En passant devant la fenêtre, un mouvement attira mon attention. Sourcils froncés, je m'approchai et scannai les environs. La lune ronde jetait une lumière claire sur une grande partie de la forêt dont les arbres et leurs branches projetaient des ombres inquiétantes sur le sol. On était quand ? Noël et le jour de l'an me semblaient si proche et si loin à la fois... J'avais perdu le fil des jours depuis la mort d'Hazel mais nous devions avoir entamé le mois de mars. Pour ce que j'en avais à faire... On aurait très bien bu être en deux-mille-trois-cents que j'en aurais rien eu à foutre.

Je m'apprêtai à me détourner lorsqu'un nouveau mouvement me retint. Bizarre. Je ne voyais rien ni personne alors qu'est-ce que... ? Là ! Je discernai tant bien que mal une forme paraissant traversée par la lumière de la lune. Qu'est-ce que c'était encore que ces conneries ? J'avais d'autres choses à foutre que de courir la pampa à la recherche de brouillard ! Pourtant, mon instinct me poussait à aller voir. La forme ressemblait à s'y méprendre à une silhouette mais c'était difficile à dire, malgré ma vision infaillible. Quelle merde ! J'étais un loup-garou pas foutu de voir correctement malgré toute la lucidité dont je faisais preuve à cet instant ! Génial !

Prenant sur moi pour éviter d'éclater Neville sur la vitre (mieux valait ne pas être trop près de moi dans mes moments de rage), je sortis dehors pour régler cette histoire. Si c'était un coup des sorcières ou une hallucination, je ne répondrais plus de moi. J'avais déjà du mal à contrôler mes sautes d'humeur et pulsions meurtrières alors il ne fallait pas me casser les bonbons outre mesure.

La fraîcheur du mois de mars me remit les idées en place. J'étais en nage suite à mon cauchemar et le vent qui me giflait les joues me fit le plus grand bien. D'un pas déterminé, j'avançai vers la silhouette, qui était de dos. Une atroce sensation de déjà-vu me saisit. Mon cauchemar était-il une sorte de prémonition ? Au point où j'en étais, rien n'était impossible !

La forme bougea. De la brume s'échappa de ses mouvements et mon estomac se retourna. Je me figeai. Un frisson s'égara sur ma peau, descendit le long de mon échine et jusqu'à mes pieds. La lune passait à travers la silhouette vaporeuse qui n'existait pas vraiment. De longs cheveux que je devinai blonds, un visage aux traits fins et ce regard...

C'était elle.

- Hazel...

Mon souffle s'échappant de mes lèvres créa une petite volute qui porta le son jusqu'à elle. Était-ce mon imagination qui me jouait un tour ? Était-ce un piège ?

Pire encore ; était-ce réel ?

Face à cette apparition, j'étais incapable de bouger. Un torrent d'émotions contradictoires déferlait en moi. Joie, espoir, colère, tristesse, amour, horreur, espoir à nouveau... Que faisait-elle ici ? Et si c'était vraiment elle, pourquoi n'était-elle pas vraiment là ? Pourquoi flottait-elle ? Avais-je raison depuis le début ? Était-elle un fantôme ? J'avais envie de me jeter sur elle, de la serrer contre moi, d'inspirer son odeur à pleins poumons et également de fondre en larmes. Tout ça.

Mais je me contentai de la fixer, dans l'incompréhension. Elle arborait un air triste qui ne me disait rien qui vaille. Seuls ses yeux me dévoraient du regard et me témoignaient tout l'amour qu'elle me portait. C'était pire que tout. Je l'avais près de moi mais j'étais dans l'incapacité de la toucher. Et j'avais l'intime et effroyable conviction que je ne tarderais pas à la perdre. Encore une fois.

- C'est toi... ?

Mon murmure troua le silence pesant. Je me sentais si désemparé... Pourquoi la vie m'infligeait-elle ça ? Qu'avais-je fait ? Je faisais de mon mieux pour survivre alors que je n'avais qu'une envie : la rejoindre. Je voulais souffrir parce que j'avais échoué à la protéger. Parce que tout était ma faute. Mais, en la voyant, silhouette brumeuse et inaccessible, à seulement quelques mètres de moi... Je ne désirais qu'une chose : mourir.

- Dylan...

Mon cœur déjà brisé s'arrêta. Sa voix... J'avais l'impression que cela faisait une éternité que je ne l'avais pas entendue ! Est-ce que je l'imaginais ? Est-ce que je perdais la raison ? Peut-être. Mais je n'en avais rien à foutre si cela signifiait voir Hazel, entendre Hazel... Allait-elle bien ? Où était-elle ? Était-elle heureuse ? Je voulais tout savoir mais aucune question n'arrivait à franchir la barrière de mes lèvres crispées en une grimace douloureuse. Savoir serait accepter la réalité. Dans le pire des cas, elle était morte. Dans le meilleur des cas, elle était ce spectre irréel devant mes yeux. Et, dans tous les cas, j'étais impuissant.

Alors, je la dévorais du regard. J'ancrais en moi les traits mouvants de son visage, ses longs cils, ses pommettes que j'aimais voir rosir, ses lèvres pleines, ses quelques taches de rousseurs, ses mèches blondes indisciplinées... Je n'osais plus ouvrir son cercueil, c'était trop difficile. Là, devant moi, malgré sa forme brumeuse et sa couleur translucide, elle bougeait, avait des expressions...

- Ne laisse pas les sorcières s'emparer de moi, Dylan.

Je mis quelques instants à intégrer ses paroles avant de froncer les sourcils. Ce n'était pas ce à quoi je m'attendais. De toutes les choses qu'elle aurait pu me dire, elle choisissait d'évoquer les sorcières ? Il devait y avoir une raison particulière à cela. Je connaissais mon Hazel. Je voyais dans ses yeux sa frayeur, sa tristesse, son amour. Que vivait-elle, là-bas, loin de moi ? J'avais besoin de réponses !

- Où es-tu ? Es-tu en danger ? Comment est-ce que je peux te récupérer ? Est-ce que...

Elle me lança un dernier regard, presque paniqué, comme si elle cherchait à s'accrocher à quelque chose avant de se mettre à se dissoudre.

- Non... Ne m'abandonne pas... Hazel, je t'en supplie...

Elle luttait, je le voyais. Elle essayait. Mais quelque chose devait l'empêcher de s'attarder et elle le savait, voilà pourquoi elle m'avait parlé des sorcières en priorité. Ça n'avait aucun sens pour moi. Tout ce qui comptait, c'était qu'elle reste près de moi.

- Jamais, se contenta-t-elle de répondre.

Et elle disparut, disloquée dans la brise nocturne. Ce fut trop pour moi.

Je m'effondrai, secoué par des sanglots incontrôlables.

Ces mêmes sanglots que j'avais gardés en moi depuis qu'Hazel était morte.

Seulement... Était-ce le début de mon deuil, ou sa fin ?

PatienceSOpowieści tętniące życiem. Odkryj je teraz