Chapitre 12

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Dylan 


Encore une nuit bien remplie...

Elle est là. Juste devant mes yeux. Ses cheveux blonds ondulent dans son dos. Son odeur flotte jusqu'à moi. Je cligne plusieurs fois des yeux. Le soleil éclatant m'éblouit. Je ne comprends pas ce que je fous dans ce champ de coquelicots mais ça n'a aucune importance. Puisqu'elle est là.

- Hazel !

Elle ne se retourne pas. Au contraire, elle se met à avancer. J'ai l'impression que mon cœur s'arrête, qu'il va sortir de ma poitrine. Paniqué, je m'élance derrière elle. Mais j'avance au ralenti. C'est quoi ce bordel !? J'accélère tandis que mon loup grogne en moi. Il se débat, mes yeux prennent une teinte mordorée, je le sens ; je suis sur le point d'exploser. Je donne tout. Je cours, je force, j'halète. Mais Hazel reste hors de portée.

- Hazel ! hurlé-je de nouveau.

Elle poursuit sa route, indifférente. Comme si je n'existais pas. Ou comme si elle n'était pas vraiment là... J'ai mal. L'intégralité de mon corps me fait souffrir mais son absence encore plus. Je n'en peux plus. D'un grognement enragé, je laisse mon loup prendre le contrôle. Mon corps éclate, mes os craquent, mes tendons s'allongent. L'instant d'après, mes lourdes pattes retombent sur le sol, écrabouillant une flopée de coquelicots. Tant pis pour les fleurs. Remis de mes émotions, je cours, j'accélère. Mais je fais du sur-place. J'ai beau me tuer à la tâche, pousser des hurlements rageurs, rien n'y fait. Pourtant, Hazel s'arrête. Je m'immobilise sur le champ, le souffle coupé, le cœur battant. J'ai chaud.

Elle se retourne, lentement, au ralenti. C'est insupportable, c'est de la torture ; je veux voir son visage. Juste une dernière fois. Je ne respire plus. Au moment où elle me faut face, je ne vois rien d'autre que deux yeux écarlates luisant de malice. Puis tout disparaît.

Je me réveillai en sursaut, le corps ruisselant de sueur. Mon premier réflexe fut de chercher Hazel près de moi, comme à chaque fois que je me réveillais. La confusion m'envahit, puis la douleur : elle n'était plus là. De manière définitive. Au bord des larmes, je me rallongeai. Je me sentais dépassé les événements. Sur le point de sombrer. Je ne savais plus où j'en étais.

Pour me rassurer, je tournai la tête vers Neville qui dormait sur ma table de nuit, dans sa gamelle. Je ne m'éloignais jamais très longtemps de ce foutu rongeur. Qu'étais-je en train de devenir ? Un homme instable, colérique, plein de haine, avec pour seul compagnon un animal domestique plus à même de faire son deuil que moi... J'avais repoussé tous mes amis, les membres de ma meute, je me laissais doucement dépérir, j'avais volé le corps d'Hazel et maintenant... J'entretenais l'espoir insensé de la retrouver.

Qu'étais-je en train de faire ?

Qu'étais-je en train de devenir ?

Je n'en savais foutrement rien.

Énervé (mon état constant du moment), je me levai. J'avais besoin d'un verre d'eau ou d'une bouteille de vodka, je ne savais plus très bien. J'entendais les respirations de Maya, Camille et Axel, dans le salon. Je serrai les poings, mes articulations craquèrent. J'essayais de les éviter au maximum mais, puisqu'ils avaient élu domicile chez moi, c'était compliqué. J'avais toléré la compagnie de Maya parce qu'elle avait le caméléon mais Camille et Axel... Je les entendais tous les trois se chamailler constamment à mon sujet et je voyais leurs regards pleins de pitié dès que j'apparaissais dans leur champ de vision. Sans surprise, ils ne me croyaient pas.

J'avais envie de les haïr mais comment leur en vouloir alors que, moi-même, je ne me croyais pas ?

J'étais dans un état stable cette nuit. Plutôt lucide. J'avais conscience de chercher à tout prix une excuse farfelue pour prouver que je n'avais pas perdu la femme de ma vie à tout jamais. La majeure partie du temps, je m'en convainquais. Là, j'avais juste terriblement mal. La présence de son absence me rendait fou.

PatienceSWhere stories live. Discover now