Je dévisageai la louve avec sidération. Si sa fille, Maddie, n'avait pas été présente, je lui aurais certainement mis une bonne gifle pour lui remettre les idées en place. D'accord, j'abusais en me pointant ici alors que j'avais ignoré ma meute depuis des jours mais je faisais mon deuil, merde ! Les soutenir, eux ? Ils étaient les responsables de tout ce bordel. Avec leur mépris, leurs mauvais choix, leurs critiques et leur incapacité à cohabiter avec les autres espèces... Qui me soutenait moi ? Personne visiblement.

Il ne servait à rien d'insister.

Ainsi sous le feu des projecteurs, attirant les regards furibonds ou emplis de pitié de mes frères et sœurs de cœur, je me sentis comme la pire des merdes. J'avais cru avoir une famille... Je me retrouvais sans rien. Je comprenais que ma théorie puisse leur sembler farfelue et qu'ils aient du mal à me croire mais ils ne voulaient même pas m'écouter. Peu importe que j'aie tort ou raison au final, ils refusaient de m'accorder le bénéfice du doute.

J'étais seul.

Ce constat me plongea dans une rage froide.

- Vous savez quoi ? Je vais partir, décidai-je, impitoyable. Et jamais revenir.

Froncements de sourcils, bouches entrouvertes, yeux exorbités. Ne marchaient-ils qu'à la carotte ? J'allais de surprise en surprise avec eux. Comme quoi, on ne connaissait jamais vraiment les autres. J'étais terriblement injuste, j'en avais conscience. Charlotte avait perdu son époux, Axel l'une de ses vampires. Je n'aurais pas dû les haïr à ce point, les confronter à ce moment-là, encore moins péter les plombs. Mais je ne raisonnais pas de manière sensée. Je n'étais plus tout à fait moi-même et je ne le serais plus tant que je n'aurais pas retrouver ma femme. Chloé se remit à pleurer.

- Dylan, ce n'est pas...

- Qu'avez-vous fait pour moi pendant toutes ces années ? la coupai-je, ne connaissant aucune limite.

Un silence évocateur me répondit. Alec me dévisageait, sévère et impassible en même temps, se doutant certainement de ce qui suivrait.

- J'ai cédé ma place d'alpha à Alec, explicitai-je. J'ai accepté de suivre les ordres, j'ai voyagé à travers le monde pour satisfaire votre volonté de vous faire des alliés, j'ai déjoué de nombreuses attaques d'ennemis, usé de diplomatie lors de conflits, j'ai rencontré plusieurs fois mon géniteurs pour vous faire plaisir. J'ai été là, pour chacun d'entre vous, réalisant chacun de vos caprices, essuyant chacune de vos larmes. J'ai fait preuve de patience, de bon sens, d'écoute, d'amour, de tout ce que vous voudrez. J'ai été loyal et plus d'une fois j'ai passé l'éponge sur vos erreurs et suivi le mouvement. Je vous ai même laissé utiliser Hazel, pensant que vos intentions n'étaient pas si mauvaises et résultat elle est morte.

La vérité ne fait jamais plaisir à entendre. À voir les têtes des membres de ma meute, ils n'appréciaient pas tellement mes paroles. Tant mieux. Ras le cul de prendre sur moi.

- Si elle est morte, c'est de votre faute, à tous, assurai-je, ayant du mal à contenir ma colère. Continuez à jouer les hypocrites et à faire de la merde si ça vous chante mais moi, je me casse. Oubliez-moi et démerdez-vous.

Là. Je ne pouvais pas être plus clair et définitif. Avec eux, cette meute merdique, j'allais de déception en déception. Heureusement, j'étais arrivé au point mort. À moins de prendre une belle et de creuser davantage, impossible de tomber plus bas.

J'avais compris le message : à moi de jouer.

