Merci infiniment pour votre énorme soutien, surtout en cette dure semaine. Merci pour vos précédents commentaires. Je ne vous remercierais jamais assez d'être là et j'espère que ce long chapitre vous plaira.
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CHAPITRE 17
« Communiquer suppose aussi des silences, non pour se taire, mais pour laisser un espace à la rencontre des mots. » – Jacques Salomé
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(Brother_Kodaline)
Louis.
Accoudé à la fenêtre de la chambre de Zayn, je regarde la nuit déjà tombée et la fumée de la cigarette de Zayn s'envoler sous mes yeux. Elle brouille légèrement ma vue avant de disparaître, comme si elle faisait partie des nuages gris, presque noirs, qu'on remarque en denier lorsque notre regard se concentre sur les étoiles en train de briller. C'est souvent comme ça, d'ailleurs. On est attiré par ce qui brille, quitte à ne pas remarquer ce qui se trouve aussi sous notre nez.
Après cette journée plus que mouvementée et cette fusillade au lycée, nous sommes directement rentré chez Zayn. Enfin, directement après cette conversation avec le groupe. J'attends qu'ils envoient un message avec l'heure et l'endroit où ils veulent qu'on se retrouve tous demain, comme le lycée sera fermé. Et je tente d'ignorer la pensée qui me traverse. Celle qui tourne surtout autour d'Harry et du fait que, peut-être, j'attends également un sms de sa part. Je pourrais très bien lui en envoyer un moi-même. Mais ça serait assumer que j'en ressens l'envie, presque le besoin.
Depuis qu'on est rentré, Zayn et moi n'avons pas reparlé du fait qu'il est maintenant au courant pour le groupe de soutien et qu'il souhaite en faire partie. Pourtant je sais qu'on doit en parler, malgré le fait qu'il m'ait déjà dit en sortant du lycée tout à l'heure que ça ne changeait rien pour lui, qu'il voulait être là pour moi qu'il sache ou non les raisons de ma présence dans le groupe de soutien. Je crois qu'il ne réalise pas à quel point je lui suis reconnaissant pour ça. Parce que j'ai beau tenir à lui comme à un frère, je ne me sens pas du tout prêt à parler de quoi que ce soit. Même pas prêt à l'envisager, je crois.
-« Tu as rassuré Lucia? » Me demande Zayn après avoir soufflé sa fumée.
-« Oui, elle est partie se coucher. » Je réponds en souriant doucement.
Lucia n'a fait que m'envoyer des messages après avoir été tenue au courant de ce qu'il s'est passé au lycée. La pauvre était complètement paniquée et pleurait presque lorsque je l'ai appelé. J'ai senti mon coeur se serrer plus que jamais. Comme si je réalisais un peu plus chaque jours que je ne suis pas qu'un frère pour Lucia. Je suis tout ce qu'il lui reste. Si je viens à disparaître, tous nos rêves et nos projets pour enfin partir loin d'ici disparaîtront avec moi.
Je baisse instinctivement la tête à cette pensée et, au même moment, mon téléphone se met à vibrer. Je sors rapidement mon téléphone, l'espoir et le prénom de Harry apparaissant un peu trop vite dans mon esprit à mon goût. Mais ce n'est pas lui.
-« C'est le groupe de soutien. » J'informe Zayn en ouvrant la conversation.
-« Attends. » Il regarde par dessus mon épaule avant de continuer: « Vous avez carrément une messagerie groupée?
-Zayn... » Je soupire, le connaissant assez pour deviner la suite.
-« Ne me dit pas que vous vous envoyez des bonne nuit tous les soirs ou que vous partagez vos tenues sur la messagerie sinon je change d'avis sur le fait de vous rejoindre.
-Mais n'importe quoi, imbécile! » Je ris en lui donnant un coup d'épaule.
-« Ouf. » Il souffle dramatiquement en posant une main sur sa poitrine.
Je lève les yeux au ciel et rajoute en le regardant:
-« Tu sais, on se connaît pas aussi bien que tu ne le pense. Et les réunions du groupe de soutien n'aboutissent pas vraiment pour le moment. Personne ne s'est réellement livré sur ce qu'il vit ou ressent.
-Au moins je serais pas trop en retard en arrivant. » Plaisante Zayn en haussant les épaules.
Je pouffe et baisse de nouveau la tête alors que Zayn écrase sa cigarette dans son cendrier. Il ferme ensuite la fenêtre et on part s'asseoir sur son lit en même temps que je lis les messages du groupe où c'est Charlie et Ava qui proposent le plan de demain.
De Ava: Pour demain on pourrait se rejoindre à la plage? On ramène tous à manger et on pique-nique vers midi et demi?
De Charlie: Ça me va! Quelle plage?
Juste après, Ava envoie l'adresse exacte et je montre le message à Zayn qui hoche la tête avant de me demander:
-« Tu peux me rajouter au groupe?
-T'es sûr de vouloir faire partie de notre secte?
-Si quelqu'un me ramène des chips au paprika demain, ça se négocie. »
Je ris en secouant la tête et rajoute rapidement Zayn au groupe. Je ne lui dit pas, parce que rares sont les fois où on parle sentiments, mais ça me fait vraiment plaisir qu'il rejoigne le groupe. Ça m'angoisse aussi, parce que ça veut dire qu'il va faire les exercices avec nous et que je vais voir ses réactions tout comme il verra les miennes. Peut-être que c'est un mal pour un bien.
Louis a rajouté Zayn au groupe.
De Niall: Oh, salut Zayn!
De Manël: Ton arrivée dans le groupe se confirme ;)
De Liam: Salut
-« Qu'il sache sa joie, le sportif. » Plaisante Zayn en lisant le message de Liam.
-« Je le trouve sympa. » Je réponds en haussant les épaules.
-« J'en connais un autre que tu trouves sympa, apparemment. »
Lorsque Zayn lâche cette phrase, il aborde un sourire en coin et un regard rempli de sous-entendus. Je sens mes joues chauffer instinctivement mais je garde tout de même un air neutre, feignant de ne pas comprendre. Au même moment, de nouveaux messages s'affichent sur le groupe:
De Lenny: Salut salut Zayn et c'est bon pour moi aussi demain.
De Harry: Ça me va aussi mais mes parents travaillent et pourront pas m'emmener. Quelqu'un d'autre compte prend le bus?
De Zayn: T'inquiète Louis et moi passerons te prendre ! ;)
Mes yeux s'écarquillent en lisant le dernier message qui s'affiche soudainement sur l'écran. Je tourne rapidement la tête vers Zayn qui prend un air innocent en me lâchant:
-« Bah quoi? T'as le permis, fais profiter les autres un peu.
-Je te fais profiter de mon permis à peu près chaque seconde de ma vie, Zayn.
-Et alors? Je suis sûr que ça ne te dérange pas de récupérer Harry aussi. » Il termine avec un sourire fier.
Je le regarde, à la fois amusé et gêné. Je sens la discussion autour d'Harry arriver. Et je n'ai jamais parlé de relations ou même d'attirance avec Zayn. Alors, même si c'est mon meilleur ami, le fait que ça soit une grande première m'intimide un peu.
