9 - Des règles étranges

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La vieille femme a ouvert les yeux en sursaut, s'est redressée et a défroissé sa robe. Elle avait les traits de nature sévère mais l'amour qu'elle portait à sa fille et à sa petite fille les adoucissait légèrement. Ses mains et ses poignets étaient frêles, prêts à se casser au moindre mouvement et pourtant on sentait une force robuste en elle. D'un seul coup d'œil on savait qu'elle était noble. Le sang bleu coulait très visiblement dans ses veines distendues... Cette femme ne m'inspirait que droiture.

- Vous êtes enfin là ! Bonjour ma fille. Bonjour Emilie.

- Bonjour grand-mère. A répondue mon amie.

Elle a marché à notre rencontre, sa robe flottait jusqu'à ses chevilles, elle portait des gants blancs délicats et ses cheveux tombaient sur ses épaules. Un pur model de grâce et de sérénité.

Je n'ai pas pu m'empêcher de me redresser un peu et de remettre mes cheveux en ordre discrètement.

- Alors, vos noms ? A t-elle demandé en s'adressant à nous.

- Avant toute chose, je m'en vais... Je vais vraiment être affreusement en retard. Bonne vacances tout le monde. Elle a embrassé sa fille et sa mère puis s'est précipitée dans les escaliers avant d'ajouter :

- Maman tu m'appelles si jamais il y a un souci ! Je vous aime.

Nous l'avons tous salué de la main jusqu'à ce que le van disparaisse derrière le mur qui entourait le terrain. La grand mère a reposé sa question et Emilie s'est légèrement tournée vers nous, attendant que nous lui répondions. Voyant que personne n'osait ouvrir la bouche j'ai dit mon nom dans l'espoir de débloquer la situation. Ça a fonctionné.

- Très bien... Je m'appelle Sophie. Vous pourrez monter dans vos chambres un peu plus tard mais avant nous allons voir, ensemble, les règles de ce manoir qui sont vitales au bon déroulement des vacances.

Elle nous a fait signe de la suivre et a ouvert l'imposante porte de bois.

A l'intérieur, un énorme escalier séparé en deux branches nous faisait face, un lustre en cristal scintillant pendait au plafond et un grand tapis brodé de fils dorés était étalé sur le sol.

J'ai émis un étrange bruit involontairement. L'intérieur remettait en cause ma comparaison avec le film d'horreur... Sophie a continué sa route jusqu'à une des ouvertures sur le côté du vestibule et s'y est engouffrée. C'était un petit salon équipé d'un sofa en velours bleu, d'un bar, et d'un billard encore comme neuf.

- Je suis impressionnée ! A lancé Kate à la vieille dame, toute trace de gêne aillant disparue de sa voix.

Celle- ci a ricané maladroitement.

- Ma maison fait beaucoup d'effet. Peut-être même trop...

- Comment ça ?

Sophie a poussé un long soupir en s'asseyant sur le sofa et Emilie a pris la suite en main :

- Tous les bourges du coin viennent ici pour essayer d'avoir le manoir. Ils observent le moindre faux pas de mamie pour inciter la commune à l'envoyer dans une maison de retraite, ils peuvent rester des heures devant le portail du jardin. Une fois un d'eux est même entré par effraction. On a même eu droit à la ''page de pub'' à signer qui s'est avérée être un document d'échange de propriétés. S'ils croient réellement qu'ils arriveront à trouver quelque chose qui compromettra l'appartenance de la maison à cette famille, ils se mettent le doigt dans l'œil comme dit ma mère.

Elle a ouvert un tiroir sous une petite table en bois et en a sorti un document.

Suite à la mort de son mari, madame Intel, seul dans le château «Veltmann» ne sera plus disposée à s'occuper de toutes les taches. C'est pour cela que je prends la généreuse décision de payer son inscription en maison de retraite ou elle sera accueillie et traitée avec beaucoup d'attention.
Ce qui laisse la demeure sans habitant... Son testament ne permet à aucun membre de sa famille d'accéder à l'héritage du patrimoine et c'est pour cela que je propose également de racheter les terrains et d'en faire ma propriété.
Cordialement M.Fournier

Signature de l'habitant :

- Pour qui me prennent-ils ? A murmuré Sophie dans sa barbe.

- Je comprends... Avec de l'argent ils pensent qu'ils peuvent tout ce permettre... a soufflé Kate, à nouveau gênée du silence qu'elle avait provoqué.

- Bon, venons-en à ces fameuses règles ! Pour commencer, les fumeurs fument dehors. Deuxièmement, vous verrez, il y a du sable au fenêtre. Je tiens à ce qu'il ne bouge pas. Et troisièmement, je ne veux pas que vous alliez dans l'aile droite du château. Elle est beaucoup moins... accueillante. C'est bien compris ?

- Oui. A t-ont répondu ensemble.

- Vous êtes grands les enfants... par pitié, soyez dignes de vous même et ne mettez pas le bazar...

Emi s'est levée, a pris ses bagages et nous a souri à tous avant de se mettre à courir en direction des escaliers. J'ai ri et me suis moi aussi mise à courir jusqu'à l'étage, toujours ma valise verdâtre sous le bras et mon sac à dos sur les épaules.

Tout le monde a suivi le mouvement et nous sommes arrivés dans un long corridor avec plusieurs portes. Juste sept, comme si elles nous attendaient. J'ai continué ma course pour avoir la toute dernière, celle du fond. Il m'appelait. J'ai ouvert la porte avec la grâce et la douceur d'un éléphant pour pénétrer dans la chambre. Un lit double bordé par deux tables de nuit en bois, elles mêmes surplombées par des lampes blanches, occupait le centre de la pièce.

Un fauteuil trônait dans un coin près de l'unique fenêtre ( énorme fenêtre ) qui donnait vue sur le jardin. 

Sur le mur d'en face était accroché un grand miroir juste au-dessus d'une commode noire. Je me suis regardée, les cheveux emmêlés, et mon tee-shirt mouillé de sueur. Ce n'était pas vraiment une apparence glamour à côté de cette demeure éblouissante mais je m'en fichais un peu.

La seule chose qui m'importait à ce moment là était de m'asseoir dans le fauteuil moelleux et de contempler le paysage pour le reste de ma vie.

Passer ma vie à dormir dans ce lit immense, d'une blancheur parfaite. Loin des souvenirs que ravivait la maison de notre ville.

Une vie en deux mois... En deux mois je voulais vivre ma vie comme si elle pouvait s'arrêter juste après. 

Soudain, mon regard s'est arrêté sur une poignée de porte, à ma gauche, sur le mur ou il n'y avait ni lit, ni fenêtre, ni miroir. Je me suis précipitée pour l'ouvrir, et y ai découvert une salle de bains. Elle disposait d'une douche à l'italienne dans un de ses coins et d'une baignoire qui jouait les solitaires en son milieu. Elle était d'une blancheur immaculée elle aussi... J'ai remarqué que des sels de toutes les couleurs étaient disposés sur le plan des lavabos en coupe.

L'envie de prendre un bain m'a alors submergé mais un petit cri venant du couloir et un gros bruit sourd m'ont ramené à la réalité.

J'ai laissé à mon cerveau le temps de se reconnecter correctement au monde qui m'entourait, outre cette salle de bains, et suis sortie de la chambre à grands pas pour comprendre se qu'il se passait.

Histoire de luneWhere stories live. Discover now