

— C'est exactement ça miss curieuse, sourit-il.

J'échange un sourire complice avec lui, puis je me retourne en entendant le four sonner. La pizza est cuite.. Je m'empresse d'attraper un gant de cuisine, puis j'ouvre le four. Une délicieuse odeur s'en échappe.

— Hum, ça sent bon, annoncé-je en la sortant du four.

— On va se régaler !

— C'est sûr puisque tu n'as pas cuisiné, plaisanté-je.

— Je sais cuisiner, affirme-t-il en sortant une assiette et une roulette à pizza.

— Je n'ai jamais eu la chance de connaître « ta cuisine incroyable », mimé-je en faisant des parenthèses.

— Ne jamais dire jamais Alma, conclue-t-il en attrapant la pizza.

Je hausse les épaules. Il découpe la pizza en deux.
Je me charge de couvrir la moitié dans de l'aluminium pour le reste de la bande, puis nous partons nous installer dans le salon.

— J'ai oublié quelque chose, fait-il en se relevant.

— Quoi ?

Il attrape une bouteille et deux verres à vin. Intriguée, je ne peux m'empêcher d'afficher une mine décontenancée. Je m'attendais à tout sauf à ça, surtout venant de sa part. Je mords ma lèvre afin de me taire, parce que ça me démange de lui dire ce que j'en pense.

— C'est nouveau ça, fais-je remarquer.

— L'occasion est parfaite, réplique-t-il.
— On trinque à quoi ? demandé-je.

Je le regarde. Il ne me répond pas tout de suite, occupé à nous servir. Il finit par se rassoir en me tendant mon verre. Je l'attrape en frôlant ses doigts, brûlants.

— On trinque à nous, déclare-t-il en faisant taper son verre contre le mien.

— À nous ? répété-je, dans l'incompréhension.

— À Alma Myaz, la fille la plus imparfaite et parfaite que je connaisse, et à Ezra Chamy, le chum-...

— Un garçon au cœur et cheveux d'or, conclué-je en prenant une gorgée.

Je sens mes joues se réchauffer mais je préfère mettre ça sur le compte du vin. À l'aide de la télécommande qui pilote les éclairages et les volets, le blond éteint la lumière et ferme les stores. Je m'occupe de chercher le film sur le grand écran du salon. Il règne entre nous un silence familier et paisible. Pas de cris ni de tension. Juste un calme réconfortant qui me donne envie de croire en notre possible amitié.

— On a un souci, me lance soudainement Ezra.

Je me tourne vers lui et fronce les sourcils.

— Qu'est-ce qu'il y a ?

— Tu allais le mettre en français. Ça va pas ?

— Des fois j'oublie que tu es un américain, soupiré-je en cliquant sur la langue de Shakespeare.

Il sourit, visiblement fier de pouvoir profiter de son film d'enfance de la meilleure des façons. Ce sera une première pour moi, mais avec lui, toutes les premières fois sont incroyables.

Je me blottis dans le canapé. Ezra est à ma gauche, les pieds posés sur la table basse. J'ai rabattu mes jambes sous mes fesses et j'ai le dos collé au fauteuil. Le feu de cheminée crépite doucement, nous réchauffant lentement. J'arrive à suivre le film sans encombre, les sous-titres m'aidant beaucoup, mais impossible de me plonger dedans.

Je tourne légèrement la tête vers le blond. Il tient dans sa main gauche son verre de vin qu'il ramène à ses lèvres de temps à autre. Lorsqu'une scène le fait sourire, un rictus amusé se forme au coin de sa bouche. Ses yeux s'animent en suivant le cours du film, faisant passer son regard azur comme si c'était un éclair. C'est presque irritant de le trouver aussi sexy par de simples gestes.

Il tourne brusquement sa tête vers moi.

— Tu as froid ?

Je hoche la tête, incapable de parler par peur de briser ce moment si incroyable à mes yeux. Il attrape un plaid posé sur le fauteuil à bascule et me couvre avec. Je le remercie d'un sourire et m'emmitoufle dedans.

— Je pensais que le vin allait te donner chaud, me dit-il dans un petit rire.

C'est autre chose qui m'enflamme là maintenant, pensé-je.

— Je n'y ai presque pas touché, répondis-je en souriant.

— Tu ne m'en veux pas si je te le prends alors ?

Je secoue la tête en tentant d'arborer un léger sourire qui disparaît aussi tôt lorsqu'il se reconcentre sur le film. Je n'arrive pas à m'y faire. Quelque chose cloche, ce n'est pas normal. Il avait un rapport tellement difficile à la boisson que je ne comprends pas pourquoi il a commencé à boire. C'est insensé.

— Ezra, pourquoi est-ce-...

