E-MAIL ❖ dylan o'brien

40. personnel

Le 3 juin 2021

"Maman, à l'école ils disent que c'est pas possible que mon papa il soit en vacances depuis super longtemps et qu'il court sur les nuages !" J'attrape ton cartable et esquisse un sourire. À sept ans passés, je ne pensais pas que tu croyais encore à cette histoire. J'aurais pourtant dû m'en douter : tu n'as jamais été réellement confrontée à la mort et tu es encore un bébé. Mon bébé. Tu me donnes la main, hésitante. Pourquoi sembles-tu si distante avec moi ces derniers temps ? "Tu sais maman... c'est pas bien de raconter des mensonges." J'écarquille les yeux.
"Mais enfin mon ange, pourquoi dis-tu ça ?" Nous faisons notre chemin jusque la maison alors que je contrôle l'heure régulièrement. J'ai un rendez-vous très important à dix-sept heures et je ne voudrais pas être un retard. De plus, je dois te confier à une baby-sitter pendant une bonne partie de la soirée.
"Parce que les gens qui courrent sur des nuages, ça existe pas. La maîtresse elle a dit que les nuages c'est de l'eau qui vole. Mon papa il marche pas sur de l'eau dans le ciel, hein ?" Bébé, et si tu buvais ta brique de jus d'oranges ? "Et mon papa, pourquoi il préfère s'amuser en haut alors qu'il pourrait être avec nous en bas ? C'est parce qu'il aime bien faire du sport ?" Je savais bien qu'un jour, tu finirais par me poser des questions mais je repoussais l'échéance au maximum. J'ai toujours eu peur de cette confrontation, du moment où tu serais assez grande pour t'interroger... et j'aurais tellement voulu que ce soit ailleurs que dans la rue. Je ne peux pas contenir mes larmes, ça fait trois ans que je n'en ai plus parlé à personne. Mon amour, si tu savais comme je souffre... "Moi je pense que mon papa, il doit être super hyper méga fatigué parce que il court depuis vachement longtemps !" Tu tires ma manche à plusieurs reprises. Oh oui, je t'écoute... "Maman, tu pleures ?" J'essuie rapidement mes yeux.
"Quoi ? Absolument pas Phinees." Tu fronces les sourcils.
"Si tu pleures. Tu pleures parce que tu aimerais être forte comme papa ?"
"Oui, voilà."
"Oh mais non maman, tu dois pas pleurer pour ça. Toi aussi un jour tu seras un super-héros comme papa." Oh Philippines, c'est tellement plus compliqué que ça. "Alors, sinon ?"
"Oui..?" Je t'en supplie.
"C'est vrai ou pas que papa il est dans les nuages ? Les copains ils disent que les avions ça peut pas mettre des gens dans les nuages." J'insère la clé dans la serrure. En entrant dans la maison, je te déchausse, retire ta veste en cuir et tu vas t'asseoir dans le canapé. Je m'installe aussi et tu grimpes sur mes genoux. Tu chatouilles ma nuque, comme chaque fois que quelque chose te dérange. "Mon papa il me manque."
"Philippines, n'écoute pas tes copains à l'école. Ils racontent des bêtises. Papa vit dans les nuages et-"
"Il brille la nuit dans le ciel pour me dire qu'il m'aime." Tu me coupes, un sourire en coin.
"Et il t'aime. Bon sang, comme il t'aime. Et tu sais qui d'autre t'aime ?"
"Toi ?"
"Oui mon bébé, je t'aime de tout mon cœur." Tu poses une main tremblante sur mon sein gauche.
"Boum boum boum... est-ce que ton cœur il fait boum parce que tu aimes papa ?"
"Mon cœur fait boum parce que je vous aime tout les deux. Tu reverras papa très bientôt, je te le promets."
"Est-ce que tu continues d'envoyer mes dessins à papa ?"
"Il les adore chaton et il m'a dit qu'il te feras un gros cadeau lorsque que tu seras grande."
"Quand j'aurais quel âge, ma maman ?"
"Dix-huit ans."