𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟑𝟏

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LUKE

Le soleil brûle presque nos peaux. Au loin dans le ciel, nous entendons les mouettes survoler la mer, prêtes à attraper les poissons surgissant à l'air libre... Les embruns salés de l'eau nous enveloppent d'un sentiment de bien-être. Cette journée ne peut que bien se dérouler. Le beau temps est avec nous, nous sommes en famille, entre amis et leurs sourires sont tout ce dont j'ai besoin pour être heureux.

Assis sur ma serviette, une main posée sur la joue de ma bien-aimée, je l'embrasse tendrement quand nous sommes interrompus par notre fils qui traîne derrière lui son cerf-volant coloré.

— Papa, tu le fais voler avec moi ?

— J'arrive, fiston.

Il s'éloigne vers la mer et je me lève après avoir donné un dernier baiser à Angel. Je place le sac contenant ma bouteille à oxygène sur mon dos.

— Vas-y doucement, Luke.

— Ne t'inquiète pas. Je ne vais pas mourir aujourd'hui ! lancé-je les bras grands ouverts, les paumes vers le ciel et le sourire sur les lèvres.

— Ne vas pas nous faire de la plongée sous-marine ! intervient Naël.

— Tu le fais exprès, dit Sofia en donnant un coup de coude à son mari.

Nous rions avec Naël tandis que les femmes de nos vies soupirent, exaspérées par ma bonne humeur, mais rien ne gâchera mes derniers moments avec eux, même pas la mort. Je rejoins mon fils qui m'attend et une fois les pieds dans l'eau, nous faisons voler le cerf-volant très haut dans le ciel bleu. Des moments comme celui-là, nous en avons eu beaucoup ces deux dernières semaines.

Avec Angéline, nous avons décidé qu'Evan n'irait à l'école que le matin pour qu'on puisse passer tous les après-midis ensemble. Nous avons vu avec sa maîtresse qui n'a pas résisté à cette demande. Ainsi, un rythme s'est mis en place : après une balade, un jeu ou bien un moment de tranquillité, nous faisons les devoirs tous les deux pendant qu'Angel nous prépare de bons petits plats. Avec mon fils, nous nous sommes unis pour encourager Angel à poursuivre son rêve et ouvrir enfin son restaurant, mais c'est toujours la même excuse :

— Je n'ai ni le temps ni l'argent.

Alors un soir que nous étions seuls, moi et Evan, je lui ai fait promettre qu'il ne devait pas laisser sa maman s'effondrer. Qu'il devait la soutenir et l'aider du mieux qu'il peut ! Je lui ai dit que ça sera difficile les premiers mois, voire les premières années, mais qu'ils finiront par se reconstruire, car ce sont des survivants. Ils survivent toujours ! Et lorsque je regarde mon fils, même si j'aperçois des interrogations dans ses yeux, je suis certain qu'il comprend ce qu'il se passe. Il n'est pas bête, c'est mon fils après tout !

— Papa, aide-moi !

La voix d'Evan me sort de mes souvenirs. Bien qu'il fait beau, il y a beaucoup de vent et le cerf-volant tire de plus en plus fort alors je pose mes mains sur celle de mon enfant et l'aide à tenir la toile. Angel capture ce moment avec son portable sous nos éclats de rire.

Nous construisons un château de sable où nous imaginons notre vie royale. Mon prince, ma reine et moi ainsi que nos chers amis vivrons pour l'éternité ensemble dans cette vie-là. Personne pour nous séparer et aucune maladie pour nous emporter loin de ceux qu'on aime... Seulement nous trois et ceux qui comptent vraiment. Mais ce n'est qu'un rêve. Un rêve qui ne se réalisera pas...

Alors que le soleil se couche, laissant de magnifiques couleurs prendre place dans le ciel, je suis pris d'une toux qui ne veut pas s'arrêter. Les yeux d'Angel, de notre fils et de nos amis m'observent avec inquiétude, personne ne sachant quoi faire. Mais il n'y a rien à faire, justement... Il faut tout simplement attendre que ça se calme. Je me lève avec difficulté, m'éloigne d'eux et leur tourne le dos. Je sors un mouchoir de ma poche et tousse, quand je le regarde, je m'aperçois qu'il est tâché de sang, et pas qu'un peu... J'essaie de reprendre mon souffle et une fois ma respiration maîtrisée, je retourne auprès de ma famille, le sourire aux lèvres comme si ce qu'il venait de m'arriver n'avait pas d'importance...

ÉvangélineWhere stories live. Discover now