Je m'arrête net. Il s'est assoupi. Sa tête penche lentement à gauche. Ses boucles s'éparpillent de part et d'autre de son visage, et il respire doucement. Je souris légèrement. Il est adorable dans cette position.

J'éteins la télé et je l'allonge doucement, de sorte à ce que sa tête puisse se reposer sur le coussin. Je déploie le plaid sur ses jambes et je le laisse se reposer. Peut-être qu'il me rejoindra dans la nuit, pour le moment je ne veux pas le déranger.

Il fait nuit. Je décide de monter à l'étage afin de voir si mes amis sont occupés, mais lorsque j'arrive dans le couloir, les chambres sont étonnamment silencieuses. Ils doivent probablement dormir ou regarder un film, mais quoiqu'il en soit, je ne veux pas m'interposer dans leurs moments. Je pousse la porte de ma chambre et je m'étale sur le lit en soupirant un bon coup. Je ne suis pas fatiguée. Peut-être qu'après avoir pris une bonne douche je pourrais m'installer confortablement et continuer ma lecture. En ce moment, je dévore le nouveau livre d'Estelle Maskame – pour ne pas changer -, et je ne trouve pas souvent le temps nécéssaire pour le terminer d'une traite comme j'ai l'habitude de faire.

Je me relève et me dirige vers la salle de bains. Sincèrement, je n'en ai jamais vu d'aussi grande. Quand on y entre, il y a sur le côté un meuble en bois clair avec deux vasques en pierre blanche. Cela contraste avec le carrelage gris de la douche italienne, située un peu plus loin. Et la surprise se trouve au bout des trois petits escaliers qui mènent à l'agrandissement de la pièce. Le père de Charlie a installé un jacuzzi en bois dans le renfoncement. C'est tellement apaisant de trouver ce jacuzzi qui donne directement sur les pistes de ski. Grâce à la fenêtre on aperçoit presque le bout du nez des montagnes.

Je n'ai qu'une envie : faire bouillir l'eau sur mon corps et sentir les petites bulles éclater autour de moi, mais impossible. J'aurais trop peur que quelqu'un me surprenne.

Je fronce les sourcils : personne ne peut venir, ils sont tous occupés et encore mieux, le blond qui partage ma chambre est en train de dormir en bas. C'est l'occasion parfaite !

Je retire mon jean, puis mon collant et je fais valser mon col roulé au sol. J'active les jets d'eau et je cale ma tête contre le bois.

— Ça valait vraiment le coup, soupiré-je, ravie de pouvoir profiter d'un moment comme celui-ci.

Seul le bruit des bulles et de l'eau me parviennent. Je passe doucement mes doigts le long de mes bras, rencontrant quelques fois des petites bosses. Je déteste les regarder, mais je me surprends à les examiner sous l'eau. Grâce aux projecteurs, les petites marques paraissent minimes, même si les plus récentes sont rouges sanguines.

C'est difficile de mettre des mots sur ce que je ressens. Il y a des moments où j'aimerais hurler ce qu'il se passe dans ma tête pour que l'on vienne m'aider, mais je sais que je ne dois pas passer par d'autres personnes pour me sentir mieux. La honte m'enivre et se déchaine de toute part. J'ai peur de ce que l'on pourrait penser de moi, puisque j'ai toujours eu tendance à montrer que je suis courageuse. C'est insupportable de vivre avec une étiquette collée sur votre dos en permanence alors que vous n'avez qu'une seule envie, c'est de la déchirer.

La mutilation c'est quelque chose de grave, je le sais. Ce n'est pas normal de devoir se bousiller la peau parce que notre esprit nous hurle d'agir ainsi pour expier sa détresse. Mais ce n'est pas de ma faute si je ne peux pas le contrôler. C'est une force que je n'arrive plus à maîtriser tant elle me dépasse. La honte, la prise de conscience et l'avis de mon entourage : tout ceci est un cercle vicieux qui me pousse à ne jamais m'arrêter, parce que c'est ce qui me permet de me maintenir en vie, d'une certaine manière.

Un bruit sourd provenant de la chambre me fait sursauter. Mon cœur accélère sa cadence d'un seul coup, faisant affluer le sang dans mes membres qui au lieu d'agir préfèrent s'enfoncer dans les bulles.

Quelqu'un est là.

— Tu profites du jacuzzi toute seule ? Je vais le dire aux autres, entendis-je au loin.

Je ferme les yeux. Mes doigts se crispent lentement sous l'eau. Ezra arrive à ma hauteur. Il s'arrête juste devant les escaliers.

— Tout le monde était occupé, bafouillé-je.

Je suis tendue et il va le ressentir. Il faut que j'invente un truc, n'importe quoi.

Mais rien ne me vient. Il me sourit et s'étire.

