𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟐𝟖

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ANGELINE

Il m'a été impossible de me rendormir après ce cauchemar... Mes pensées n'ont pas cessé de dériver vers Luke... Je me pose tout un tas de questions, et je n'ai pas eu le temps de lui demander pourquoi son état de santé s'est autant dégradé. Il faut que je le voie à tout prix et le mieux, ce serait avant que l'audience recommence.

Incapable de rester au lit, je décide de préparer des cookies aux pépites de chocolat alors que le soleil n'est même pas encore levé : il n'est que six heures du matin. Comme si je n'avais que ça à faire du reste de ma nuit...

Une fois les cookies au four, je pars réveiller mon fils qui m'a demandé un millier de fois quand il pourrait voir son père. Une question que j'ai évitée comme j'ai pu, mais qui a refait surface ce matin au petit déjeuner. Je me place face à lui, l'estomac noué et tandis qu'il déguste un biscuit encore tout chaud, j'essaie de lui donner une explication qui tient la route tout en le regardant tendrement :

— Papa a dû s'absenter pour quelques jours, mais il va revenir, enfin... Je suis certaine que tu vas bientôt le revoir. Il faut juste être patient, d'accord ?

Il acquiesce, son sourire retrouvé, et boit son bol de lait avant d'aller s'habiller. La simple pensée de mon fils devant affronter l'horrible vision d'un père malade me brise le coeur.

Alors que nous descendons les escaliers de l'immeuble pour aller à l'école, j'aperçois un origami abandonné sur le sol. Mon cœur s'emballe légèrement. Je récupère le morceau de papier en forme de cygne, le déplie, mais rien. Il n'est pas arrivé ici par hasard, il est pour moi, j'en suis sûre ! Charles, quand vas-tu comprendre que nous deux, c'est terminé... ? Une fois que j'ai emmené Evan à l'école, toujours le sourire aux lèvres, je pars directement pour l'hôpital avec une arme redoutable dans mon sac à main.

Je ne sais pas si c'est de la chance - il doit forcément y en avoir un peu - mais c'est toujours l'officier Smith qui est posté devant la porte de Luke. Je m'approche de lui, un rictus sur les lèvres, espérant qu'il soit de bonne humeur.

— Bonjour, lancé-je.

— Bonjour, madame. Je ne peux pas vous laisser voir le prisonnier.

Le prisonnier. Luke n'en est pas un. Ils le voient tous comme un monstre... A mes yeux, c'est un ange.

Je sors de mon sac un tupperware rempli de cookies.

— C'est pour vous. Je les ai faits moi-même et je suis très douée, chuchoté-je sur le ton de la confidence en cachant mon visage d'une main.

Le regard de l'agent de police glisse avec hésitation entre la fameuse boîte et moi. Je prie intérieurement pour qu'il l'accepte et qu'il me laisse entrer. Après quelques secondes qui me paraissent une éternité, il cède enfin.

— Si quelqu'un vous trouve à l'intérieur, ce n'est pas moi qui vous ai fait entrer.

Je mime une bouche cousue, remercie l'officier Smith puis entre dans la chambre. Je m'avance doucement vers Luke qui est en train de finir de se préparer pour l'audience. Il se tourne vers moi tout en finissant de boutonner sa chemise.

— Angel, que fais-tu ici ?

— Je t'ai dit que je viendrais tous les jours Luke.

Je m'approche en douceur et prends ses mains dans les miennes.

— Je veux tout savoir. De A à Z. Ne passe pas par quatre chemins et soulage-toi d'un poids qui t'a détruit tout ce temps...

Il me regarde droit dans les yeux et j'aperçois à travers ses iris qu'il est décidé à tout me dire. Qu'il est enfin temps que je connaisse la vérité ! Nous nous asseyons sur le bord du lit, toujours main dans la main et il se lance, ouvrant la conversation sur son état de santé :

— Il y a quelques mois de ça, alors que je m'apprêtais à revenir dans vos vies en espérant te reconquérir, j'ai eu plusieurs symptômes qui n'ont laissé aucun doute sur ma maladie. J'ai un cancer des poumons au stade terminal... Je n'en ai plus que pour quelques semaines, peut-être un mois, mais c'est peu probable.

