La Comtesse du Lys

By Sefariane

14.5K 659 173

En 1676, dans la France du roi Louis XIV. Isabelle Constance Madeleine de Langlois, comtesse de Vauboyen, es... More

Avant-propos
II
III
IV
V
Les enfants légitimés de Louis XIV
VI
VII
VIII
IX
X
XI
XII
XIII
XIV
XV
XVI
XVII
XVIII
XIX
XX
XXI
XXII
XXIII
XXIV
Mot de la fin

I

1.2K 42 17
By Sefariane

« On l'oublie trop souvent, mais c'est aussi l'enfant qui meurt quand meurt le père. La mort emporte le père dans la tombe, et la tombe se referme sur l'enfant. »

François-Henri Désérable , « Évariste »


Alors que son fils Charles venait tout juste de naître, Isabelle avait fait la promesse de le faire exister en lui prodiguant tous les bons soins dont est capable une mère. Hélas, la vie sur Terre de ce petit angelot aura été courte, seulement deux ans, et l'amour ne laissait plus de trouver sa place parmi tant de désordre causé par la mort survenue sans crier gare. L'âme du nourrisson est maintenant en errance dans un monde d'ailleurs, un divin Éden où il y a beaucoup de fleurs qui n'ont pu grandir et s'épanouir comme lui.

Aujourd'hui Isabelle se doit de faire exister son défunt petit garçon par son habit de deuil noir, pour montrer aux gens qu'il n'était pas que rêvé. Il appartient désormais au cœur de sa mère, veuve depuis deux ans. Avant que son mari Jacques de Langlois, comte de Vauboyen, ne meurt des suites d'une maladie incurable, la nouvelle comtesse appréciait sa vie tranquille dans sa demeure près de la rivière de la Bièvres. À l'annonce de sa grossesse, elle s'imaginait déjà promener son enfant par la main le long du court limpide. Quel doux rêve !

Qui n'était que cela : un rêve, tendre et amer. Dieu a visiblement voulu lui montrer les dangers de la naïveté des illusions en rappelant à lui son époux peu avant la naissance de leur fils. Ce dernier a finalement suivi son père point longtemps après. Son petit Charles... Désormais au plus près des étoiles, touchant le soleil et voyant la Terre d'en haut. La vie lui est donnée autrement que sa mère avait imaginé sa propre vie de parente. Le nouveau monde de son ange partit trop tôt et sa vie astrale l'attristent et l'éblouissent à la fois.

- Un jour je viendrai te retrouver. Nous voyagerons ensemble sur le plus beau des nuages quand s'arrêtera mon âge. Jusqu'à ce que Dieu nous rassemble, je ne ferai qu'infiniment t'aimer en attendant de te rejoindre.

Isabelle laisse un dernier baiser sur la pierre tombale de son fils avant de se relever, une larme d'argent traçant un sillon sur sa joue. Elle s'en retourne à son château, qu'elle a conservé par l'affection et la volonté de son conciliant mari, talonnée par son intendante Jeanne et sa gouvernante Béatrice.


- Mes salutations, Amélie ! Cela fait bien longtemps que je ne vous ai vu. Comment allez-vous ?

- Je vous salue, Henri. Vous avez l'air en pleine forme. Je me porte bien, pour ma part. Mais je crains fort que cela ne saurait durer lorsque nous poserons un pied dans cette demeure.

- Vous avez donc enfin reçu la triste nouvelle.

Amélie de Beaulieu est une jeune femme de vingt-six ans, riche, pleine de talents, de charme et d'esprit. Une grande quantité de boucles brunes encadrent un visage pâle, rond et charmant. Sa silhouette est plutôt svelte, mais sans laisser voir ses os. Elle est en définitive belle, mais pas autant que son amie et confidente de longue date à qui elle vient rendre visite. Ses petits yeux verts semblables à deux jeunes feuilles suivent son interlocuteur descendre de sa monture.

Henri de Montéclair, frère aîné de la comtesse de Vauboyen, est un homme fort et de grande taille, plus de six pieds, qui excelle dans les activités physiques. Il est large d'épaules, les bras et les jambes musclés, et sur sa tête trônent des cheveux dont la pigmentation vire entre le châtain et le blond.

Les deux amis passent la grande porte d'entrée du château. Béatrice vient les saluer dans le vestibule. Par sa petite taille, son corps mince, une tête noire aux gros yeux saillants et un air sans cesse affairé, la gouvernante faisait penser à une fourmi. Sa prestesse, son ardeur de travail, sa ténacité et jusqu'à son sens très poussé de l'économie parachèvent la ressemblance. En dépit d'une apparence fort sèche, elle veille à tout avec une méticulosité et une exigence qui témoignent d'une sorte de passion du ménage.

- Dieu merci ! Vous voilà enfin !

- Quel est l'état d'Isabelle ?

- Hélas, cher Henri, je crains que Madame ne soit dans une profonde dépression. Cela fait bientôt un mois que son fils bien-aimé est mort et elle s'est laissée dépérir. Rien ne semble pouvoir la consoler.

- Je suis vraiment navrée de n'avoir pu arriver plutôt, chère Béatrice. Mais rassure-moi sur un point : Isabelle conserve-t-elle tout de même un peu de santé ?

- Elle s'est assez peu alimentée, au plus grand malheur de Jeanne et de moi-même. Je remercie Dieu chaque soir qu'il lui ait prodigué une santé excellente, auquel cas elle serait sans doute morte de faim. Quant à l'exercice physique, elle ne sort plus que pour aller sur la tombe de son fils, dans le fond du jardin, où elle s'y morfond pendant des heures.