— Je rigole, honnêtement je croyais que tu étais descendue à la salle de jeux pour lire. Je peux te rejoindre si tu es d'accord ?

— Non, répondis-je d'un ton froid.

Il fronce les sourcils. Je baisse immédiatement les yeux. Ma réaction le surprend, et il y a de quoi après tout ce que je lui ai dit aujourd'hui.

— Je comptais sortir, tu pourrais me passer un peignoir s'il te plaît ?

— Je vais voir si je peux te trouver ça, réplique-t-il en disparaissant un instant.

J'ai envie de pleurer. Là tout de suite, c'est la première chose que j'ai envie de faire.

— Désolé il n'y en a pas, je t'ai pris une serviette, lance-t-il en revenant vers moi.

Il me la tend mais je ne l'attrape pas. Amusé, il me regarde d'un drôle d'air, ne comprenant pas pourquoi je n'en veux pas.

— Je suis en sous-vêtements et l'eau les a rendu transparents.

— Il y a quelque chose de nouveau que je n'ai pas encore vu ? Attends, je sais, tu as fait le même piercing que les filles la semaine passée.

— Non, rien du tout je t'assure, tenté-je de le convaincre. C'est juste que-...

— Je comprends ne t'inquiètes pas, je te la dépose là, me fait-il en la déposant sur le petit tabouret qui permet de descendre.

— Merci Ezra, lancé-je dans un soupir, soulagée.

Dès qu'il a le dos tourné, je me lève et l'attrape immédiatement. Je m'enroule dedans en tentant de garder les bras immobiles le long de mon corps, ce qui me fait perdre l'équilibre. Mes pieds mouillés glissent maladroitement sur le tabouret en plastique et mon pied vient taper le coin du jacuzzi. Je m'éclate sur le sol en poussant un juron.

— Putain !

Mais la douleur est minime face à ce que je rencontre en levant la tête. Son regard m'immobilise, comme si j'étais un enfant pris sur le fait.

Ses yeux ronds fixent mes avant-bras en silence, et son incompréhension se traduit par ses sourcils froncés et sa bouche ouverte. Il ne dit rien, il se contente de me fixer sans m'aider à me relever tant le choc est brutal.

Honteuse, je me relève et ramasse la serviette. C'est à ce moment qu'il retrouve enfin la parole. Il attrape le minuscule tissu blanc de mes mains et le jette au sol.

— Qu'est-ce que c'est ? Pourquoi tu as toutes ces traces ?! s'écrie-t-il en les retournant vers lui.

Je crois qu'il est tellement absorbé par mes poignets qu'il ne remarque même pas que je suis à moitié nue. Mon soutien-gorge ne cache clairement plus rien et je sens ma peau se tendre malgré moi.

— Laisse tomber, lancé-je en me dégageant de son emprise.

Je tente d'avancer vers les escaliers, mais il me barre le chemin. Je commence à suffoquer, j'ai besoin de sortir d'ici. Je suis plus que vulnérable et j'ai tellement honte qu'il me voit ainsi.

— Est-ce que tu te fais du mal ?! me demande-t-il, fou d'inquiétude.

— Tu dis n'importe quoi ! hurlé-je presque, laisse-moi sortir !

Il m'attrape brusquement par les épaules et me tourne vers lui, m'obligeant à affronter ses yeux bleus peureux. Je ne l'ai jamais vu aussi inquiet et ça me fait frissonner. Il ne comprend pas et je le sens rien qu'à son regard. Il me tétanise, alors je me contente de le repousser.

— Fous-moi la paix !

— Je ne te laisserais pas tranquille, si tu penses une seule seconde que je vais fermer les yeux sur ce qui est en train de se passer... me dit-il en étant parfaitement calme. Tu ne vas nulle part, je te quitte pas. Et tu vas me dire de quoi il s'agit parce que je suis en train de devenir fou, continue-t-il d'un ton autoritaire.

— Mais pour qui est-ce que tu te prends ? Tu crois que tu es mon père ou quoi ?! Je n'ai pas besoin de toi ! m'écrié-je en pointant mon doigt contre son torse, je n'ai besoin de personne ! Et surtout pas de toi, Ezra ! aboyé-je en sortant en trombe de la salle de bains.

Je claque la porte sans ménagement et je retire immédiatement mes sous-vêtements qui me brûlent presque la peau. Les perles salées roulent sur mes joues sans pouvoir s'arrêter. Je suis en train de vivre mon pire cauchemar. C'était ce que je redoutais le plus au monde.

Je n'aurais jamais imaginé qu'il l'apprendrait, et encore moins en premier.

Je ne sais plus quoi faire. Là maintenant, j'ai envie de m'enfuir et de rouler jusqu'à chez moi, mais c'est sûrement la pire solution. Il faut que je l'affronte au moins une dernière fois.