-« Oups... ça je ne l'avais pas prévu. » Il murmure en regardant son téléphone.
Je fronce les sourcils et regarde de nouveau les messages sous mes yeux:
De Charlie: Ne vous embêtez pas à faire un détour, on habite à côté et ma mère peut nous déposer Lenny, Harry et moi!
De Lenny: *émoji qui se tape le front*
De Charlie: ???
De Lenny: Erreur de frappe <3
De Harry: Oh et bien merci beaucoup Charlie. Et merci quand même, Zayn et Louis.
Je me retiens de rougir en comprenant le sous-entendu de Lenny tout comme je me retiens de laisser cette légère déception prendre place au creux de mon estomac. Je déteste mes réactions. Parce que ça serait beaucoup plus simple d'être indifférent, comme je me suis promis de rester. Je ne peux pas prendre le risque de croire en quoi que ce soit ou même d'imaginer plus loin que demain. Mon seul but et d'avoir cette putain de bourse et de trouver un moyen pour partir d'ici avec Lucia d'ici la fin d'année scolaire. Ce qui laisse peu de place pour le reste.
Je verrouille rapidement mon téléphone en laissant s'échapper un long soupire d'entre mes lèvres. Je retombe sur le dos contre le matelas de Zayn et ce dernier fronce les sourcils en voyant mon changement d'humeur. Il reprend un air sérieux et son regard passe de mon téléphone à mon visage plusieurs fois avant qu'il n'ose enfin me demander:
-« Alors, il représente quoi pour toi Harry? »
Cette simple question provoque des frissons le long de ma nuque. Un tas de mots me viennent à l'esprit mais c'est comme si les lettres se mélangeaient pour ne pas les laisser être affichés dans le bon ordre. Alors je me perds, encore et encore, essayant de trouver une réponse clair. Mais surtout une réponse que j'aurais le courage de dire à voix haute. Ce que représente Harry pour moi? Le premier garçon pour qui je ressens quelque chose d'assez important au point de laisser tomber des barrières que j'ai mit des années à mettre en place. Le garçon qui a prit une place dans mon quotidien sans que je ne puisse l'arrêter. Le garçon que j'ai retenu, en haut de ce balcon, et dont j'aimerais savoir les secrets même si on s'est dit qu'on avait pas besoin de se les confier. Il représente ce fameux vide qui nous attire, qui nous donne envie de sauter et de tomber amoureux mais qui, pour le moment, est beaucoup trop effrayant pour se laisser aller. Pour prendre totalement ce risque. Mais est-ce que ce n'est pas ce que je fais déjà un peu plus chaque jours? M'approcher de ce vide? En regardant des Marvel avec lui, en lui ayant confié ma dispute avec Zayn ce matin, en l'embrassant et en aimant ça de plus en plus au point de recommencer?
Ce que représente Harry pour moi?
-« Je sais pas. Beaucoup trop de choses à la fois, je crois. »
Lorsque je murmure cette réponse, j'ai l'espoir que Zayn ne m'ait pas entendu. Mais il m'a entendu. Je le vois à son sourire à la fois tendre et désolé. On a jamais parlé de ça, lui et moi. Je me demande s'il est déjà sorti avec quelqu'un auparavant? Je me souviens vaguement d'une fille dont il m'a parlé lorsqu'il avait treize ans mais rien de sérieux. Une petite-amie d'enfance mais rien de plus.
-« C'est secret, ce qu'il se passe entre vous? » Il me demande en s'allongeant sur le dos à mes côtés.
On se retrouve à fixer tous les deux son plafond et, d'une certaine manière, c'est plus facile de me confier sans le regarder.
-« On est pas en couple. » Je lui avoue.
-« Ça ne peut pas empêcher qu'il y ait quelque chose entre vous. » Il répond calmement.
C'est vrai. Et ça semble si simple dit comme ça. Pourtant rien ne l'est.
-« Ouais, c'est secret. » Je finis par répondre à sa question. « Enfin, en quelque sorte. On s'en fout un peu si le groupe le comprend. Je ne veux juste pas que ça se sache en dehors.
-Tu ne veux pas qu'on sache que t'aime bien Harry ou que tu aimes bien un mec? »
Ma gorge se noue légèrement à l'entente de la question de Zayn. Il a visé juste du premier coup. Et le silence qui suit lui donne ma réponse évidente. Je l'entends soupirer doucement mais aucun de nous ne tourne la tête pour se regarder. On continue de fixer le plafond. J'aimerais lui dire que, encore une fois, c'est plus compliqué que ça. Mais je ne peux pas. Je n'y arriverais pas. Et, d'un côté, oui, je n'assume pas.
-« Louis, t'as le droit d'aimer qui tu veux.
-Pas aux yeux de tout le monde.
-Mais tout le monde n'est pas important. Ce qui est important, ce sont les personnes qui t'entourent et qui t'aiment. Tu ne m'avais jamais parlé de ça, je l'ai appris aujourd'hui, et tu crois que ça change quelque chose à ma vie? Ou à notre amitié? T'aime les mecs, j'aime les filles, t'aime le pop corn salé j'aime le pop corn sucré...
-Attends, est-ce que tu es en train de comparer mon orientation sexuelle à du pop corn?
-Est-ce que tu m'en veux de préférer le pop corn sucré?
-Quoi?
-Juste réponds!
-Non je t'en veux pas. Enfin, c'est absurde, je m'en fous Zayn!
-Et bien moi je m'en fous que tu préfères le pop corn salé. T'aime ce que tu veux. »
En même temps qu'il termine sa phrase, je le vois tourner la tête vers moi du coin de l'oeil. Son regard se pose sur mon profil et je craque finalement en tournant la tête à mon tour pour laisser nos regards se rencontrer. Et c'est seulement à ce moment-là que Zayn rajoute:
-« Tu aimes qui tu veux, Louis. Et personne n'a le droit de t'en vouloir pour ça. »
Un nouveau silence s'installe, mais plus apaisant cette fois. Parce que c'est la première fois qu'on me dit ces mots. La première fois que quelqu'un en parle avec moi. On en a jamais vraiment parlé avec Lucia. Lorsqu'on a parlé d'Harry, elle a jamais relevé le fait que ça soit un garçon.
-« Non, en fait, je me suis trompé dans ma comparaison. » Se reprend soudainement Zayn.
Je fronce les sourcils en le regardant et il me dit avec un sourire en coin:
-« Aimer les gars, c'est normal. Mais aimer le pop corn salé ça ne l'est pas.
-Mon meilleur ami est fermé d'esprit! » Je lance dramatiquement.
Nous rions tous les deux et je sens mon coeur se réchauffer lorsque Zayn me donne un coup d'épaule. Je ne le remercie pas à voix haute mais je sais que mes yeux le font pour moi. Je me sens tellement reconnaissant de l'avoir à cet instant et j'ai l'impression que notre amitié devient un peu plus forte cette nuit.
