La Comtesse du Lys

By Sefariane

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En 1676, dans la France du roi Louis XIV. Isabelle Constance Madeleine de Langlois, comtesse de Vauboyen, es... More

Avant-propos
I
II
III
IV
V
Les enfants légitimés de Louis XIV
VII
VIII
IX
X
XI
XII
XIII
XIV
XV
XVI
XVII
XVIII
XIX
XX
XXI
XXII
XXIII
XXIV
Mot de la fin

VI

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By Sefariane

« La destinée ? Un rêve d'enfant mêlé à la détermination des plus grands. »

Tom Mansot


Le château de Vaugirard est pensé comme une demeure de plaisance, dédiée au plaisir de vivre, avec de grandes ouvertures, une cour d'honneur, et prolongée à l'extérieur par les jardins. Le lieu présente un plan régulier en U, avec un corps de logis flanqué de pavillons, situé entre une cour encadrée de deux ailes de communs et un jardin. Ici la symétrie et l'alignement règnent : l'allée, le portail, la porte d'entrée créent une perspective parfaite qui se poursuit encore à l'intérieur du château et jusqu'au fond du parc.

C'est avec une joie non dissimulée que le roi, adorant ses enfants naturels, retrouve ces derniers dans la salle de jeux. Les deux jeunes Louise Françoise et Louise Marie Anne se précipitent sur leur paternel qui les accueille à bras ouverts.

La première est une petite fille somme toute adorable, âgée de quatre ans. Les boucles de sa sombre chevelure ne sont touchés d'aucun givre, encadrant un visage ovale au milieu duquel deux grands yeux d'un brun foncé et des petites lèvres rouges achèvent de la rendre agréable.

La seconde, à trois ans, n'est pas moins jolie que sa sœur, même plus mignonne. Ses courts cheveux étroitement bouclés et ses yeux sont légèrement plus clairs que ceux de la précédente. Ses deux belles joues rosées sont si potelées que l'envie de les couvrir de baisers ne manque pas. Sa pâleur peut toutefois causer des frayeurs, la fillette étant sujette aux maladies dues à une santé fréquemment défaillante.

- Vous êtes bien énergiques, Mesdemoiselles.

- Père, savez-vous qui s'occupera de nous, maintenant que Régine est partie ? Mère était si furieuse.

- Ceci, Louise Françoise, est une chose à laquelle je travaille en ce moment-même.

Le souverain garde en tête l'image de la comtesse de Vauboyen.

Isabelle... Rien que son prénom lui paraît aussi resplendissant que son physique. Il ne l'a vu que de loin, pourtant la qualifier de belle ou de magnifique lui semble être une insulte à sa beauté. Non, elle est tellement plus que cela...

Elle est l'envol exquis d'une larme, éclose au cœur d'un amant. Elle est un parfum doux qui charme, sur un air tendre et langoureux. Elle est la peau de satin qui palpite, sous la caresse du passionné. Elle est un regard qui invite à contempler le firmament. Elle est une fleur née d'un mystère, un astre descendu des cieux. Et qui vient offrir à la terre sa beauté dérobée à Dieu.

Pareille beauté chez un être vivant, Louis n'en n'a jamais vu ou imaginé auparavant, malgré celle que lui présentait Athénaïs depuis plusieurs années.

- Père !

Le souverain relâche ses deux filles pour aller soulever son fils Louis-César dans ses bras. Il est un jeune garçon de cinq ans semblable à son paternel dans le visage : les mêmes cheveux sombres et bouclés, ainsi que des yeux foncés caractéristiques de la Maison de Bourbon. Atteint dès son plus jeune âge d'une déformation de la colonne vertébrale qui le fait boiter et ayant une épaule plus haute que l'autre, chose qui ne facilite pas ses déplacements, il est la plupart du temps assis.

- Eh bien, mon fils, il semble que vous brûlez de me dire quelque chose.

- J'ai rêvé de vous cette nuit. Vous n'étiez pas seul.

- Tiens donc ! Dites-moi en plus.

- Vous étiez au bord d'une rivière entourée de milliers d'arbres avec des feuilles qui ressemblent à des cascades. Sur l'eau, il y avait une femme tout en blanc qui flottait comme un grand lys, avec ses cheveux tout blonds et sa robe éparpillés autour d'elle. Elle a ouvert ses yeux bleus comme le ciel vers vous alors que vous lui tendiez la main.*

Louis doit se faire force pour ne pas laisser échapper sa surprise sur son visage. Cette femme que vient de lui décrire son petit comte de Vexin... « Comme un grand lys »... Non ! Cela ne peut être possible !

- Que s'est-il passé ensuite ?

- Vous la suppliiez de ne pas vous quitter. Elle avait l'air tellement triste. Mais elle vous a quand même pris la main pour que vous la sortiez de l'eau. Puis vous vous êtes rapprochés au milieu d'un jardin de lys et je me suis réveillé.

