Ticket-gagnant (BxB)

Chapitre 13

Théo

Il est quasiment vingt-deux heures quand je passe le seuil du hall du palace, des béquilles me soutenant. Il y a une effervescence humaine, mais je me rappelle rapidement pourquoi. Je peux aussi voir d'où je suis la salle de réception bondée et dont énormément d'employés en costume vont-et-viennent continuellement. Les clients, tout comme les autres invités, les ignorent complètement, préférant discuter et rire en exhibant leur plus belle tenue et leurs plus beaux bijoux. Je secoue la tête et me dirige vers les ascenseurs. J'ai dit à Lucas que je le rejoindrai à la soirée, mais tout à coup, je n'en ai plus très envie. Premièrement, car côtoyé toute une soirée l'élite ne me dit rien et deuxièmement, le plus important, je n'ai pas pris de smoking. Les portes coulissantes de l'ascenseur s'ouvrent quand la voix d'Étienne m'interpelle.  

― Monsieur Coutin ! Monsieur Coutin !

Je me retourne, mais ne le distingue pas avec tous ces corps qui passent et repassent. J'aperçois enfin son visage et lui souris quand il s'arrête à mes côtés.

― Bonsoir, Étienne. Vous passez une bonne soirée ?

― Oui, monsieur. Je suis désolé de vous déranger, mais monsieur Beauvois m'a chargé de vous dire qu'un costume vous attend dans votre suite.

― Je suppose que vous parlez de Lucas ?

― C'est exact, monsieur.

― D'accord, merci Étienne.

Note à moi-même : lui demander prochainement comment il a su que je n'avais pas d'habits adéquates dans ma valise. Je rejoins ma suite et m'habille en ignorant l'étiquette de la marque. Ce smoking est tellement cher que même dans cinq ans, je n'aurai pas fini de le rembourser. Je sais que Lucas veut me faire plaisir, mais contrairement à lui, moi j'aime les vêtements bons marchés, le genre qu'on trouve dans un supermarché ou même dans une friperie.

D'ailleurs, je crois que le plus cher que j'ai mis dans un habit, c'est 40 €. J'étais invité à un mariage de copains du lycée, donc je n'allais pas débarquer à la cérémonie avec un smoking bas de gamme. Je soupir, m'observe dans le miroir et fait jouer un peu mes épaules avant de me passer un coup de peigne dans les cheveux et m'asperger quelques gouttes d'eau de Cologne mis à disposition. Me voilà enfin prêt.

Je prends une grande inspiration pour me donner du courage et de la force afin de supporter les gens à cette soirée et sors de la salle de bain. Avant de partir, j'attrape mon porte-monnaie et le glisse dans la poche intérieure de ma veste. Même si mon compte en banque a connu des jours meilleurs, j'ai l'intention de faire un don. Certes, le montant sera insignifiant face aux grosses sommes versées par le reste des convives, mais c'est le geste qui compte.   

Les couloirs sont tout aussi vide qu'à mon arrivée de tout à l'heure et encore une fois, cela me fait froid dans le dos. D'habitude, il y a le personnel et quelques clients. Là, tout le monde est à la salle de réception.

Un couloir silencieux, c'est un peu comme une maison soit disant hantée : on n'a pas envie d'y rester indéfiniment. En plus, il y a pas si longtemps j'ai regardé Shining avec un pote. C'est pour cette raison que je presse le pas, ou plutôt les béquilles, pour rejoindre le plus vite possible le hall. Je ne suis pas du genre peureux, mais vraiment, un couloir silencieux fout les jetons.

À la salle de réception, je dois jouer des coudes pour que je puisse avancer. C'est dingue qu'ils restent tous figés comme des plantes alors que mes béquilles sont voyantes. Bon, la bonne nouvelle, c'est qu'en étant revêtu comme eux, ils ne me remarquent pas, au contraire j'ai droit à des sourires et des salutations enthousiastes.