Mon rire se calme en même temps que mon téléphone vibre à nouveau. Je l'amène au dessus de mon visage et mon estomac se retourne agréablement en voyant le prénom qui s'affiche sous mes yeux.
De Harry: Je voulais encore te remercier pour m'avoir aidé à me calmer aujourd'hui. On se voit demain et, si tu le souhaite toujours évidemment, on pourrait passer la soirée ensemble chez moi? Mes parents terminent tard et ont un repas à l'extérieur. Enfin c'est comme tu veux! A demain!
Je souris légèrement sans m'en rendre compte et, lorsque je lance un regard en direction de Zayn, il me sourit simplement sans faire de commentaires sur la personne qui m'envoie ce message. Il se contente de prendre son téléphone à son tour, cherchant une série qu'on pourrait commencer ce soir. J'en profite alors pour répondre:
De Louis: J'emmène le premier Thor demain soir.
De Harry: Avec plaisir :)
Harry ne semble pas relever le fait que mes réponses sont courtes et que je ne suis pas plus bavard par messages qu'en face. Ou alors il n'ose tout simplement pas me le dire. J'en viens presque à me préoccuper du fait que ça pourrait peut-être le blesser, ce manque d'enthousiasme de ma part. C'est seulement une façon d'essayer de garder encore un peu de recul, de la distance. Mais mon coeur qui se réchauffe et mes doigts qui tapent un nouveau message de ma part sont complètement contradictoires avec ce que j'ai dit un peu plus tôt.
De Louis: Bonne nuit, Harry.
De Harry: Bonne nuit, Louis .
Je verrouille à nouveau mon téléphone pour m'empêcher d'éterniser cette conversation. Au même moment, je tourne la tête vers Zayn qui quitte son écran des yeux pour me regarder, les lèvres pincées.
-« Quoi? » Je lui demande en remarquant son air perplexe.
-« J'ai une question mais j'ai peur que tu le prenne mal.
-Tente toujours. »
Zayn prend une légère inspiration et soupire un grand coup avant de me demander enfin:
-« Est-ce que tu sais si Harry est d'accord avec le fait d'être ton secret? »
J'ouvre la bouche, comme si j'avais une réponse évidente, mais je la referme en réalisant que je n'ai jamais laissé le choix à Harry de me dire si ça l'embêtait ou non. Je lui ai seulement dit que je ne voulais pas que ça se sache en dehors du groupe et il n'a rien répondu. J'en ai conclu que c'était réglé mais la question de Zayn me serre l'estomac à l'idée que Harry n'ait tout simplement pas osé me répondre que ça ne lui plaisait pas forcément. Ça serait un soucis de plus. M'inquiéter de mon avenir, de celui de Lucia, et maintenant du fait de faire souffrir Harry.
Mais on est pas en couple. On se l'est dit. On ne se doit rien. C'est ce que je continue de me répéter en boucle. On s'embrasse juste en secret. Pas besoin de s'afficher pour de simples baisers. Pas besoin de le crier sur tous les toits. Parce qu'il n'y a rien de plus. Il faut que je me mette ça dans le crâne. Il ne peut rien y avoir de plus.
Alors, la gorge nouée, je finis par répondre à Zayn sans le regarder:
-« Le jour où il ne voudra plus l'être, je le laisserais partir. »
Et mon coeur ne devrait définitivement pas se serrer à cette idée.
♦
(Moral Of The Story_Ashe feat Niall Horan)
Harry.
Je suis en train de terminer de ranger dans la glacière ce que j'emporte avec moi à la plage lorsque ma mère arrive avec son sac qu'elle emmène toujours avec elle à l'hôpital pour se changer sur place. Elle embrasse rapidement ma joue et pique une pomme dans la panière à fruit avant de me dire:
-« Tu es sûr que ça ne te dérange pas qu'on rentre tard ce soir avec ton père et qu'on ne mange pas ici? »
Je me pince les lèvres, me retenant de soupirer parce que ça fait cent fois qu'elle me pose la même question depuis hier. Surtout après l'évènement au lycée. Elle ne m'a pas lâchée du reste de la journée hier et était prête à annuler le repas qu'ils ont avec mon père ce soir. J'ai été surpris d'apprendre qu'ils sortaient. Même si leurs explications étaient très floues quand je leur ai demandé où ils allaient. De ce que j'ai cru comprendre, c'est un repas avec les nouveaux collègues de mon père.
-« Non, ça ne me dérange pas. » Je la rassure calmement. « Puis, j'ai invité Louis. »
Ma mère s'arrête et, pendant un instant, je redoute sa réaction. Peut-être que j'aurais dû demander son autorisation avant de proposer à Louis, c'est vrai, mais j'en ai tellement envie. J'aime passer du temps seulement avec lui. On dirait qu'une bulle nous entoure et nous fait oublier tout le reste. Même si je ne sais pas ce qu'est tout le reste pour Louis. Tout comme il ne le sait pas pour moi.
-« Louis a l'air gentil. » Elle me répond simplement.
Je souris légèrement à sa réponse, détournant le regard pour qu'elle ne voit pas à quel point je prends sa réponse à coeur. Maman sait maintenant qui est Louis. Entre la fois où il était là lorsqu'elle a fait sa crise, la fois où il a répondu à ma place au téléphone lorsqu'on était chez Niall et que j'étais trop bourré pour donner des nouvelles à mes parents ou encore toutes les fois où son prénom m'échappe lorsque je raconte ma journée ou l'avancée de notre exposé...
-« Vous avez l'air de bien vous entendre. » Elle rajoute en récupérant les clés de sa voiture.
Je hoche simplement la tête, ayant trop peur de trahir mon attirance pour lui si j'en dit trop. Mes parents ne savent même pas que je peux être attiré par les garçons aussi. Même si, là, les garçons se résument surtout à Louis. Je ne sais pas comment ils réagiraient. Pas forcément mal, je pense. Ils ont toujours été contre toute forme d'injustice et de manque de tolérance. Et la fois où Aimée nous a raconté qu'une fille l'avait dragué dans notre ancien lycée, ça n'avait pas l'air de perturber mes parents qui lui ont juste demandé si cette fille lui plaisait en retour. Elle avait répondu que non et j'ai vraiment eu l'impression à cet instant que mes parents s'en fichaient que ça soit une fille ou non qui s'intéresse à Aimée. Mais comme on en a jamais vraiment parlé, le doute plane tout de même dans un coin de ma tête.
Seule Aimée le savait et je sais qu'elle m'aurait aidé à le dire aux parents si j'en ressentais le besoin et l'envie. Mais c'est tellement flou cette relation avec Louis que, pour le moment, je crois que je préfère ne rien dire. Ils savent au moins qui c'est et l'ont déjà vu. Moi, je ne connais rien de la famille de Louis à part le prénom de sa petite soeur.
A cette pensée, je ne peux m'empêcher d'avoir l'image de Louis seul hier à la sortie du lycée. Personne n'était là pour venir le chercher. Peut-être que ses parents travaillaient? Qu'ils n'ont pas été tenu au courant de la fusillade?