Mon visage est figé, mes yeux plantés dans ceux de Luke, et mon esprit bloqué sur les paroles qu'il vient de balancer d'un seul trait, comme s'il avait attendu cet instant depuis des années. J'ai beau essayé de parler, de dire quelque chose, aucun mot ne sort, je suis sous le choc.

En voyant ma réaction, Luke me prend dans ses bras et me serre fort contre lui. L'odeur du gel douche qui émane de son corps me déstabilise une bonne fois pour toutes, et des larmes se mettent à dévaler mes joues. Ce n'est pas possible d'être malchanceux à ce point. Qu'a-t-il fait pour être condamné à mourir à seulement vingt-huit ans... ? Je vais le perdre à nouveau et cette fois pour toujours, et je n'imagine même pas Evan qui lui, vient de faire sa connaissance...

— Je ne veux pas te perdre..., finis-je par lâcher entre deux sanglots.

— Je serai toujours présent, Angel... Tu n'auras qu'à penser à moi pour que je sois à tes côtés, dit-il en passant sa main sur ma joue.

Je le regarde dans les yeux et hoche la tête. Il a beau dire qu'il sera là, ce ne sera pas vraiment le cas. J'ai besoin de lui. Je veux continuer de lui parler, de l'aider, je veux qu'il me fasse encore rire, qu'il continue à élever notre fils. Je veux qu'il soit un père et un mari présent, mais c'est impossible... Je ne peux pas me faire à l'idée de le perdre. On devait vieillir ensemble, continuer d'accomplir nos rêves et être enfin comblés, car jusqu'à ce qu'il revienne dans nos vies, je ne faisais que du sur place. Je stagnais comme si j'attendais que quelque chose ou quelqu'un m'attrape pour me sortir du sable mouvant dans lequel je m'enfonçais petit à petit.

Nous passons quelques minutes sans rien dire, dans les bras l'un de l'autre à savourer cet instant poignant avant que le destin ne brise Luke une ultime fois. Et puis, soudain, je lève la tête pour poser la question qui me hante :

— Est-ce que tu l'as tué ?

Il m'observe, laissant le suspens s'installer, avant de souffler « Non ». J'en étais sûre, j'avais raison de lui faire entièrement confiance. Et même si ça n'allait pas fort pour lui et que j'ai douté, une partie de moi connaissait déjà la vérité...

— Alors pourquoi, Luke ?

— Je vais mourir, Angel... Alors si je peux le sortir de la merde une dernière fois, tu sais que je le ferai.

— C'est justement à cause de lui, à cause de toutes ses conneries que tu en es là !

— Je sais, mon cœur, mais je ne peux pas revenir en arrière... C'est trop tard maintenant.

— C'est toujours trop tard, j'ai l'impression...

Nous sommes interrompus par quelqu'un qui toque. L'officier Smith fait son entrée et me demande de quitter les lieux, car l'heure de partir pour l'audience approche. J'échange un dernier regard avec Luke puis je m'en vais à contrecœur, le laissant seul une nouvelle fois.

Quand je quitte l'hôpital, je me dépêche d'aller au tribunal. Une foule de journalistes se trouve déjà devant les grands escaliers du bâtiment. La boule au ventre, je franchis les portes et, une fois dans la salle, je vais m'asseoir à la même place qu'hier. Je sens encore un regard se poser sur moi, celui de Charles, mais je l'ignore. Il a beau toujours essayer d'avoir de petites attentions envers moi, ses origamis, il peut se les garder ! Luke fait lui aussi son entrée, menotté, ce qui me met hors de moi. Après lui, c'est au tour du juge. L'audience peut reprendre...

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Ne me tuez pas s'il vous plaît ! 😥😂

Qu'en pensez-vous ?

La suite, la semaine prochaine...

ÉvangélineWhere stories live. Discover now