Chapitre 3

108 20 4
                                    


Alec

Quand on a touché le fond...

Le bruit de la machine à café me martelait le crâne. Comme chaque son depuis près d'une semaine. Mes maux de tête, dus à la fatigue, à l'humeur négative de l'intégralité de ma meute et aux cris de souffrance que j'entendais encore malgré la fin de la bataille, ne me lâchaient pas. Peu importe. Je devais être fort pour ma meute. J'avais déjà assez merdé comme ça.

Je me levai et récupérai ma tasse pleine, las. Je bus une longue gorgée mais même l'amertume de ma boisson favorite ne parvint pas à me redonner un semblant d'énergie.

J'étais vidé. Dépassé par ma propre incompétence.

Je me rassis lourdement derrière mon bureau, dans mon fauteuil en cuir, face à l'écran de mon ordinateur. Des chiffres s'affichaient, dévoilant nos derniers gains monétaires. Aucun problème de ce côté-ci. À gauche de l'écran, des assurances à remplir, des actes de décès, pour les membres de la meute que nous avions perdus. Jacques, en connaissant sa récente trahison (il s'était allié au père de Dylan et nous avait conduits à ce massacre) n'était pas une grosse perte. En revanche, Josh, ce jeune loup aux yeux verts et au sourire bienveillant, Patrick le mari de Charlotte et Penny, la petite vampire d'Axel étaient des pertes à déplorer. Une véritable catastrophe, même. Charlotte ne se remettait pas du décès de son compagnon. Comment l'aurait-elle pu ? Après plus de cinquante ans de mariage... Axel était fou de rage d'avoir perdu un membre de sa famille. Lui qui pensait que le vampirisme lui offrait une famille immortelle... Il tombait de haut. Le reste de la meute oscillait entre chagrin, désespoir et colère.

Quant à Dylan et Kalya....

Je ne voulais même pas y penser.

En tant qu'alpha, j'avais sévèrement merdé. Je n'avais pas voulu écouter les conseils de mon bêta et m'allier au plus vite avec d'autres espèces, prétextant de pas vouloir d'ennuis. Ainsi, les vampires s'étaient retournés contre nous (sans surprise) en rejoignant Lorenzo et les sorcières en avaient fait de même, malgré l'aide que Cannelle nous avait apportée. Une guerre avait éclaté et nous avions tous souffert. Ma meute en pâtissait, les relations entre espèces étaient plus tendues que jamais et mon bêta était devenu un zombie, suite à la mort d'Hazel.

Avec elle aussi, je m'étais trompé sur toute la ligne. Je m'étais méfié, je l'avais étudiée, je m'étais servi d'elle... Ce n'était pas moi qui l'avais éventrée mais c'était tout comme. Chacune de mes actions avait mené à ce drame. Et, désormais, il était bien trop tard pour rectifier le tir.

Qu'adviendrait-il de ma meute ? De leur bien-être ? De leur vie ? Que se passerait-il avec les autres espèces ? Que faire concernant Dylan ?

Autant de questions compliquées pour lesquelles je n'avais aucune réponse.

Néanmoins, il me restait une certitude : je n'avais pas l'étoffe d'un alpha. Ma fierté et mon caractère de cochon nous avaient menés droit dans le mur. La seule personne qui aurait pu prendre ma place et sauver la meute de la déchéance était Dylan mais vu son état... Il n'y avait aucun espoir. Or, une meute sans alpha à sa tête ou avec un alpha faible et incompétent ne pouvait que mal tourner.

La porte de mon bureau s'ouvrit et un parfum que je connaissais bien s'infiltra dans la pièce. Il n'y avait qu'une seule personne autorisée à entrer sans frapper : ma femme, Coralie. Avec son visage rond et ses grands yeux aussi bruns que ses cheveux, elle respirait la sérénité en toute circonstance. Même aujourd'hui, alors que la situation était critique.

Elle referma doucement la porte et vint s'asseoir sur mes genoux. Le regard qu'elle me coula, empli de compréhension et d'inquiétude, m'acheva. Si j'inquiétais même ma compagne, alors je n'étais vraiment qu'un bon à rien. Je passai tristement un bras autour de sa taille tandis qu'elle me caressait la joue. Je serrai les mâchoires, craignant de fondre en larmes ou de hurler de rage. En tant que chef, je me devais de me contrôler, quoi qu'il arrive. Je ne laissais rien paraître parce que je vivais pour ma meute et que je devais montrer l'exemple. Je n'avais pas le droit à l'erreur, pas le droit de me laisser aller à la peine. Sauf avec Coralie. Elle savait qui j'étais véritablement, connaissait mes coups de mou, ma vulnérabilité et l'exigence que j'avais de moi-même. Elle ne cautionnait pas tous mes choix parce que certains semblaient horrifiants mais elle ne les questionnait jamais car elle savait : j'agissais pour le bien de tous, toujours.

PatienceSWhere stories live. Discover now