-« Je vais être en retard si je ne pars pas maintenant. » Lance soudainement ma mère en déposant un billet sur la table du salon avant de rajouter: « Commandez-vous des pizzas avec Louis.
-Merci maman. »
Elle me sourit tendrement, presque tristement, avant de déposer un doux mais long baiser sur ma joue. Je sais à quel point l'angoisse monte en elle à chaque fois qu'elle doit me laisser seul. Qu'elle culpabilise de n'avoir rien vu venir pour Aimée, qu'elle se dit qu'elle aurait pu la sauver si elle n'était pas au travail ce soir là. Alors que moi j'étais là, j'étais sous le même toit, j'étais dans la chambre d'à côté et je n'ai pas pu la sauver non plus. La culpabilité me ronge plus que tout, à moi aussi. Mais j'essaie de ne pas le montrer. Je ne veux pas inquiéter encore plus ma mère. Si elle savait pour le coup du balcon, elle ne me lâcherait plus une seule seconde. Même si elle n'est pas dupe non plus et qu'elle sait que je ne vais pas bien. Je pense même que ça la rassure de savoir Louis avec moi ce soir.
Je la regarde quitter la maison et fermer la porte derrière elle, entamant une nouvelle journée comme un robot qui ne souhaite pas changer ses habitudes pour ne pas prendre le risque d'être déprogrammé et de ressentir trop fort ses possibles émotions.
De mon côté, je fais un peu pareil. Je termine de préparer mes affaires en ignorant le poids de ce petit papillon autour de mon cou. Si léger et pesant une tonne à la fois. Lorsque je reçois le message de Charlie comme quoi ils sont devant la maison avec Lenny et sa mère, j'essaie de me déconnecter du reste. Je me concentre sur l'envie de les rejoindre.
Et de retrouver Louis aussi.
♦
-« Merci maman, à toute! » Lance Charlie lorsque sa mère nous dépose au plus près de la plage.
Je resserre légèrement ma veste contre moi. On a beau être en Californie, les journées deviennent plus fraiches qu'en été maintenant que nous nous rapprochons de novembre. Mon père m'a dit qu'ils annonçaient de fortes pluies pour demain et ça contraste énormément avec le soleil qui brille au dessus de nous aujourd'hui.
-« Les autres sont déjà arrivés. » Nous annonce Lenny en regardant son téléphone alors qu'on se rapproche de la plage.
Effectivement, lorsque nous arrivons sur la plage, nous remarquons rapidement le groupe au centre de notre champ de vision, installé sur de grands draps posés sur le sable et plusieurs glacières dans un coin. Mon regard cherche instinctivement Louis que je trouve assis à côté de Zayn et de Niall. Ces deux derniers discutent mais Louis semble plutôt être en train de les écouter. Du moins, jusqu'à ce qu'on entende Ava annoncer qu'on est arrivés. A ce moment-là, Louis tourne directement la tête et surprend mon regard déjà posé sur lui. Je sens mes joues chauffer mais un sourire timide me trahit en même temps que je me rapproche.
-« Salut les retardataires. » Lance Niall lorsqu'on arrive face à eux.
-« Dis ça à ma mère qui ne voulait pas quitter la maison tant que son émission n'était pas terminée. » Répond Charlie, le faisant rire.
Ils rigolent tous les deux, sous le regard bienveillant de Ava qui sourit avant de prendre une gorgée de son jus de fruit. Mon regard retombe ensuite sur Louis qui est resté assis mais qui me regarde aussi. Je crois qu'on ne sait tous les deux pas comme réagir à cet instant. Comment se saluer. S'embrasser serait beaucoup trop direct sachant que les autres ne sont pas encore au courant, enfin à part Lenny. Et Charlie qui s'en doute.
-« Salut. » Je lance alors bêtement en déposant ma glacière auprès des autres qui sont derrière lui.
-« Salut. » Il me répond de la même façon.
Son sourire est léger mais sincère. Aussi timide que le mien, surtout.
-« Installe-toi mon pote! » Me lance soudainement Zayn en montrant une place à côté de Louis.
Ce dernier lance un regard à Zayn qui rit simplement avant de me regarder à nouveau pour m'encourager à suivre son invitation. Je ne connais pas vraiment Zayn mais, à cet instant, je le trouve soudainement sympa envers moi et je me demande si Louis lui a parlé de nous...? Mon coeur se réchauffe rien qu'à cette idée et, même si je peux me tromper, je souris instinctivement en m'asseyant auprès de Louis.
Il tourne la tête vers moi et attire mon attention vers son sac à moitié ouvert. Discrètement, il y plonge sa main pour ne sortir qu'à moitié le DVD qui s'y trouve. Thor. Je souris un peu plus et relève mon regard vers le visage de Louis en même temps que ces mots m'échappent:
-« J'ai hâte. »
Son sourire se fige le temps de quelques secondes mais, heureusement pour moi, je l'entends murmurer en même temps qu'il détourne le regard pour refermer son sac:
-« Moi aussi. »
Ma cage thoracique se remplie d'une agréable chaleur alors que mon regard scrute toujours le profil de Louis. Je le trouve vraiment beau. Et j'ai l'impression de découvrir chaque jours de nouveaux détails comme ces trois grains de beauté sur sa pommette gauche. On dirait une constellation.
-« Bon! On ne s'est pas réuni ici pour rien! » Lance Manël en tapant ses mains sur le cahier qu'elle a avec elle. « On doit reparler de la superbe idée qu'a eu Zayn hier.
-Je l'aime bien elle. » Pouffe Zayn en désignant Manël.
-« Elle, a un prénom. » Le reprend Ava.
Zayn regarde alors Ava et reprend en la désignant:
-« Elle je l'aime moins. »
Ava lève les yeux au ciel alors que Louis et moi échangeons un regard amusé. Je pense que l'arrivée de Zayn dans le groupe ne va pas être anodine.
-« Je te rappelle que t'es le nouveau du groupe. » Lui dit Liam.
-« Et? » Reprend Zayn. « Vous êtes pas censé être à fond dans la tolérance? Genre peace and love, un groupe de soutien quoi.
-Il est pas toujours comme ça. Il le fait exprès. » Intervient Louis.
Zayn rit en secouant la tête et Manël reprend un air sérieux pour annoncer:
-« Je me suis renseignée sur l'élève qui a fait la fusillade hier. Il se faisait bien harceler, sur internet surtout mais aussi dans le lycée. Il n'a pas voulu donner de nom et il a dit qu'il voulait simplement faire peur, il voulait qu'on le remarque autrement et qu'on le craigne enfin à son tour. »
Je ne peux m'empêcher de sentir mon coeur se serrer en écoutant la description de ce garçon. Surtout à la partie du harcèlement sur internet. Mes doigts glissent vers mon collier que je resserre un peu plus fort entre mes doigts, tentant de rester le plus neutre possible.
Tout le monde est redevenu sérieux, même Zayn.
-« Il ne doit pas être le seul à subir du harcèlement au lycée ou sur internet. » Intervient Liam.
