La Comtesse du Lys

By Sefariane

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En 1676, dans la France du roi Louis XIV. Isabelle Constance Madeleine de Langlois, comtesse de Vauboyen, es... More

Avant-propos
I
II
III
IV
V
Les enfants légitimés de Louis XIV
VI
VII
VIII
IX
XI
XII
XIII
XIV
XV
XVI
XVII
XVIII
XIX
XX
XXI
XXII
XXIII
XXIV
Mot de la fin

X

492 24 7
By Sefariane

Remerciement à FanSALTLTRRtr09 et à RoseBreart pour leurs commentaires très encourageant pour moi, ainsi qu'à tous ceux ayant voté.

Sans plus tarder, le dixième chapitre. Bonne lecture !

*********************

« L'enseignement perpétue la mémoire du monde et lui redonne quotidiennement son sens, une parcelle de sens. »

Francine Noël


La chambre aux tons bleu et blanc occupée par Isabelle dans le château de Vaugirard est une pièce agréable dotée d'un grand lit à baldaquin aux rideaux couleur marine. Une petite salle adjacente contient un cabinet de toilette, avec une baignoire. Le mobilier se compose de chaises, d'un guéridon, et d'une coiffeuse. À côté d'un grand miroir au cadre doré sont disposées les malles d'habits de la comtesse qui se prépare avec l'aide de l'une des servantes de la résidence.

Elle a opté pour ne plus porter le noir que de temps en temps, désormais. Et comme elle compte rendre visite à la reine aujourd'hui, il faut un atour digne de ce nom. La plupart de ses robes ne sont pas ornées de milliers de détails comme celles des nobles courtisanes, il n'y a guère besoin de cela en Provence. Mais elles n'en restent pas moins belles dans leur relative simplicité.

Le choix d'Isabelle s'est porté sur une robe d'un jaune extrêmement clair presque blanc, sur lequel sont dessinés des motifs de fleurs en arabesque. Le large décolleté, la jupe et les manches trois-quart faites de tulle sont agrémentés de dentelle blanche et de rubans dorés sur les bordures, en plus de nœuds papillons. Un simple collier et des boucles d'oreilles en perles viennent parfaire le tout dans un ensemble élégant et esthétique à regarder. En guise de coiffure, un volumineux chignon bas retenue par de discrètes épingles fleuries. Puis le sujet peut enfin se placer devant le miroir.

La servante sourit d'émotion devant la beauté délicate et émouvante de la comtesse.

- Madame, vous êtes absolument... Magnifique !

La concernée rosie sous le compliment. Cela lui semblait depuis une éternité que l'on ne lui avait point fait de louanges telles que celle-ci, ne portant quasiment plus que du noir. D'autant qu'elle n'est pas de ces gens ayant l'habitude des flatteries. Elle sourit néanmoins.

- Merci, Clarence. Les enfants sont-ils réveillés ?

- Ils vous attendent avec impatience dans la salle à manger pour le repas du matin.

Isabelle s'en va donc retrouver les petits. Le petit déjeuner a déjà été apporté par les serviteurs sur la longue table drapée d'une nappe brodée. La fratrie reste estourbie d'émerveillement à l'apparition de leur nouvelle gouvernante. Elle leur paraît être un ange, un esprit venu tout droit du ciel. Louise Marie Anne et Louis-César ont la bouche grande ouverte.

- Vous êtes tellement belle, Madame !

- Vous êtes aussi belle qu'une fleur de lys !

La comtesse rit doucement en soulevant le comte de Vexin dans ses bras pour l'installer à table.

- Merci, les enfants. Avez-vous bien dormis ? Et je vous en prie, appelez-moi Isabelle.

L'heureux petit groupe mange dans la bonne humeur avant de se rendre dans la grande bibliothèque de la résidence. Madame de Langlois a décidé pour cette première leçon l'apprentissage de l'anglais, ce qui réjouit principalement Louis-Auguste, passionné de culture. Il surprend agréablement sa gouvernante à la lecture du monologue de Jacques dans la célèbre pièce de théâtre « As You Like It » de William Shakespeare.

All the world's a stage,

(Le monde entier est un théâtre,)

And all the men and women merely players.

(Et les hommes et les femmes ne sont que des acteurs.)

They have their exits and their entrances,

(Ils ont leurs entrées et leurs sorties,)

And one man in his time plays many parts,

(Et un homme, dans le cours de sa vie, joue différents rôles,)

His acts being seven ages.

(Ses actes étant divisés en sept âges.)

[ ... ]

Last scene of all,

(Enfin la dernière scène,)

That ends this strange eventful history,

(Qui finit cette histoire pleine d'étranges événements,)

Is second childishness and mere oblivion,

(Est la seconde enfance et état d'oubli profond,)

Sans teeth, sans eyes, sans taste, sans everything.

