4 - L'enveloppe

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Elle a hoché la tête, avalant sa bouchée de hamburger végétarien en vitesse pour pouvoir répondre avec des mots :

- Avec plaisir.

Dix minutes plus tard, la cloche de reprise des cours a retenti.

- Je vais voir mes potes cinq minutes pour m'excuser de ne pas avoir bouffé avec eux, je t'attends dehors... M'a t-elle dit avant de se lever et d'aller jeter le contenu de son plateau.

J'en ai profité pour retourner à ma table habituelle avec les autres. J'ai soulevé mon plateau dans lequel restait la quasi totalité de mon repas, que je n'avais presque pas touché, et suis allée m'asseoir là où ils étaient tous réunis, discutant sans grande implication de la date du départ.

- Qu'est ce que tu penses du fait de partir dimanche toi ? M'a demandé Kate, levant sa tête de son assiette presque vide.

- C'est pareil nan ? Demain, dimanche... Qu'est ce que ça change ?

- Elle a raison. Tant qu'on y va... Aiden m'a souri en prononçant cette phrase. Je n'ai pas répondu à ce sourire. D'abord parce que je n'étais pas d'humeur à sourire et ensuite parce que j'étais bien décidé à ne pas montrer le moindre sentiments meme pas un pur sentiment d'amitié.

- Bref, je vous laisse je dois retrouver quelqu'un...

Emilie s'est crispée, devinant que j'allais rejoindre Jane puisqu'il n'y a pas de fumée sans feu. Mais même si j'avais envie de lui expliquer, je n'avais pas le temps et je me suis contentée de lui dire ''A ce soir'' en lui lançant un regard qui se voulait rassurant. Mes yeux se sont tout de même posés sur Aid comme pour capter la moindre réaction de sa part à l'évocation de la soirée. Il a souri gentiment, a cillé sans réagir plus et je me suis mordue la joue pour éviter de lui crier dessus. J'ai traversé à nouveau toute la cour jusqu'au grand hall et c'est seulement devant mon casier que j'ai relâché ma joue. Le goût métallique du sang s'est alors répandu sur ma langue, m'arrachant un petit bruit de surprise. J'ai haussé les épaules, ai pris mes sacs et me suis dirigée vers la sortie sans pour autant sortir directement. J'ai pivoté et j'ai regardé une dernière fois le grand hall en pierre inondé de bruit et de lumière. J'ai regardé une dernière fois les casiers rouges vifs et les gens que je ne connaissais pas courir un peu pour arriver vers leurs amis. J'ai reniflé l'odeur de vieux qui m'avait bercé tant de fois lors de mes micro siestes en cours et j'ai enfin fini par me retourner face à l'entrée principale.

Dehors, une petite masse de personnes s'accumulait autour de l'arrêt de bus.

Jane, assise sur une table en bois près de la grande haie qui délimite le terrain de l'établissement, me fixait avec un sourire. Je me suis approchée doucement, haussant les épaules. On était tous dans ce cas. On regardait tous l'établissement peut être pour la dernière fois... Chacun des terminals allait partir pour l'université, les classes préparatoires et les petits jobs à mi-temps dans une autre ville et ne reverrait jamais ce lycée. Ca nous faisait à tous un léger pincement au cœur. A moi plus encore, puisque je ne quittais pas la ville pour quelques années seulement. Ma mère allait vendre la maison et m'accompagner. Ma fin de scolarité était une excuse pour elle. Une excuse pour s'en aller. Pour tourner la page.

J'ai souri de façon un peu hypocrite, je l'avoue, et nous avons commencé à marcher le long du trottoir jusqu'à ce qu'apparaisse le sentier s'enfonçant dans la petite forêt qui borde le bas de la colline.

Après quelques minutes de silence pesant elle a entamé une discussion sur ses projets de vacances ( pas très remplies ) et j'ai voulu lui demander de venir avec nous chez la grand-mère d'Emilie comme je l'avais prévu mentalement... Mais comment est ce qu'elle aurait bien pu le prendre ? Et est ce que j'étais moi même capable de formuler cette phrase ? Je ne l'a connaissais pas assez pour prévoir la réaction qui l'aurait alors animé et je ne voulais pas déclencher un tsunami. De plus Emilie ne m'avait pas donné son accord...

Nous sommes arrivées dix minutes plus tard à l'endroit précis où l'homme se tenait. Le large rocher surplombant tous les autres était calé grâce à une multitude de petites pierres et ne semblait pas très stable. J'ai fait le tour du caillou à la recherche de la drôle de trace qu'il avait laissé derrière lui jusqu'à ce que Jane s'exclame :

- Ce que tu voulais vérifier, ça ressemble à quoi ?

- Un truc rouge je crois.

- Alors viens.

- T'as trouver quelque chose ?

- Je sais pas... regarde...

Une belle enveloppe rouge sang gisait sur le sol... Elle l'a ramassé. Un bout de scotch accrochait encore sur le papier :

- On l'ouvre ?

- He les filles vous faites quoi ?

J'ai sursauté, Théodore et Aiden était presque à notre niveau en train de monter la pente rocheuse.

- Vous qu'est ce que vous faites ? J'ai renchéri, un peu agacée.

Théo a dit qu'il avait vu un machin depuis le stade d'athlétisme et qu'il voulait en savoir plus. J'en ai déduis que je n'était pas la seule à me poser des questions et surtout que Aid ne me prenait pas pour une folle finalement, puisque son pote avait dû lui faire la même remarque que moi.
Jane a décoché l'enveloppe et en a sorti une feuille pliée en quatre. Elle l'a déplié et a lu à voix haute :

628.

- Ça veut dire quoi ça ? A demandé Aiden. J'imagine qu'il était conscient que nous n'en savions incontestablement pas grand-chose non plus.

- C'est quoi ce numéro ? A t'il ajouté.

- Ça peut être un numéro d'adresse. Ou de casier. J'ai dit

- Le casier 628 ? Tu sais à qui il appartient ? A demandé Jane

- On a qu'a aller voir.

Ils ont hoché la tête, j'ai empoché le bout de papier et nous avons détalé la pente rocailleuse jusqu'à la forêt. Nous nous sommes très vite retrouvés à nouveau devant le lycée et une sorte d'excitation est née au creux de mon ventre. J'avais l'impression d'être comme ces détectives hyper stylés dans les feuilletons à la télé, en train de démêler le fil d'une enquête. Assez excitée pour respirer un grand coup et prendre mon courage à deux mains tandis que les garçons étaient un peu éloignés de Jane et moi :

- Jane ?

- Oui ?

Les mots que je redoutais sont sortis sans me demander davantage mon avis.

- On part en vacances chez la grand-mère d'Emilie cet été. Ça te tente ?

- Je doute qu'Émilie veuille bien de moi.

- Tu viens ce soir au moins ?

Elle a haussé les épaules et s'est éloignée vers l'arrêt de bus. Comme si l'envie de découvrir la signification du papier avait subitement disparue rien qu'a l'évocation d'Emilie. Comme si je venais de lui infliger un lavage de cerveau et que tous ses synapses avaient explosés les uns après les autres.

J'ai rejoint les garçons et Théo a réalisé qu'il devait aller chercher son frère à l'école. Il a demandé à Aiden de l'accompagner et je me suis retrouvée seule devant le lycée. Et j'étais résolue à découvrir à qui pouvait bien appartenir le casier si c'était un casier. Peu importait si je devais le découvrir toute seule. 

Histoire de luneWhere stories live. Discover now