-« C'est ce que je disais hier. » Reprend Zayn. « On devrait faire quelque chose pour les personnes qui ne se sont pas inscrite au groupe de soutien mais qui subissent du harcèlement quotidiennement.
-Ouais mais on peut pas le crier sur tous les toits. » Nous arrête Niall. « Si on fait simplement un appel pour rejoindre le groupe de soutien il y a bien des cons qui vont vouloir se moquer du groupe ou même l'intégrer juste pour se moquer de nous et répéter ce qu'ils entendent.
-C'est pas faux. » Acquiesce Charlie. « Déjà qu'on commence à peine à se faire confiance, on se méfierais de chaque nouvelle personne qui y entre. »
Un long silence suit ses paroles et je sais qu'on se dit tous la même chose à cet instant: elle a raison. Alors on se met à tous réfléchir de notre côté jusqu'à ce qu'une pensée me traverse. Je déglutis difficilement et prend une grande inspiration avant de proposer :
-« Zayn en a déjà parlé hier mais les personnes qui cherchent à faire du mal le font anonymement pour ne pas qu'on les reconnaisse. Alors pourquoi on ne ferait pas comme eux? Trouver un moyen d'aider ces personnes tout en restant anonyme, sans parler du groupe de soutien? »
Louis tourne la tête vers moi à l'entente de mon idée et je me pince les lèvres tout en croisant son regard. Je sens son regard scruter mon visage jusqu'à ce que Niall prenne la parole:
-« Donc j'avais pas totalement tort lorsque j'ai dit qu'on pourrait devenir des agents secrets.
-Sauf qu'on ne sait pas comment en devenir, gros malin. » Pouffe Ava.
-« Avec internet, comme ceux qui harcèlent. » Intervient soudainement Louis.
-« Qu'est-ce que tu entends par là? » Lui demande Manël.
Louis s'humidifie les lèvres et, après avoir remarqué que je suivais beaucoup trop ce geste du regard, je me concentre à nouveau sur le haut de son visage lorsqu'il nous explique:
-« Il n'y a pas meilleur moyen de se cacher que derrière un écran. Alors on pourrait créer un site où des élèves du lycée pourraient nous confier leurs problèmes, ce qu'ils subissent au lycée, tout en gardant leur anonymat. On serait les seuls à recevoir leur plainte sans savoir qui ils sont. Et on pourrait peut-être les aider, leur donner des conseils ou trouver un moyen plus tard de les convaincre de nous dire qui ils sont pour pouvoir encore plus les aider. Enfin, j'en sais rien, c'est qu'une idée.
-Une très bonne idée. » Je le reprend.
Louis sourit légèrement à ma remarque et je tente de cacher comme je peux la tristesse qui se cache derrière le sourire que je lui rend. Si seulement ça avait existé dans mon ancien lycée.
-« C'est carrément faisable! » S'exclame Zayn.
-« En plus Lenny est plutôt doué en informatique. » Précise Charlie.
-« C'est vrai que je pourrais créer un sorte de blog où on mettrait en place ce que vient d'expliquer Louis. » Il répond en hochant la tête. « Mais il faudrait trouver un moyen de faire connaitre le site. Sans que ça soit nous qui en parlions, du coup.
-Ou alors c'est nous qui en parlons mais personne ne sait que c'est nous. » Dit Liam.
-« Je te suis pas, là. » Avoue Zayn.
Liam pouffe en levant les yeux au ciel avant de se reprendre:
-« On pourrait passer une annonce à travers des papiers qu'on afficherait dans le lycée, par exemple, sans qu'on nous voit le faire. Et, Zayn, t'es pas le seul ici à avoir les clés du lycée et à pouvoir y entrer avant l'ouverture? »
Le regard de Zayn s'illumine et les nôtres avec.
-« T'es pas aussi bête que je le pensais. » Lance Zayn à Liam.
-« Euh...merci, je crois.
-On est des génies. » Lance Lenny en sortant soudainement son ordi de son sac à dos.
-« Qu'est-ce que tu fais? » Le questionne Zayn.
-« Je commence à créer le site! Il y a eu une fusillade hier, vous pensez qu'on a du temps à perdre? Et dès ce soir, j'envoie à Zayn les affiches qu'il imprimera pour les afficher demain matin avant l'ouverture du lycée.
-Attends, je vais devoir toutes les coller tout seul?!
-Je t'accompagnerais. » Dit Ava à Zayn. « J'ai toujours voulu entrer dans le lycée par infraction. »
Zayn pouffe à la remarque de Ava et nous regardons tous Lenny qui est déjà concentré sur sa mission, ne lâchant pas l'écran des yeux. On est vraiment en train de faire ça?
-« On pourrait même aller plus loin. » Propose Manël.
Nous tournons tous la tête vers elle et elle se pince les lèvres avant de dire:
-« On n'est pas en moyen d'aider tout seul ces personnes, même en leur répondant. On peut être présent pour eux mais ça ne réglera pas le problème du harcèlement. On doit afficher cet harcèlement. Le dévoiler. Comme les messages seront anonymes, on doit les partager à tout le lycée. Lorsque tout le monde sera réunis, profs et élèves, même parents profs, tout. Mais pas tout de suite, parce qu'il faut nous laisser le temps d'avoir assez de témoignages en espérant que le site fonctionne.
-Le bal d'hiver. » Lâche soudainement Charlie. « Juste avant les vacances de Noël. C'est dans un peu plus d'un mois et tout le monde y sera. Ça nous laisse le temps de réfléchir à comment partager les messages durant le bal.
-Ok. Ma vie devient une série dramatique et j'adore ça. » Commente Niall.
-« Ce groupe est plus interessant que je ne le pensais. » Pense Zayn à voix haute.
Sa remarque fait rire la plupart du groupe alors que, moi, je ne peux m'empêcher de penser aux conséquences. Est-ce que ça va réellement fonctionner? Est-ce que les gens vont vraiment nous envoyer des messages? Ou est-ce que notre initiative va être un échec et donc une humiliation de plus? Beaucoup trop de questions tourbillonnent dans ma tête et, lorsque je tourne la tête pour regarder Louis, je remarque qu'il semble tout aussi perplexe.
C'est à cet instant que je réalise qu'on a un point commun.
On ne semble pas faire confiance en l'espoir, lui et moi.
-« Avant de commencer, je dois savoir comment vous souhaitez qu'on appelle le site? » Demande soudainement Lenny.
Nous le regardons tous et une idée me vient immédiatement. Mais je ne la dis pas tout de suite. Je regarde les autres chercher et râler pour dire qu'ils ne savent pas. Alors, après avoir prit une grande inspiration, j'ose proposer:
-« Silence. »
Le regard de Louis se pose en premier sur moi. Rapidement suivi par ceux des autres.
-« On pourrait appeler le site Silence. »
Lenny sourit à mon idée et les autres acquiescent directement.
-« On va briser le silence. » Dit fièrement Charlie avec un sourire ému.
Je souris doucement, mais pas vraiment sincèrement. Je ne sais pas si j'ai le droit d'y croire.