- Et où est donc ma sœur à l'heure où nous parlons ?

- Dans le salon. Allons-y.

Ledit salon est la grande pièce commune de tout le château de Vauboyen. Les murs sont recouverts de rouge bordeaux et d'ornementations dorées. Chaque support doré accroché au mur est surmonté de trois lampes. La salle est remplie de fauteuils, de tables et d'un sofa, et agrémentée de bouquets floraux. Une cheminée, surmontée d'un miroir sur son manteau, suit les couleurs des murs, étant rouge sur les parois et dorée sur les contours qui ressortent ou qui entourent le foyer, dans lequel brûle un feu.

Sur le sofa d'un vert très clair et agrémenté de coussins jaunes rebondis est assise la principale intéressée : à vingt-huit ans, son visage d'ange a des lignes très pures et sa peau de porcelaine le velours d'une fleur de printemps qui perce la neige et la mélancolie. Sa très longue chevelure blonde vénitienne ondule telle une rivière de soie d'or et dans ses yeux bleu clair très doux se perdent les sanglots. Grande, la silhouette fine et racée, Isabelle Constance Madeleine de Langlois est belle, d'une beauté délicate et émouvante.

Un ange de chlorose, sorte de lys humain que la tristesse arrose, religieux fantôme aux charmes narcotiques... L'énigmatique beauté de Dieu qu'est Isabelle pourrait indéniablement en attirer plus d'un si elle ne vivait pas recluse de la vie mondaine. Mais la comtesse, autrefois Mademoiselle de Montéclair, avait été épargnée de la vie à la cour du roi par son père Auguste de Montéclair. Courtisan de la famille royale avant qu'il ne décide de sa retraite à la campagne avec sa femme, cet homme de la noblesse a toujours élevé ses enfants de manière à ce qu'ils ne tombent pas dans les pièges tendus par tous ces riches influents et ambitieux.

Cependant, cette solitude s'était renforcée à la mort du comte de Vauboyen et ultimement celle de Charles. Madame de Langlois ressemble plus à une statue qu'autre chose, figée dans sa position assise et la tête baissée. Seuls ses yeux de ciel paraissent vivants et encore...

- Voyez. Madame est ainsi depuis que nous sommes revenus de la tombe de son fils. Ne pouvez-vous point faire quelque chose pour l'aider ?

- Laissez-nous nous en charger, Béatrice, et allez retrouver Jeanne, qu'elle nous prépare de quoi nous abreuver après notre voyage à Amélie et moi.

La gouvernante s'exécute. Amélie vient s'agenouiller devant son amie pour presser sa main dans un geste de réconfort.

- Isabelle, je suis venue dès que la nouvelle m'est parvenue. Et si mes condoléances ne peuvent apaiser ta douleur, j'espère sincèrement que ma présence le fera un temps soit peu.

Henri s'est entre-temps assis sur le sofa à côté de sa cadette, laquelle conserve son mutisme et son regard fixé sur un point imaginaire.

- Je vous en prie, ma sœur. Parlez-nous. N'avons-nous pas fait tout ce chemin pour vous aider à supporter votre peine ?

Mais la comtesse semble ne rien entendre. Quand finalement...

- Il parlait, il marchait... il souriait... Peut être y a t-il maintenant une étoile de plus dans le ciel ? Il a goûté au monde... Innocent... Et déjà enjôleur et chenapan... Il s'est endormi un peu trop longtemps... Paisible... Il est parti... Comme un ange... Il n'avait que deux ans... Et il est mort dans mes bras.

Elle finit par éclater en larmes, acceptant l'étreinte de sa meilleure amie et les caresses dans le dos de son frère.

- Et il continuera toujours à sourire quelque part en nous. Il est parti... Mais peut être pas si loin... Il nous a charmés et il restera avec nous d'une façon ou d'une autre, quoi que la vie ait pu décider. Sois-en sûre, Isabelle.

*********************

Voici le premier chapitre. Il ne se passe pas encore grand chose, il s'agit surtout de la présentation d'Isabelle et de son entourage proche. Sans oublier son état dépressif, car perdre un enfant pour une mère n'est jamais une bonne expérience (je ne souhaite à aucune femme de vivre cela).

Au sujet du nom de Vauboyen, il existe effectivement un château portant ce nom, situé dans la commune de Bièvres, en pays Hurepoix, aujourd'hui le département de l'Essonne. Ce château n'existait pas encore à l'époque de Louis XIV. Cependant, je n'ai pour l'histoire repris que le nom et l'endroit global, en plaçant la demeure d'Isabelle près de la rivière de la Bièvres.

En espérant que vous avez apprécié ce premier chapitre.

Continue Reading

You'll Also Like

6.1K 376 37
Les destins de Méredith Lestrange, Sirius et Regulus Black se croisent, et.se séparent sans cesse,, sur fond de guerre.contre Voldemort.
23.1K 874 92
Coucou mes cacahuète 3 long histoire et plusieurs petit chapitre aussi sur notre groupe préférer Stray kids TOUJOURS EST BIEN SUR AVEC DU LEMON perso...
23.4K 2.6K 51
Elena Parker est destinée à bien plus grand qu'elle. Depuis toujours, elle fait le même rêve. Depuis toujours, elle sent qu'elle est différente mais...
10.9K 316 13
Je trouve qu'on est plutôt compatibles pour des incompatibles - Marquand.