(Sans dents, sans yeux, sans goût, sans rien.)*

- Tu as été excellent, Auguste.

- Isabelle, pensez-vous que nous sommes des acteurs, nous aussi, et que le monde est un théâtre ?

- Une excellente question, Maflée. Fâcheusement, je crains de ne pouvoir vous donner une réponse concise. Dans un sens, je serais tentée de dire que oui, car dans la vie que Dieu nous a donné, chacun de nous à un rôle précis dans son cours. Mon père appelait cela « le terrain de jeu de l'existence humaine », dans lequel nous arrivons à notre naissance.

- Mais quel jeu joue-t-on ?

- C'est tout l'intérêt de la chose, Fannie : quel jeu ? Quelles règles ? Quel rôle ? Pour quelle raison ? Personne ne le sait, pas même nous. Mais si nous ne pouvons répondre à la totalité de ces questions, nous pouvons au moins en éclaircir quelques unes à travers l'éducation. C'est tout mon devoir envers vous.

Un devoir qu'elle aurait dû avoir envers son fils si la mort ne le lui avait pas reprit. Quel aurait été son rôle dans cette vie, autre que l'enfant de sa mère ? Elle l'aurait certes instruit de manière à ce qu'il devienne un homme digne et honorable, prêt à hériter du titre de son père. Mais encore ? Son oncle Henri l'aurait peut-être introduit à la cour du roi. Éventuellement Charles y aurait-il pris goût.

Isabelle n'est pas certaine qu'elle aurait apprécié cela. Des acteurs, c'est en quelque sorte ce que sont les nobles courtisans qui gravitent autour du souverain. Des gens désœuvrés qui ne savent rien d'autre que se pavaner des plus riches atours possibles dans l'objectif sournois d'attirer à eux l'attention de ce dernier. Louis XIV lui-même porte un masque devant eux, jouant un rôle pour déjouer les ruses de ces mille visages reflétant dans leurs miroirs une image de ce qu'il n'est pas.

Et la reine ? Elle doit probablement se trouver condamnée à devoir porter un masque pour supporter et ne pas faire étalage de son sentiment de dissidence face aux infidélités de son royal époux qui se permet tout. Un époux qui afflige tous ses désirs. Pourtant Marie-Thérèse d'Autriche mérite plus de considération que cela, et Isabelle sera prête à lui en donner dans ce théâtre réel et grandeur nature qu'est la cour.


- Madame, je suis ravie de revoir. Vous êtes absolument magnifique !

- L'honneur est pour moi, votre Majesté. Je vous remercie.

La reine et la comtesse prennent place sur les confortables fauteuils du salon privé de la première. La seconde est venue en toute discrétion jusqu'à Paris sitôt la leçon des enfants terminée. La petite fratrie a énormément affectionné la sagesse de leur gouvernante, affirmant avoir appris plus en un seul jour qu'en plusieurs mois.

- Je vous trouve en bien meilleure mine que lors de cette soirée-là, Madame. Vous me semblez aussi resplendissante que la fleur de lys de notre pays.

- Vraiment ?

- Oui. Outre le fait que vous ne portez plus le noir, un semblant de joie et de sérénité est réapparu sur votre visage.

- Je crois, Madame, que le Seigneur m'a accordé une seconde chance de réaliser mon vœu.

- Vous avez donc trouvé des enfants à vous occupez ? Fort bien ! Mon époux et la marquise de Montespan doivent être ravis de votre devoir.

Isabelle blêmit à l'évocation même des parents des quatre enfants légitimés. Comment diable son interlocutrice est-elle au courant ? Marie-Thérèse lève la main en signe d'apaisement.

- Ne vous tourmentez point. C'est un secret de Polichinelle que Madame de Montespan a enfanté des enfants de mon mari. Je n'ai aucune amertume envers eux, ils sont tout autant innocents que l'étaient mes défunts petits. J'éprouve même un sentiment de commisération pour eux sachant qui est leur mère. Et je suis ravie que vous soyez leur gouvernante. Avec vous, ils seront à l'abri d'elle.

*********************

Notes de fin de chapitre :

1*: « As You Like It » 1599, William Shakespeare, Acte II scène 7

L'intrigue se précise de chapitre en chapitre. L'usage de cette pièce de théâtre de Shakespeare, particulièrement les deux bouts de ce très célèbre monologue (l'entièreté en est facilement trouvable sur Wikipédia ou un autre site de votre choix), comme première leçon ainsi que la discussion finale avec la reine nous laissent présager la suite de l'histoire.

Qu'avez-vous pensé de ces premières interactions et de la leçon entre Isabelle et les enfants ? Et de la conversation finale ?

Je vous retrouve vendredi.

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