Personne ne me retint lorsque je quittai le repère des loups. Je sentis leurs regards choqués et peinés me suivre jusqu'à ce que je disparaisse de leur champ de vision mais personne ne vint. Au fond de moi, j'avais eu l'infime espoir que mon discours rageux ne les fasse réagir mais je m'étais fourré le doigt dans l'œil.

Un courant d'air tiède empreint du parfum d'Hazel effleura mon visage. Ce contact m'apaisa aussitôt. Je n'étais pas fou. L'impatience dans le creux de ma paume en témoignait. Elle était toujours là, quelque part. Il fallait juste que je trouve le moyen de parvenir jusqu'à elle. Si elle avait réussi à m'envoyer un message alors, tout n'était pas perdu. D'un pas décidé, je m'éloignai de la maison. Depuis des jours, je n'étais plus que l'ombre de moi-même. Hagard, amaigri, les yeux exorbités, c'était à peine si je respirais. Récupérer le corps d'Hazel avait tout changé. J'étais définitivement sorti de ma torpeur et j'étais prêt à agir.

- Tu sais vraiment choisir tes moments !

Je me figeai, surpris. Je n'avais entendu personne arriver, bien trop distrait par ma rage et ma détermination à élaborer un plan digne de ce nom. Qui osait me déranger ? Maya bien sûr ! Il n'y avait qu'elle pour me casser les couilles à toute heure du jour ou de la nuit. Je me retournai brusquement pour lui faire face et passer ma colère sur elle mais restai soudainement interdit en découvrant ce qu'elle tenait dans les bras. Avec sa robe haute couture qui moulait son corps musclé, sa peau caramel, et sa longue chevelure brune coiffée à la perfection, j'eus envie de la rembarrer. N'était-ce pas un peu trop pour « pleurer leurs morts » ? Au final, peu importe comment elle s'habillait, j'étais si furieux et j'avais si mal que j'aurais sauté sur la moindre excuse pour foutre la merde.

- Les Césars c'est pas ici.

- Je pourrais te dire la même chose ! me rembarra-t-elle. Ton discours était mélodramatique à souhait, j'ai presque failli applaudir.

Ils mettaient tous ma patience à rude épreuve. J'avais des envies de meurtres et je risquais de les assouvir d'ici très peu de temps. Je serrai les poings et retins mon loup. Dure période que je vivais là. En un claquement de doigts, je pouvais me transformer en véritable monstre. Mais je n'étais pas comme ça. C'était une chose de m'en prendre à mon entourage en leur balançant des reproches à la gueule et c'en était une autre que de réduire mes émotions à néant et tuer toutes les personnes qui me contrariaient.

- Donne-moi le caméléon.

Elle fronça les sourcils, s'attendant sûrement à ce que je rembraye sur un combat de clashs. Mais je n'étais pas d'humeur. Dans ses mains, le caméléon, sur lequel nous expérimentions diverses choses afin de mieux comprendre Hazel, se tortillait. J'avais compris où Maya voulait en venir avec lui et c'était une sacrée bonne idée. Si j'arrivais à trouver comment ce reptile fonctionnait, peut-être que je pourrais élaborer une stratégie pour mettre la main sur Hazel, où qu'elle soit.

- Le caméléon reste avec moi, rétorqua Maya, catégorique, avant de me rejoindre. Et c'est ton jour de chance, moi, je reste avec toi !

Une douce chaleur réchauffa mon petit cœur cassé. C'était moindre comparé à la douleur lancinante qui m'assaillait toujours mais un peu de baume ne me faisait pas de mal. J'échangeai un regard avec Maya qui me fit comprendre qu'elle ne me lâcherait pas. De toutes les personnes de ma meute... C'était bien l'une des seules qui avait toujours été là pour moi. Malgré toutes les épreuves que nous avions traversées. Malgré notre relation en dents de scie.

Je n'étais pas si seul que je ne le pensais. J'avais Maya à mes côtés. Et un foutu caméléon.

C'était mieux que rien.

PatienceSDonde viven las historias. Descúbrelo ahora