24 : Les Adieux Au Duc

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Sophie était sur les marches du château, en train d'assister au départ de son mari. Plusieurs cavaliers l'accompagnaient et se préparaient eux aussi pour la longue route qui les attendait.

Philippe remit en place son fourreau et tritura ses mains avant de regarder sa femme. Il n'était pas à l'aise devant tous ces nobles qui les observaient. Il ne montrait que rarement son affection pour une dame. Et encore moins pour son épouse. Il appréciait la première mais elle était vite tombée dans les bras du roy durant son absence. Le jeune homme n'appréhendait pas d'aller sur le champ de bataille, non il avait peur de ce que son frère pourrait accomplir avec sa femme. Il attrapa la main de Sophie, et s'approchant d'elle murmura :

– Si vous vous ennuyez dans luxueux château, écrivez-moi. Racontez ce que vous voulez dans vos lettres, ce que vous avez porté, comment va notre enfant. Peu importe. Pensez à moi et ne regardez aucun autre homme.

– Voyons Monsieur, répondit-elle en posant une main sur sa joue, vous êtes le seul homme présent dans mon cœur. Si vous avez mis autant de temps à y entrer, cela sera difficile pour vous d'en sortir.

Un sourire éclaira brièvement le visage du duc avant que son visage redevienne froid. Il ne devait pas se montrer faible devant les courtisans. Mais il ne put se résoudre à rester de marbre lorsque Sophie le prit dans ses bras en embrassant sa tempe. Il répondit à son étreinte et chuchota à son oreille :

– Prenez garde à vous Sophie, une fois parti, vous serez seule. Ne vous faites pas avoir. Les visages d'anges peuvent cacher de grands démons.

Il recula et s'inclina avant de mettre son chapeau et de monter sur la selle de son cheval. Il la salua et donna l'ordre de partir. Les troupes françaises partirent au trot et Sophie regarda son époux s'en aller. Sans réfléchir, elle descendit à toute volée les marches et courut pour rattraper Philippe.

– Philippe ! cria-t-elle.

Ce dernier se retourna et vit sa femme courir derrière les chevaux. Il arrêta tous ses hommes et jura avant de descendre rapidement de son cheval et de la rejoindre. La jeune femme s'écroula dans ses bras, les larmes coulant sur ses joues. Elle secouait la tête et disait des mots qu'il ne comprenait pas.

– Sophie, calmez-vous. Dites-moi ce qu'il se passe.

– Ne me laissez pas seule ici. Je vous en supplie, murmura-t-elle. Je ne suis pas chez moi ici.

– Sophie... murmura-t-il en embrassant sa tempe tout en regardant autour de lui. Nous en avons déjà discuté, vous ne pouvez partir avec moi.

Il la serra fortement contre elle et chercha du regard une dame d'honneur de la duchesse. Apercevant la comtesse de Beaufort, il lui fit un signe pour qu'elle les rejoigne. Cette dernière accourut aussi vite que possible et s'inclina devant le couple royal.

– Raccompagnez mon épouse dans ses appartements et veillez sur elle. Si le moindre malheur devait lui arriver, vous en pâtirez.

– Bien votre Altesse.

– Sophie, dit le duc en la regardant. Regardez-moi. Vous devez être forte. N'oubliez point qui vous êtes : la duchesse d'Aquitaine, Altesse royale de France. Je vous promets de revenir mais vous avez un statut qu'il vous faut respecter. Ils vous regardent tous et ils prendront exemple sur vous. Montrez ce côté chez vous qui m'a fait succomber.

– Vous... Vous m'aimez donc Philippe ?

Le duc hésita longuement avant de répondre. Devait-il mentir pour la protéger ou bien lui dire la vérité ?

– Oui Sophie, vous êtes une personne forte, audacieuse et à la fois douce. Maintenant, rejoignez vos appartements.

Il la quitta en pleurs, et rejoignit sa monture. Tous ses soldats le regardaient. Venait-il de mentir à sa propre épouse ? Oui. Il n'aurait jamais pu partir s'il lui avait dit qu'il ne l'aimait pas. Et elle aurait été dévastée. Il fit un geste de la main et tout le convoi repartit au trot. Il était temps de combattre tous ceux qui défendaient l'électeur de Saxe : Auguste II.

Depuis la fenêtre de ses appartements, Louis observait tout ce qui se passait dans la cour du château. Ainsi, son frère tenait à Sophie de Lorraine. Voilà qui était intéressant. Il saurait tirer avantage de cette information. Le cardinal de Fleury se tenait derrière lui, un dossier à la main. Il attendait que le roy ait fini d'observer le départ de ses troupes.

– Cardinal, demanda soudainement le roy, pensez-vous que nous gagnerons cette guerre ?

– Hum votre Majesté, tout dépend de comment les troupes sont conduites. Nos alliés sont nombreux mais nos ennemis le sont tout autant. Dieu sera avec nous mais j'espère que son Altesse saura diriger.

– Pour cela, je n'en doute pas. Il a toujours été un grand guerrier. Quand j'apprenais les fonctions d'un souverain, lui s'entraînait pour la guerre. Mon frère pense qu'il ne me parlera plus jamais. Persuadons la duchesse de passer du temps avec moi et la reine. Il nous la faut de notre côté.

– Sire ?

– Si je ne l'ai pas près de moi, mon frère deviendra fou et j'aurais un problème à résoudre en plus. Il partira pour l'Aquitaine et je n'aurais plus son soutien. Sophie doit être vue en ma compagnie. J'exige que l'on donne de nombreux bals dans le château.

– Mais la guerre va nous coûter énormément votre Majesté. Nous ne pouvons nous permettre de dépenser de telle sorte, s'inquiéta le cardinal.

Louis XV se retourna vers son ministre et le toisa du regard. L'ecclésiastique s'inclina puis sortit de la salle, le dos courbé. Le roy regarda de nouveau par la fenêtre et vit Sophie enlacer son frère avant que celui-ci ne remonte à cheval. Oui, il devait se rapprocher de Sophie. Qui sait, sa compagnie devait se montrer fort intéressante. Il se servit une coupe de vin et s'installa dans son fauteuil face aux feuilles de papiers laissées par ses messagers. Un problème à la fois, pensa-t-il. 

 

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Les Secrets du Duc d'AquitaineWhere stories live. Discover now