Alors je décide d'attraper un t-shirt et une culotte dans l'armoire et je tire ma valise. J'y avais caché des bandages au fond que je m'empresse d'attraper. Je les enroule autour de mes poignets du plus rapide que je peux en serrant très fort.

Comme si cette simple action m'avait épuisée, je m'écroule sur le lit sans un bruit. Mes sanglots m'empêchent de reprendre une respiration normale. Je m'enroule dans les draps que je serre fort contre moi, comme si ceux-ci allaient me protéger de la vérité.

La porte de la salle de bains grince doucement. Je l'entends soupirer sur le seuil. Je me tourne de l'autre côté et je ferme les yeux. Ses pas résonnent sur le parquet dans un silence chargé de sous-entendus.

— J'ai tellement peur de te perdre, entendis-je au loin.

J'ai sûrement dû l'inventer, il n'a pas pu prononcer ça. Il caresse délicatement mes cheveux et je me laisse emporter une fois de plus loin de lui, tentant d'apaiser mes blessures dans les bras de Morphée.

***

— Lâche-là ! Tu vas la tuer ! Ne la touche pas !

J'ouvre subitement les yeux, affolée. Mon cœur tambourine au creux de ma poitrine. Je tourne la tête en sentant des remous à ma gauche. Soudain, un cri retentit. Ezra se secoue et vient d'hurler. Il semble être en nage et se tortille dans tous les sens, comme s'il tentait d'échapper à son rêve, en vain.

— Va-t'en ! Non !

— Ezra ! m'écrié-je à mon tour, ouvre les yeux !

Je le secoue violemment. Il se redresse enfin, à bout de souffle, son regard divaguant de tous les côtés. Je ne sais pas comment réagir. Je ne peux pas penser sans mon cœur maintenant, c'est impossible.

— Il allait la tuer, il allait la tuer, répète-t-il, j'ai rien pu faire, je-...

— Tout va bien, fais-je en prenant son visage entre mes mains, tu m'entends ? C'est moi Alma, tout va bien, je suis là. Tu es en sécurité, on est à la montagne avec les copains, tu te souviens ? C'était juste un cauchemar.

Il hoche difficilement la tête et se cramponne à mon t-shirt, sa tête calé contre ma poitrine. Il me serre si fort que je peine à reprendre mon souffle, mais peu importe. Je caresse doucement ses boucles et tente de l'apaiser.

— Tu ne pars pas Alma, tu restes là ?

— Je ne bouge pas d'ici, sussuré-je.

— Je n'arrive jamais à la sauver... murmure-t-il.

— Ne pense pas à ça, rendors-toi, tu veux bien ?

— J'y arrive pas, je ne peux pas, me répond-il en relevant ses yeux brillants  dans les miens.

— Cale-toi comme tu veux, d'accord ? Je m'adapterai.

Il me fait basculer entre ses bras, et je me retrouve plaquée contre son torse nu. Ce contact imprévu me perturbe, mais je ne dis rien.

— C'est correct pour toi ? souffle-t-il contre ma tempe.

— Pas de soucis, rendors-toi, je reste là.

Ses traits se radoucissent enfin. Il ferme les yeux et cale sa tête contre la mienne. Son souffle se fait plus bruyant, comme s'il s'apaisait et se sentait enfin en sécurité. De mon côté, je tente de comprendre ce qu'il vient de se passer. Je ne sais pas ce qu'il y avait dans son cauchemar, mais j'ai la nette impression que ce n'est pas la première fois. Il ne m'en a pourtant jamais parlé, alors que nous avons passé tant de nuits ensemble. Il me disait souvent qu'il adorait dormir avec moi et qu'il dormait mieux à mes côtés... Était-ce parce que j'apaisais ses nuits ? C'est pour ca qu'ici aussi, il n'a rien dit ?

— Maman... murmure-t-il, la voix éraillée.

Je caresse du bout des doigts ses joues mouillées. Ses bras entourent ma taille et me serrent un peu plus contre lui. Je prends soudainement conscience que je ne suis pas la seule à lutter avec mes démons, et pire encore, que les siens sont présents depuis bien plus longtemps...

Je ne sais pas encore ce que tu me caches Ezra, mais crois-moi que je suis prête à tout pour connaître ton secret, parce que toi aussi, tu n'as pas tout dit.

☾ ☾

Hello hello !
Je vous avais prévenu que ce chapitre allait être explosif... mais je suppose que vous ne vous attendiez pas du tout à ça :)
Maintenant que la vérité a enfin éclatée, que pensez-vous de la suite ? Comment va réagir Ezra ? Et comment Alma va-t-elle réagir elle aussi ?

On se retrouve lundi prochain, d'ici là prenez soin de vous !
Loooooove,
Anissa <3 (IG: @henovaaa)

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