Aimée n'a jamais su briser le silence.
Et elle n'a pas eu le droit à une seconde chance.
♦
(Never Say Never_The Fray)
Je n'ai pas été très bavard le reste de la journée à la plage. C'est plus fort que moi. Le prénom d'Aimée ne faisait que résonner dans mon esprit suite à notre idée collective de briser le silence au lycée. En fait, je n'arrive pas à croire que c'est le décès de Aimée qui m'a fait atterrir ici. Ici où aurait pu se trouver cette main tendue qu'elle attendait. Mais elle n'est pas là. Elle ne sera plus jamais là et je ne recevrais jamais un message de sa part sur ce site.
-« Tu n'as pas faim? »
Je sors de mes pensées en tournant la tête vers Louis, assis à côté de moi sur mon canapé. Nos pizzas se trouvent sur la table basse mais il n'y a que lui qui se sert depuis tout à l'heure. On a lancé Thor sur mon ordi qu'on a connecté à la télé mais je ne suis pas du tout le film depuis le début. Je suis complètement absent et je m'en veux de gâcher ce moment que j'attendais tant.
-« Pas vraiment. » Je lui avoue. « Désolé. »
Louis me regarde longuement et finit par se pencher pour récupérer la télécommande et mettre sur pause le film. Je crois qu'il sait très bien que je ne suis pas depuis le début mais qu'il n'a tout simplement pas osé me le faire remarquer. C'est plus fort que moi. Lorsque beaucoup trop de pensées me traversent, surtout lorsqu'il s'agit d'Aimée, je n'arrive plus à en sortir. Je suis physiquement présent mais j'ignore tout ce qui m'entoure.
-« Tu veux que je rentre chez moi? » Me propose Louis.
-« Non. »
Ma réponse s'échappe d'entre mes lèvres avant même que je ne le réalise. Mais je me rend compte que c'est égoïste de le vouloir près de moi alors que je ne lui apporte rien d'autre que du silence depuis tout à l'heure et même depuis cette après-midi à la plage.
-« Enfin, sauf si tu le souhaite. » Je me reprends.
Je m'attends alors à ce qu'il se lève mais Louis reste dans le canapé. Il se tourne même pour être totalement face à moi. Je relève le regard vers lui et on dirait qu'il semble hésiter, ou chercher ses mots. Et, à sa grande surprise, c'est finalement moi qui prend la parole pour lui demander:
-« Tu en pense quoi du site? Et du bal?»
Il ancre son regard dans le mien et je me bats pour ne pas loucher sur ses lèvres, surtout lorsqu'il se retrouve aussi proche de moi. On ne s'est pas embrassé de la journée, j'en viens à me demander si j'en ai toujours le droit. Je sais juste que j'en ai terriblement envie. Je dirais même que j'en ai presque besoin.
-« Tu as dit que c'était une bonne idée lorsque j'ai parlé d'un site. T'as changé d'avis?
-Non... C'est une bonne idée. Mais tu penses vraiment que les gens oseront nous envoyer leurs témoignages? »
En même temps que je lui pose cette question, je ne lâche pas son regard et il ne lâche pas le mien. Je le vois soupirer et hausser les épaules avant de me répondre:
-« J'en sais rien.
-Tout le monde n'est pas capable de briser le silence.
-On a jamais dit qu'on pouvait aider tout le monde, Harry.
-C'est injuste, de ne pas pouvoir sauver tout le monde.
-Sauver? C'est un peu fort comme mot.
-Non, c'est la réalité. » Je réponds plus froidement que je ne le voudrais.
Louis fronce légèrement sourcils mais je fuis son regard, m'enfonçant un peu plus dans le canapé. Je sais très bien à qui je pense en parlant de sauver tout le monde. C'est plus fort que moi, encore une fois. Cette culpabilité qui me ronge de l'intérieur, grattant mon coeur avec des griffes acérées et se délectant de chaque nouvelle goutte de sang qui se met à couler, attendant le jour où elle l'aura enfin complètement vidé.
-« Certaines personnes ne sont pas faites pour être sauvées. » Finit par me dire Louis d'un ton neutre.
Je me retourne vers lui et ne peux m'empêcher de lui dire:
-« Comment tu peux dire ça? Tout le monde mérite d'être sauvé!
-Je ne te parle pas de mérite. Je te dis juste que tout le monde ne sera pas sauvé et c'est comme ça.
-Et ça ne te fait rien?
-De savoir que tout le monde n'aura pas une belle fin dans la vie? Qu'est-ce que tu veux que ça me fasse, Harry? On doit déjà se démerder pour s'occuper de la nôtre alors non, désolé, je ne peux pas m'inquiéter en plus pour celles des autres. »
En l'écoutant, j'ai l'impression d'entendre un enfant qui a parfaitement apprit sa leçon. Qui la récite sans chercher à comprendre le sens. Louis n'ose plus me regarder, son regard fixé sur la télé éteinte en face de nous et son morceaux de pizza reposé dans le carton. Un lourd silence s'installe et je soupire discrètement avant de reprendre:
-« Pourquoi tu m'as empêché de sauter de ce balcon si tu t'en fous de la vie des autres? »
Je le vois se figer à l'entente de ma question. Il tourne légèrement son regard vers moi mais c'est pour le détourner aussi rapidement la seconde d'après. Je sens mon coeur se serrer et se réchauffer en même temps, dans l'espoir qu'il me dise que ce que je commence à ressentir pour lui n'est pas à sens unique.
Mais il ne dit rien. Il ne répond pas à ma question.
Alors, sans pouvoir le contrôler, et mettant de côté ma déception, je craque:
-« Je sais qu'on ne peut pas sauver tout le monde, Louis. Je ne suis pas un gamin qui n'a pas conscience de la vie qui l'entoure. Mais je ne peux pas m'empêcher de penser aux parents de ces élèves. Ces parents qui ignorent que leur enfant souffre. Peut-être même qu'ils ont des frères et soeurs. Leurs proches aimeraient que quelqu'un essaye au moins de les sauver parce que, eux, n'ont aucune idée de ce qu'ils sont en train de traverser. Imagine que ça soit Lucia qui envoie un message sur le site et que tu ignores ce qu'elle est en train de vivre, tu dirais toujours que tout le monde ne sera pas sauvé et que c'est comme ça? Qu'on doit juste accepter que des enfants, des frères et des soeurs ne s'en sortiront pas? Tu accepterais, Louis, de n'avoir rien vu venir et de perdre Lucia parce que ni toi ni personne n'a pu la sauver? »
Ma voix se met à trembler à la fin de ma phrase et Louis tourne rapidement la tête vers moi. Son regard s'adoucit et je comprends pourquoi lorsque je sens une larme glisser le long de ma joue. Ma vue se brouille et je déglutis difficilement en reniflant, toujours sous le regard de Louis. Il ne me lâche plus.
Puis, soudainement, il tourne la tête vers les cartons encore pleins au pied de l'escalier, vers les cadres sans photos posés sur les meubles. Mon coeur se met à battre beaucoup trop vite, beaucoup trop fort. Mon estomac se tord dans tous les sens et je déteste le regard attristé que Louis repose sur moi.
