Chapitre 56 : L'an passé sans être serrée

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Tu ne m'a jamais pris dans tes bras, et au delà des océans j'ai encore beaucoup trop de mal brulant au dedans. J'avais préparé un beau texte pour dire que cela fait un an que le vent t'as emporté. Les photos, je n'arrive pas à les jeter, gardant la sincérité illustrée d'un instant capturé. En ce 26 juillet, le soleil est haut dans le ciel comme l'année passée. J'y aperçois les souvenirs qui auraient du rayonner mais au lieu de ça je ne vois que le présage d'un combat qui n'a pas encore commencé.

Non, je n'arrive pas à rester sage. Point de suture ou point de rupture. Au son des fers j'essayerai de me remettre les idées au clair. Je vais y chercher l'assurance qui mènerait à une fin salutaire. Personne n'y croit guère. J'essaye d'être forte tant bien que mal, de ne pas. Pour ne jamais baisser les bras, pour ne jamais rester au sol en pensant que je ne serais pas capable de me relever. Pourtant je crois que je suis tombée, les deux genoux à terre et qu'en ce nouveau mois de juillet, je ne suis pas entourée comme je l'ai été.

Je n'ai nul regard à croiser qui saurait déchiffrer l'expression dans mes yeux bruns de défiance et de souffrance marqué. J'écris pour atteindre les souvenirs de ces étreintes quand dans mon monde la lumière s'est éteinte. Oui j'écris pour te rejoindre un peu, je me demande si au moins de là-bas tu es heureux ? S'il n'y a qu'un fou pour croire que l'on peut changer le monde. S'il n'y a qu'un fou qui peut encaisser sans répondre, je crois que mon cœur prendra alors le partit de sortir du camp des ombres.

Les douleurs sont muettes et au dessus de moi il y a des mouettes. Je me demande si elles arrivent à voir que ma façade aux sentiments distant masque une âme plombée d'épuisement. Je n'arrive à croire que ça fait déjà un an. Tu es dur à aimer tu sais ? Mon côté obstiné refuse d'arrêter d'essayer. Je vois du noir dans les nuages, j'ai mis un peu de bleu foncé sur mes phalanges qui ont trop tapées. Je vois du noir dans le futur qui se présage, j'ai mis un peu de chaleur dans mes articulations que j'ai trop sollicitées.

Je savais pertinemment que tu allais t'en aller, j'aurais quand même espéré avoir plus d'histoire à raconter. Tu ne m'as jamais porté, tu ne m'as jamais serré dans tes bras. Simplement comme ça, comme l'aurait pu faire un père. Tu vois, ça fait mal de regarder en arrière. Moi, je me souviens de la seule étreinte que tu m'as donné, ou plutôt celle que je t'ai cédé.

Celle du dernier au revoir, celle de mon dernier départ. Quelque part au fond d'un couloir d'hôpital, les murs d'une chambre se souviennent ce que j'y ai laissé avant qu'un sommeil plus apaisé ne t'étreigne. Ces mêmes murs également se rappellent du soin que j'ai mis à refermer la porte sans faire de bruit, au temps que j'ai laissé ma main sur la poignée, comme si déjà en moi je savais. Ils se rappellent du crochet que j'ai fait par la salle des internes pour aller feuilleter une dernière fois ton fichu dossier.

Toi tu étais apaisé, je t'avais serré. Moi je voulais simplement me débrouiller pour te faire rentrer. J'avais mené la bataille toute la journée. C'était ce que tu voulais, je l'avais gagné, je pouvais m'en retourner. Aujourd'hui encore, peu de gens prennent le droit de passer autour de mes épaules leur bras. Il y a peut-être uniquement ce garçon là qui en a le cran et à qui je ne résiste pas. Je n'arrive juste pas à voir l'avenir sans que l'on s'en aille, ma vie est juste un navire sans gouvernail.

Non tu ne m'as jamais pris dans tes bras, et grâce ou à cause de ça, je n'ai laissé personne le faire après toi. Si au temps en emporte le vent, un rien emportera celui que tout le monde a écrit. Tant pis. Jamais n'aura été aussi vrai les mots que ce jour ci tu avais difficilement prononcés, « j'espère que ça va bien se passer » alors que tu n'arrivais même pas seule à devant les médecins te redresser. Et comme quelqu'un me l'avait fait remarqué, peut-être que ces mots ne t'étaient pas uniquement dirigé, et que vers moi un autre sens caché m'était destiné. On ne le saura jamais, alors que de ton présent tu aurais pu me serrer.

Ma vie avec Toi CancerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant