Chapitre 18

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Pay attention, I hope that you listen 'cause I let my guard down


Harry

Depuis le jour où j'y ai mis les pieds, l'Italie s'est révélée un coin de paradis loin de Londres. Une jungle d'odeurs et de saveurs, un inconnu familier, une source d'inspiration rêvée. J'y viens souvent l'été. L'ouvrir à Louis, c'est lui attribuer la place qu'il mérite dans ma vie. J'aimerais qu'il en prenne plus. Pour l'instant, il y reste si discret que j'en oublie qu'il n'en a pas toujours été ainsi. Le premier lui que j'ai rencontré bouffait mon air. On se suivait comme nos ombres. Lorsqu'il ne me touchait pas, il était sur mes genoux. Lorsqu'il ne me charriait pas, il partait à ma recherche. Je n'avouerai pas que ce Louis me manque. Je suis peut-être plus nostalgique du passé que prévu. Je combats ces souvenirs qui m'obsèdent et entachent le présent sous prétexte qu'il ne me donne pas satisfaction.

J'ai conscience que notre présence sera bientôt dévoilée. Louis évitera ma main à l'extérieur et nous pisterons les parasites. Autant l'affronter ici, à des kilomètres de l'air anglais étouffant. Je me sens gamin en veille de Noël. Je voudrais parcourir les rues des vieux quartiers de Salerne sans réfléchir au lendemain. Que le temps se fige pour nous. Je me suis tellement imaginé cette échappée que je refuse de la gâcher avec de la retenue.

Le réveil a été marqué par l'excitation du départ, puis nous avons sombré sur l'épaule de l'autre dans l'avion. Louis était calme, pas franchement bavard, mais je l'ai mis sur le compte du manque de sommeil et du rythme soutenu des dernières semaines. A notre arrivée au soleil de midi, il s'est joint à l'humeur. Une bonne connaissance nous a réservé le patio de son restaurant à l'abri des regards. Nous y sommes parvenus sans encombre, affamés par le voyage. Cachés par le lierre, la pierre jaune et les paravents en bois, nous avons mangé en tête-à-tête ce que la gastronomie italienne offre de meilleur. A peine l'entrée servie, sa langue s'est déliée.

— Est-ce que tu crois que c'est condamné à être bizarre entre nous ?

Je hausse un sourcil. Sous son attitude décontractée, il ne s'octroie donc aucune seconde de répit.

— Bizarre ? je répète. Je ne dirais pas ça. Nouveau oui. Par définition, rien n'est condamné à le rester.

— Pardon, c'est pas le mot, s'excuse-t-il. Mais bordel, j'essaie de trouver tout ça normal.

— Alors dis-moi. Dis-moi ce qu'il te passe par la tête et qui sonne anormal.

Je pose ma fourchette et renonce à mon assiette de tomates pour lui accorder mon attention totale. Son hésitation m'interroge, sauf que je pourrais répondre à sa place. Il faut qu'il sorte ce que je n'entends que de la bouche des autres.

— J'ai juste... j'ai juste l'impression de devoir être à la hauteur d'un truc que tout le monde s'imagine. Harry et Louis finissent ensemble après dix ans de rumeurs ? Feu d'artifice, ils doivent être les plus heureux de la terre. Louis explore enfin sa sexualité ? Génial pour lui, encore faut-il l'assumer publiquement, sinon ça ne compte pas. Tu vois ? Il y a des attentes irréalistes qui tombent de nulle part alors que moi, je n'ai envie que de ça, finit-il en désignant l'espace entre nous.

Son regard a virevolté aux quatre coins du patio. Je ne peux pas m'empêcher de songer qu'avec cette muraille érigée autour de nous, son subconscient lui miroite une situation largement pire qu'elle ne l'est en réalité. Nous n'en sommes pas au même point, je le sais, pourtant la peine continue de me compresser la poitrine dès qu'il l'évoque. Je veux être son confident. J'ai la fâcheuse tendance à croire que l'on se méfie de moi si l'autre se retient d'être lui-même, ou n'ose pas s'exprimer.

When the Curtain Calls (LS) ✓Where stories live. Discover now