Le monarque ne sait que dire. Se pourrait-il véritablement qu'il s'agisse... D'Isabelle de Langlois ? Que doit-il en penser ? Qu'ils sont tous les deux liés d'une manière ou d'une autre ? Ou bien n'est-ce que la simple imagination d'un enfant de cinq ans ? Après tout, à leurs âges, Louis-César autant que son frère et ses sœurs croient encore à l'existence de créatures féeriques venues tout droit des récits des temps anciens.

Mais cette présence ubiquiste de la fleur de la royauté de France... La femme même ressemblant à un lys humain... Cette impression de pureté et de féminité... De l'amour et du deuil... Du deuil ! Cela même qui frappe la comtesse de Vauboyen ! Dont la personne paraît plus angélique qu'humaine.

- Père, Mère n'est pas venue avec vous ?

- Votre mère, Louis-Auguste, est restée à la cour. Elle veille tout comme moi à chercher quelqu'un qui prendra soin de vous.

Le duc du Maine ne semble néanmoins pas convaincu, malgré son jeune âge de sept ans. Né infirme comme son petit frère, de nature fragile et timide, lui aussi partage les traits physiques typique de sa famille. Son penchant plus studieux que la science militaire qu'il comprend médiocrement fait de lui un véritable érudit.

Lui comme sa fratrie n'ont au bout du compte jamais effectivement eu de véritables relations avec la femme qui les a enfantés, cette dernière ne venant leur rendre visite qu'à quelques petites occasions, et souvent en compagnie du roi.

Celui-ci, reposant confortablement Louis-César sur sa chaise et s'asseyant lui-même avec Louise Françoise sur les genoux, écoute avec intérêt la conversation entre Louise Marie Anne et Louis-Auguste. Tous deux expriment leur idéal de la gouvernante : une femme qui passerait son temps à s'occuper d'eux telle une véritable mère, leur racontant des histoires le soir ou les divertissant dans des jeux de cligne-musette. Mademoiselle de Nantes y ajoute son grain de sel en voulant des promenades à l'air libre et des baignades lors de journées ensoleillées, en plus de représentations de théâtre.

Le comte de Vexin aimerait quant à lui une dame belle et douce, comme celle qu'il a vu dans son rêve, sur qui il aurait la possibilité de reposer son corps mal en point. Il assure également qu'il ne s'agissait en rien d'une personne hostile et qu'elle pourrait même rendre heureux leur père.

Le roi, bien qu'il laisse échapper un léger rire, ne peut s'empêcher au fond de lui d'être embarrassé par cette dernière remarque de la part de son fils. Lui qui ignore totalement que l'angélique créature de son rêve existe bel et bien en chair et en os. Ceci dit...

« Cette personne ferait bien notre affaire. » se dit-il en repensant à la description que lui a fait François de Hautecourt. Si la vénusté de Madame de Langlois n'a d'égale que son esprit, elle serait effectivement une parfaite gouvernante pour les enfants royaux. De plus, peut-être cette expérience pourrait-elle redonner un tant soit peu de bonheur à une mère n'ayant hélas pu vraiment le devenir.

Une seconde chance d'être heureuse. Car sans amour, nous ne sommes plus grand-chose. Rien qu'une chose infime sur cette Terre où règnent tant d'horreur et de misère.

C'est décidé. Il demandera à la faire venir ici.


- Ma mie, il me faut m'entretenir avec vous.

- Bien sûr, mon ami. Je suis toute ouïe.

Athénaïs de Monstespan est étonnée devant l'arrivée soudaine de son amant dans ses appartements, lequel n'attend pas pour la convier à prendre place sur l'un des fauteuils en face de lui. Au grand jamais elle ne l'a vu aussi pressé que maintenant.

- Que me vaut l'honneur de votre visite en des termes si rapides ?

- Souvenez-vous que nous avions parlé de nos enfants deux jours auparavant. Vous vous plaigniez alors de ne plus avoir de gouvernante pour veiller à leur éducation. Je crois avoir trouvé la personne digne de ce nom et qui, j'en suis sûr, fera son devoir avec excellence.

- De qui s'agirait-il ?

*********************

Note de fin de chapitre :

1* : Passage inspiré du poème « Ophélie » d'Arthur Rimbeau

Nous découvrons aujourd'hui les enfants du roi et de la marquise ! Ces petits bouts de chou seront plus ou moins présents dans la suite du récit. Ils logeaient historiquement incognito dans une maison à Vaugigard avec Madame de Maintenon, mais j'ai préféré pour l'histoire les faire vivre dans un château (lequel existe réellement. Construit entre 1600 et 1610, il se trouve près de Champdieu dans le département de la Loire, au nord de Montbrison.) afin d'accentuer leur statut.

Louis s'est décidé pour de bon à vouloir rencontrer Isabelle, avec un peu d'aide de la part de son fils. Nous sommes sur la voie de la rencontre, mais pas avant encore quelques chapitres. Que pensez-vous du rêve ? Et comment Madame de Montespan va prendre la nouvelle ?

Nous le saurons la semaine prochaine.

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