Chapitre 1

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Théo

Le dos en compote, je range la dernière palette dans la réserve. À 25 ans, j'ai la douloureuse impression d'avoir le double de mon âge. Être employé polyvalent dans un magasin n'était pas mon projet d'avenir, loin de là, mais après mon premier master en littérature obtenu haut la main, j'ai découvert la dure loi du marché du travail et j'ai fini par postuler dans l'hypermarché de ma ville.

Pourtant, pendant un an, j'ai démarché des centaines d'entreprises et établissements publics à travers ma région qui correspondaient à mes études. J'ai même fini par m'intéresser au concours de l'éducation nationale afin d'être prof, mais j'ai vite déchanté en voyant le nombre de candidats pour le nombre réel de places. Aujourd'hui, mon boulot me permet de payer mon loyer, mes différentes charges et de m'offrir des extras, mais il n'est ni fun ni me donne envie de me lever le matin. Mais je le fais, car pas le choix.

Le pire dans tout ça, c'est qu'en faisant des études supérieures, je mettais promis d'avoir une bonne situation - pour moi et pour aider financièrement mes parents qui ont bossé toute leur vie dans une usine pour un salaire de misère - et de ne jamais postuler pour un travail alimentaire. À l'époque, j'avoue avoir été naïf. Je récupère mes affaires dans le vestiaire, effectue quelques courses pour le dîner de ce soir et me dirige d'un pas pressé vers les caisses.

― Salut Théo, t'as fini ta journée ? questionne Sarah, une caissière et une de mes plus proches collègues.

― Oui, enfin. T'es du service du soir ?

― Eh oui...

Comme beaucoup d'entre nous, elle est diplômée. Comme beaucoup d'entre nous, elle est ici par dépit. Je dépose une à une mes quelques emplettes dans un sac et récupère les bons de réductions qui sortent d'une machine.

― Tiens, Théo, un ticket pour tenter ta chance à la roue de la chance...

Je jette un regard blasé vers le jeu en question. Ce genre d'attrape-client ne m'intéresse pas, mais comme mes achats m'ont permis d'obtenir un ticket, je serai con de ne pas le passer dans la fente puisque la machine et sur mon chemin.

― Merci. Quels sont les gros lots ?

― Une voiture, cent mille euros et un séjour de trois semaines à Cannes.

― Donc des lots que je suis certain de ne pas gagner.

― Ne sois pas pessimiste. Il faut toujours avoir une lueur d'espoir dans la vie.

Je me retiens de lever les yeux au ciel. Ma lueur d'espoir a complètement disparu quand j'ai signé mon premier contrat dans cet établissement.

― T'es toujours optimiste, ça fait plaisir à voir. Bon, je te souhaite une bonne fin de journée et si je gagne le pactole, je t'invite dans un restau gastronomique.

― Quelle galanterie ! Théo, si tu n'étais pas gay, je t'épouserais.

J'éclate de rire et lui fais un dernier signe avant de me diriger vers mon destin sans grande motivation. Quand j'arrive à hauteur du jeu, il n'y a pas foule. Tant mieux, car a presque dix-huit heures, je ne supporte plus les clients. J'insère le ticket dans la fente et la roue se met en route. Elle tourne pendant quelques secondes avant de ralentir petit à petit. La flèche s'arrête dans un compartiment au bout de ce qui me semble être une éternité et toutes les lumières de la machine clignotent instantanément avec un son typique des victoires.

Je fronce les sourcils en posant mon regard sur mon gain. J'ai un gros bug quand je lis « séjour de trois semaines à Cannes ». Hein ? Moi qui ne gagne jamais rien j'ai réellement remporté des vacances tous frais payés ? Je suis en plein rêve, impossible autrement. Dans ma famille, on n'a jamais eu de chance aux jeux de hasard et même si je n'ai manqué de rien, j'ai construit ma vie à la sueur de mon front. Dans un état second, je me tourne vers Sarah qui se dirige vers moi en courant. Elle saute presque dans mes bras et me félicite :

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