Juste avant de me murmurer:
-« Harry...Où est réellement ta soeur? »
Tout explose. Et pourtant tout est si silencieux. Avec un sourire triste et ravagé par les larmes, je lui murmure:
-« Elle est avec les autres personnes qu'on a pas pu sauver. »
Louis se fige et ses yeux s'ouvrent un peu plus. Je sais qu'il comprend immédiatement. Et même qu'il a comprit à l'instant où il m'a posé cette question. Mon coeur me fait atrocement mal et les sanglots que je retiens me donnent l'impression de me noyer de l'intérieur, de suffoquer sans savoir comment reprendre de l'air.
Puis, la seconde d'après, des bras m'entourent. M'entourent et me serrent de toute leur force. Louis me tient contre lui et je lâche complètement prise. Je me laisse retomber contre son torse et les sanglots s'échappent finalement de la poitrine. Tout mon corps tremble et je ne m'entend pas pleurer tant je me concentre sur les battements de coeur de Louis contre mon oreille. Jamais je n'aurais cru en me réveillant que aujourd'hui serait le jour où Louis apprend que ma soeur jumelle est décédée.
Mais je ne devrais pas être surpris. La vie m'a toujours appris que rien ne se passe comme on l'avait prévu.
Louis et moi sursautons lorsque la porte d'entrée s'ouvre soudainement. Je me redresse instinctivement, quittant les bras de Louis pour me retourner vers l'entrée où apparaissent mes parents. Je remarque immédiatement le visage fermé de ma mère et le regard attristé de mon père qui tente de la retenir par le bras alors qu'elle se dirige vers les escaliers.
-« Chérie.
-Je t'avais dit que je ne voulais pas y aller. » Elle lui répond froidement en se retournant.
Au même moment, ils remarquent enfin notre présence à Louis et moi. Comme je le craignais, ma mère voit les les larmes sur mes joues et son regard se décompose la seconde d'après.
-« Harry, qu'est-ce qu'il y a ?
-Maman c'est rien...
-Ne me dit pas que c'est rien! »
Je sursaute face à son ton soudainement froid et dur. Elle a presque crié cette phrase. Je me fige et une tonne d'émotions me traversent en même temps, montant de plus en plus en intensité. Surtout après ce qu'il vient de se passer avec Louis. D'ailleurs, ce dernier ne sait plus où se mettre et c'est la seconde fois qu'il est là au mauvais endroit au mauvais moment.
-« Mon chéri, désolée d'avoir crié...» Culpabilise immédiatement ma mère, les larmes aux yeux.
-« Où est-ce que vous étiez? » Je demande en comprenant qu'ils n'étaient pas au repas dont ils m'avaient parlé.
Mes parents échangent un regard avant de regarder Louis qui est toujours présent.
-« Il sait. » Je leur dis.
-« Harry...
-Dites-moi où vous étiez.
-J'ai voulu qu'on aille voir un groupe de soutien, nous aussi. » Avoue finalement mon père alors que ma mère baisse la tête. « Pour les parents en deuil d'un enfant. »
Mon coeur se serre douloureusement. Encore une fois, mon père essaie de sauver notre famille. Essaie de trouver des solutions. Mais lorsque je vois dans quel état est ma mère en face de moi, dans quel état je suis moi aussi, je me demande si Louis n'avait pas raison.
On ne peut pas sauver tout le monde.
-« Ecoute, ça va mon chéri et... » Commence ma mère en voyant que mes yeux se remplissent à nouveau de larmes.
-« Arrête de me dire que ça va juste parce que tu as peur que je disparaisse à mon tour.
-Harry! » S'exclame mon père.
-« Je ne partirais pas, ok?! » Je leur lance. « Parce que je sais très bien que je n'en ai pas le droit! »
Le regard de ma mère devient encore plus vide que lorsqu'elle est arrivée. Et je ne le supporte pas. Alors je m'empresse de me diriger vers l'entrée de la maison, faisant signe à Louis de me suivre. C'est ce qu'il fait, plus silencieux que jamais, récupérant seulement ses affaires et laissant le DVD dans mon ordinateur.
Lorsqu'on se retrouve dehors, je lui demande directement:
-« Est-ce que je peux dormir chez toi ce soir? S'il te plaît? »
Louis se fige à nouveau et me regarde avant de me donner cette réponse qui me fait retomber de plusieurs étages:
-« Je peux pas, je suis désolé. »
Je me retrouve con, regrettant instinctivement ce que je lui ai demandé. Je crois que j'ai un peu trop tendance à oublier que, non, nous ne sommes pas en couple et que Louis ne me doit rien. Peut-être que seuls les couples dorment ensemble à ses yeux? On s'était dit qu'on ne parlait pas de nos secrets et maintenant il connaît le mien.
Mais ça ne veut pas dire qu'il souhaite me faire découvrir les siens.
Je regrette cette après-midi où ma seule préoccupation était de désirer l'embrasser.
-« Harry... » Il reprend doucement en voyant mon regard se voiler.
-« C'est pas grave. » Je le coupe.
C'est pas grave si ce que je commence à ressentir pour toi n'est pas réciproque.
-« On se voit demain. » Je reprends.
Louis soupire lourdement, ouvrant la bouche plusieurs fois mais ne trouvant apparement pas les mots qu'il aimerait prononcer. Alors, pour l'épargner d'un discours où il me dirait qu'il est désolé pour ma soeur, ou encore pour ce qu'il ne ressent pas envers moi, je viens plaquer mes lèvres contre les siennes. Et je me déteste. Je me déteste de encore essayer de croire qu'il y a aussi quelque chose de son côté lorsqu'il répond aussi tendrement à mon baiser tout en glissant une main sur ma joue.
C'est moi qui met fin au baiser. Aussi rapidement que je l'ai commencé. Je lance simplement un dernier regard à Louis, ne lui laissant pas le temps de rajouter quoi que ce soit, avant de retourner dans la maison et de refermer la porte derrière moi.
Puis je me dirige dans ma chambre pour retrouver mon lit.
Seul.
Oui, tout le monde ne peut pas être sauvé.
Tout le monde ne peut pas être aimé.
Tout le monde ne peut pas continuer d'avancer.
Je suis désolé, Aimée, d'avoir pensé que ma présence suffirait à te faire rester.
Parce que c'est ton absence qui, aujourd'hui, me fait comprendre comment on peut en arriver à vouloir tout quitter.
♦
(The War_SYML)
TW. Drogue/Violence
Louis.
Sur toute la route du retour, j'ai les mains serrées contre le volant. La culpabilité me rongeant de l'intérieur en ayant encore l'image du regard décomposé de Harry lorsque je lui ai dit qu'il ne pouvait pas dormir chez moi. J'ai vu la déception dans son regard, la tristesse, il voulait juste s'échapper et c'est moi qu'il avait choisi pour l'aider. Et j'ai refusé de l'aider. Parce que je ne peux pas. Voilà pourquoi me rapprocher de lui était une mauvaise idée. Je savais que je finirais par le regretter. Que je finirais pas m'inquiéter pour lui.
