Histoire de lune

23 - La clé de ton esprit

-Améthyste ? 

Quatre ombres étaient penchées sur moi. J'ai voulu leur dire de s'écarter mais rien n'est sorti de ma bouche. J'ai réessayé, ce qui m'a provoqué un spasme pulmonaire qui a semblé me déchirer la poitrine. Je m'étouffais littéralement. Une des ombres s'est approchée et des lèvres se sont plaquées sur les miennes. J'ai senti une bouffée d'air s'introduire de force dans mes poumons. Puis une autre. Et avant qu'une autre ne puisse s'immiscer j'ai aspiré de moi même l'air du soir, me forçant à la recevoir au creux de ma gorge et j'ai toussé très fort. Puis mon corps s'est apaisé. J'ai pris de longues inspirations et ma respiration s'est faite automatique. Puis ma vision est redevenue nette. John et la fille me regardaient d'une étrange façon, Théo pressait ma cuisse avec insistance comme pour que je réagisse par réflexe, et Aiden semblait soulagé.

-Et bah... Elle nous a fait quoi la mignonne ?

Le ton de la fille était toujours aussi désagréable. Je ne regardais que Aid pour ne pas fondre en larmes. 

- Redresse toi. Il m'a prise par l'épaule et m'a assise.

- Ou sont les autres ? 

- Allés chercher quelqu'un...

- Qu'est ce qu'il s'est passé ?

- Ça fait un peu plus de 5 minutes que tu ne respires plus.

Le ton de Théo m'a fait froid dans le dos.

- C'était comme si tu retenais ta respiration.

John s'est assis sur une couverture et a joué avec le bois dans les flammes. 

- J'étais sous l'eau.

Personne ne m'a dévisagé, comme si tout était normal

- J'étais sous l'eau et il y avait ce corps en décomposition... Je... Je ne comprends pas pourquoi j'ai vu ça. Je crois que je connais son nom, c'est...

Avant que je puisse ajouter quoi que ce soit mes yeux se sont embués et j'ai laissé des larmes coulées sur mon visage. Aid s'est un peu rapproché et ma serré dans ses bras pendant que Théo m'interrogeait : 

- Et sinon... t'es bourrée ?

J'ai reniflé et me suis écartée pour lui faire face. Mes mains n'étaient pas chaudes, ma tête ne tournait plus. J'ai fait signe que non. Il a eu l'air perplexe.

Quelques minutes plus tard les autres sont revenus avec quelques personnes qu'ils avaient pu trouver au village. Parmi elles j'ai reconnu la caissière de la supérette. Elle est arrivée en même temps que les autres, et comme tous les autres s'est intéressée à ma santé. Quelques uns ronchonnaient en constatant que tout allait bien et qu'ils avaient été dérangé pour rien, d'autres se souciaient de comprendre pourquoi une telle chose avait pu se produire. Je restais vague sur ma version des faits et laissais leur imagination exercer un diagnostique bien plus plausible que la réalité.

- Tu veux venir marcher ? Ma proposé la vieille dame aux yeux violets une fois que tout le monde fût satisfait de mon état et repartit en direction du village. 

- Oui.

Nous nous sommes dirigées vers l'eau du lac et l'avons longer doucement. 

- C'était une vision vous savez. Mais j'ai peur... J'aurais pu mourir.

Elle a hoché la tête.

- Il faut que tu ais conscience que tout ce que tu fais dans tes visions a des répercutions sur toi. Sur ton corps que tu laisses dans ce monde. Même s'il est beaucoup plus facile de prendre des risques lorsque tu t'en échappes.

Je l'ai regardé sans cillé. Je commençais à m'habituer aux réponses floues. D'informations floues en informations floues je pouvais obtenir quelque chose d'un peu plus concret. Après tout, moins par moins ça fait plus. 

La nuit était totalement tombée. Le ciel, marqué de centaines de petits points scintillants, prospérait dans son immensité. Nous nous sommes arrêtez presque au même moment pour l'admirer.

- J'ai l'impression de vous connaître.

Je l'ai dit si bas que j'ai douté qu'elle ai pu l'entendre. Cependant elle m'a regardé, m'a sourit et a pointé sa tempe avec son index en tapotant légèrement dessus.

- La clé de tout cela est dans ta tête Améthyste. Garde bien ça à l'esprit.

J'ai posé machinalement mon index sur ma tempe.

- Bonne nuit.

Elle s'est remise à marcher en direction du comptoir de John et, par conséquent, en direction du raccourci montant au village dont il m'avait parlé. J'ai fait demi tour pour retrouver mes amis qui s'étaient à nouveau réunis autour du feu. 

John et la fille étaient encore là. Je brûlais de savoir son nom alors je me suis accroupie vers Théo et le lui ai demandé. Il a répondu en chuchotant :

- Sadie.

Evidemment. La fille de Carla. Elle me regardait fixement, jouant avec un marshmallow entre ses doigts vernis. Son regard était froid et intense. Plein d'obscurité.