Chapitre 23

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Tongue tied over three words, cursed


Louis

Le message de Zayn a réveillé en moi des émotions enfouies. Le dévouement de l'ami, l'angoisse du père, la frénésie de celui qui est passé par là. Au clignotement de la notification il y a une heure, je ne me suis posé aucune question. Mon corps s'est levé du canapé à la vitesse qui l'aurait animé si cet enfant était le mien. J'ai filé à la clinique privée de Londres sans même demander aux autres s'ils comptaient se mettre en route.

En donnant mon nom à la grille, j'ai adressé un joli doigt d'honneur aux photographes refoulés avant de redémarrer en trombe à l'ouverture du portail. J'attends désormais sur un canapé, un bouquet de fleurs sur les genoux, et mon mal à prendre en patience. Rien ne me sauvera des divagations de mon esprit. Il y a quelques mois, j'aurais ri au nez de quiconque se serait aventuré à me dire qu'on en arriverait là. Au pardon, à la paix, aux secondes chances. Ils ne semblaient inatteignables que parce que je n'avais pas encore trouvé le moyen de les offrir. A eux, à moi. Aujourd'hui, si l'on accueille une nouvelle vie sur terre, j'ai drôlement l'impression d'en commencer une moi aussi.

Foutu pour foutu, je me perds dans la relecture du message dont m'a assommé Lottie suite à la publication de ma vidéo. J'en ai reçu plus que je ne le méritais. Des milliers de pensées contradictoires m'ont retenu d'appuyer sur ce bouton. Et si c'était trop. Et si on me traitait de menteur, de profiteur, d'hypocrite, de pute-à-clic. Et si je regrettais, une fois le point de non-retour franchi. Et si Harry y restait sourd sous prétexte qu'il serait trop tard. Puis je me suis rappelé que de tous mes actes égoïstes, celui-ci était le seul que je me devais. Alors j'ai juste cliqué. Mon téléphone a explosé avec mes craintes. Je l'ai laissé sur la table pour aller courir et aucune ne s'est concrétisée. Je n'ai ressenti qu'un immense poids quitter ma poitrine. Une couche d'apparences et de doutes, invisible à l'œil nu, partie en fumée. Dans ma course, je me suis réinitialisé. Ils m'ont félicité comme si je venais de remporter la guerre, et pour être honnête, si je pensais qu'ils ne devraient pas m'accorder autant d'importance et que je croyais m'être émancipé de ce besoin validation, la leur m'a donné la force d'en affronter les conséquences. La seule réaction que j'espérais n'est pas venue. J'ai attendu un signe d'Harry mais à quoi bon. Je sais qu'il reviendra. En fait, il revient maintenant.

Lorsque je remarque sa silhouette dans ma vision périphérique, je crois rêver. Non. Il débarque en trombe dans le hall, fonce à l'accueil et s'accoude au comptoir pour attirer l'attention. Le choc me foudroie sur place. Il ne peut pas être là. Déjà. Mon cœur bat à m'en rompre les côtes. Je cesse de respirer comme s'il ne fallait pas que mon souffle trahisse ma présence, et que le but n'était de toute façon pas que l'on se retrouve.

Le standardiste me désigne, peut-être moi, ou peut-être la salle d'attente. Rapidement, Harry se tourne vers moi. Il ne faut qu'une fraction de seconde à ses traits tordus par la panique pour se détendre en un sourire radieux. A chacun de ses pas, les fourmis dans mes jambes me menacent de retomber sur le coussin duquel je me suis levé. Je me demande s'il sait. Bien sûr qu'il sait. Tout son langage corporel me l'assure. Ses enjambées pressées, la lueur dans ses yeux qui me déshabillent, ses fossettes rieuses. J'ai d'abord cru qu'il me sauterait dessus. Planté devant moi, il se contente de glisser les mains dans les poches de sa veste brodée et de me dévisager d'un émoi destructeur pour ma capacité à réfléchir.

— J'arrive pas à croire que—

— Toi tu—

— Un bébé, on prononce à l'unisson.

When the Curtain Calls (LS) ✓Där berättelser lever. Upptäck nu