Pourquoi tu m'as empêché de sauter de ce balcon si tu t'en fous de la vie des autres?
Parce que tu n'es pas les autres, Harry. Et que je m'en veux assez pour ça maintenant. Je ne sais plus comment faire machine arrière. Je ne peux plus. Encore moins après ce que je viens d'apprendre ce soir. Je me suis mit à sa place le temps d'une seconde. D'une seule petite seconde. J'ai imaginé perdre Lucia sans rien ne voir arriver et devoir vivre sans elle le reste de ma vie. Je ne l'ai pas supporté. Je n'ai même pas supporté cette idée une seule seconde.
Et Harry doit vivre ça non pas une seule seconde mais toute une vie.
Mon coeur se brise à cette pensée alors que je freine brusquement pour me garer en face de chez moi. Je reste encore un peu dans la voiture, regardant rapidement mon téléphone où aucun message ne s'affiche. Je ne sais plus quoi faire. Lorsque Harry avait décidé qu'on s'éloigne, on aurait peut-être dû le faire jusqu'au bout. Malgré ce trou que je ressentais dans ma poitrine ces deux semaines sans lui parler. J'aurais dû prendre sur moi, comme d'habitude, et m'habituer à cette douleur comme je l'ai toujours fait.
Je ne sais absolument pas où est-ce qu'on va avec Harry et je culpabilise déjà du mal que j'ai vu dans ses yeux ce soir lorsqu'il a comprit que je ne peux pas être là pour lui comme il le souhaiterait. Parce qu'on est pas dans un putain de film où les deux personnages principaux sont directement là l'un pour l'autre et se promettent de ne jamais se lâcher.
La réalité, c'est ne pas toujours être capable d'être là pour les personnes à qui on tient.
C'est ne pas être parfait.
C'est ne pas savoir comment aimer.
C'est ne pas pouvoir sauver tout le monde.
Je sens mon estomac se nouer alors que je sors de la voiture pour rejoindre l'intérieur de la maison. Je suis en colère contre moi, contre tout. Tellement que je ne tressaille pas lorsque je l'entends m'appeler depuis le salon:
-« Louis! »
Je déglutis avant de marcher dans ce tas de déchets au sol dont une mauvaise odeur se dégage. Je grimace de dégoût avant d'arriver devant Matthew. Il porte un débardeur gris où des auréoles se dessinent sous ses bras. Il gratte sa barbe mal rasée en me voyant arriver mais il ne semble pas en colère. Par contre la colère que j'ai contre lui, elle, ne s'éteint jamais.
-« Ta mère a appelée. » Il m'annonce simplement sans lâcher la télé du regard.
C'est comme ressentir un énorme poids atterrir sur mes épaules. Mon coeur se fait plus lourd, mon estomac aussi, et c'est dans ces moments là que je n'arrive plus à porter ce masque imperturbable. Surtout lorsque je devine que, si elle a pu appeler Matthew, c'est qu'elle est sortie.
-« Elle veut que tu ailles la chercher demain.
-J'ai cours.
-Et tu vas la chercher demain. » Il me dit durement.
Je déglutis difficilement, comprenant que je n'ai pas le choix. Et que les absences ne vont pas aider pour la bourse. Matthew finit par se lever pour s'approcher de la bibliothèque du salon et sortir d'un livre un sachet. Il me le lance et je le rattrape instinctivement, devinant d'avance la suite:
-« Tu lui donnera de ma part. Cadeau de retour. »
Je secoue la tête, dégoûté. Je ne sais plus quoi ressentir à force. Je sais qu'elle revient pour mieux repartir. Jusqu'au jour où elle ne reviendra plus. Comme mon père. Me laissant avec Matthew comme seul tuteur. C'est comme laisser son enfant avec un flingue dans la main et lui positionner directement contre la tempe. Le destin décidera pour lui s'il finira par tirer ou non et les parents ne seront de toute façon pas là pour le voir.
Je m'apprête à repartir lorsque Matthew me retient par le bras. Je grimace de douleur face à sa force malgré le fait que j'essaie de me persuader que je finirais par m'y habituer.
-« J'ai reçu un énième mail de convocation de la part de votre proviseur. Démerde toi pour qu'elle arrête.
-Pourquoi tu ne demande pas à ton fils de régler le problème? »
Sans le voir arriver, Matthew me claque violemment la joue droite, faisant valser ma tête sur le côté. Mes doigts se resserrent contre le sachet et je me retiens de lui rendre, sachant très bien que je perdrais la partie.
-« Parce que vous êtes deux petits cons avec Andy mais que tu es celui qui ment le mieux. »
Ça sonne comme un compliment à travers sa bouche. Je ne devrais plus être étonné de faire systématiquement semblant au lycée, avec Zayn, avec le groupe ou encore avec Harry même si c'est de plus en plus compliqué de mentir à ses côtés.
-« Comme quoi ton père t'auras au moins appris quelque chose. » Crache Matthew avant de s'éloigner.
Je prends une grande inspiration, me retenant de hurler et de lui sauter dessus. Je déteste mon père autant que je l'aime. Il m'a autant gâché la vie que ma mère mais il était le seul à ne pas être violent, à essayer que ça soit plus facile pour Lucia et moi. Parce qu'il était le seul à être conscient que faire des enfants était la plus grosse connerie de sa vie. Mais ses autres conneries l'ont rattrapé avant qu'il ne puisse essayer d'arranger les choses.
La joue brûlante, je monte rapidement les escaliers qui craquent sous mes pieds pour partir m'enfermer dans ma chambre. Je balance mes affaires dans un coin avec le sachet juste à côté. Lorsque je me laisse retomber dans le lit, tout éclate en moi. La mort de la soeur d'Harry, le fait qu'il aurait être à mes côtés ce soir, le retour de ma mère demain, les pensées pour mon père. Je frappe encore et encore dans les draps, étouffants mes gémissements de rage dans mon oreiller.
Je continue jusqu'à ce que mes muscles me fassent souffrir. Jusqu'à ce que ma tête soit sur le point d'exploser à cause des larmes de rage que je retiens. Je retombe lourdement sur le dos, ayant l'impression d'être un gamin. Le même gamin qui, déjà enfant, se cachait sous cette couette avec Lucia dans ses bras pour qu'elle ne pleure pas trop fort. Tentant de lui expliquer comme il peut que papa ne reviendra pas. Que la dernière visite de police était celle de trop. Et que Matthew n'était pas comme papa, mais plutôt comme maman.
Est-ce que je peux dormir chez toi ce soir? S'il te plaît?
Je suis désolé, Harry.
J'aimerais pouvoir t'emmener avec moi.
Mais, chez-moi, ça n'existe pas.
...
J'espère que ce chapitre vous aura plu...?
On se retrouve rapidement pour le prochain chapitre qui, j'espère, vous plaira. Encore merci infiniment d'être là et de suivre cette aventure à mes côtés. Je vous envoie plein d'amour.❤️