À nos âmes perdues

7- Comme chien et chat !

Séoul, un mois plus tard.

« Dépêche toi Wu Jin ! »

Dans les rues colorées de Gangnam, Kim Sang Chul traînait son ami par le bras. Venant tout juste de finir leurs services, les deux hommes slalomaient entre les passants et ignoraient la neige fondue qui les trempait. Aujourd'hui était un grand jour. Le réveillon de noël était ce soir et ils avaient promis à Seok Jin de venir l'aider à préparer l'Exodus pour l'occasion. Cependant, le vaste quartier ainsi que le monde qui s'y trouvait ne leur facilitaient pas la tâche. Et oui, le faucheur aurait dû y penser... Cela paraissait logique qu'au alentour de midi les humains seraient eux aussi en pause déjeuner et que, par conséquent, les allées du célèbre quartier seraient bondés.

« Franchement Sang Chul... Tu ne penses pas qu'on aurait pu se téléporter ? râla Wu Jin qui tentait désespérément de suivre la cadence. Pour une fois qu'une de nos capacités se montre utile !

– J'aurais bien voulu mais je te rappelle que nous n'avons pas le droit d'utiliser nos pouvoirs hors de nos missions !

– Oui, mais... tenta le chinois.

– Tais toi et marche plus vite !»

Touché dans sa fierté, le grand brun resta muet. Il était sérieux là ? Le soigneur venait tout juste de se faire couper la parole par un gamin âgé de 223 ans. Les jeunes de nos jours avaient vraiment besoin d'apprendre la notion de respect, pesta t-il avec amertume, étant plus âgé d'un siècle et de trois années et demi précisément. Et dire qu'il lui avait même proposer son aide !

Sous la pluie battante, les deux passeurs avançaient rapidement. Bousculant au passage certains piétons, ils ne faisaient pas vraiment attention. Soudain, alors que Sang Chul s'engouffrait dans une ruelle étroite, Li Wu Jin percuta de plein fouet quelqu'un au virage. Le choc fut tel qu'il renversa cette personne sans avoir le temps de réagir.

« Bon sang ! Vous ne pouvez pas faire plus attention !» s'exclama la jeune femme.

Assise sur les fesses, l'inconnue se frottait énergiquement le bas du dos. La chute n'avait pas été des plus agréable. Son sac à main était complément renversé sur le bitume poisseux. D'un geste spontané, elle dégagea les mèches rebelles collées sur son visage et laissa retomber sa chevelure violine le long de ses épaules. Entre le mauvais temps et son début de journée catastrophique, il ne manquait plus que cela !

Lorsqu'elle eut fini de ramasser ses affaires, elle lança un regard noir au faucheur. Ce dernier était resté planté là, immobile. Tout était allé trop vite pour lui. Il n'avait pas eu le temps de comprendre ce qu'il s'était passé. Son visage qui d'habitude affichait un air paisible se transformait peu à peu en une face rouge pivoine, soucieuse d'avoir attiré l'attention sur elle de cette manière. Debout, tout penaud comme un enfant que l'on aurait pris la main dans le sac, il fixait respectivement de ses yeux sombres la Coréenne intransigeante, puis au loin, l'imbécile plié de rire qui lui servait d'ami.

Mais pourquoi avait-il décidé de sortir en civile aujourd'hui ! Pourquoi avait-il décidé d'écouter Sang Chul !

Après un temps de réaction supérieur à la moyenne, le garçon décida d'agir. Il vérifia qu'il portait bien ses gants en laines et lui tendit l'une de ses grandes mains. Le passeur affichait un sourire timide qui se voulait navré. En tout bon gentleman qui se respecte, (et surtout pour rattraper son erreur), il aida ainsi la jeune femme à se relever, puis de s'inclina à plusieurs reprises en signe d'excuse. Même s'il pouvait parfois paraître mou et étourdi, Wu Jin était en réalité une personne attentionnée, très à cheval sur la politesse. Pour lui, les règles du savoir vivre ainsi que le respect pour autrui, représentaient les piliers fondamentaux qui édifiaient notre société, que cela soit chez les humains ou bien chez les morts. Il était donc tout à fait dans sa nature de se comporter ainsi.