1 - Une matinée comme les autres

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Sept heures pétantes ont sonné depuis mon téléphone lorsque je me suis retournée dans mes draps une énième fois. Mes yeux désespérément ouverts dans l'obscurité que m'administraient encore les volets clos, scrutaient attentivement la porte. Cette nuit là a été plus tourmentée que les autres. Ce genre de nuit où vous pensez à votre voisin, puis la seconde suivante à l'abominable homme des neige et puis soudain, à un tabouret. Où tout est désordonné. Surement que les gens croient qu'une fois le marchand de sable passé au près de tous les gosses du quartier il n'y a plus âme qui vive dans les maisons éteintes mais ce n'est pas vrai. Ou bien c'est ce putain de marchand de sable qui ne me considère pas comme une gosse... Après tout, j'avais dix-huit ans depuis quelques heures à ce moment là..
La poignée de porte s'est abaissée tout doucement et par réflexe j'ai fermé les yeux, attendant gentiment que ma mère vienne écarter les volets métalliques pour pouvoir les rouvrir comme si de rien n'était. La routine ai-je pensé en souriant à la silhouette brune de ma mère. Elle s'est approchée un peu pour m'embrasser et j'ai machinalement remonté les draps contre ma poitrine. C'était devenu répétitif... Je passais la nuit dans le noir, à compter les moutons, les marques sur mon corps, ou à en faire d'autres, dans le pire des cas... et une fois le matin venu, c'était comme si rien ne s'était jamais produit.

Elle est sortie en silence et j'ai soufflé en m'asseyant, face au grand miroir doré sur le mur opposé. Les rayons du soleil matinal m'ont caressé les orteils. J'ai souri en les regardant s'agiter en éventail, puis mon regard s'est porté sur mon reflet : Cernes creuses, cheveux noirs emmêlés, corps pâle... Rien d'impressionnant. Tout ce qu'il y a de plus banal sur cette terre. Mais pour être tout à fait clair, la banalité c'est ce que les gens comprennent et ont compris depuis longtemps. C'est ce qui rentre dans les normes. Dans des cases bien définies. Alors, je ne le suis pourtant pas totalement. Quand on a les yeux violets, on peut avoir le physique le plus banal du monde, on ne le sera jamais entièrement, quoi qu'on puisse en penser. Parce que personne ne comprend vraiment... Bien sur, j'ai fait des recherches... La couleur n'est dûe qu'au taux de mélanine dans l'iris et à une mutation particulièrement rare, provenant de l'Antiquité et qui n'apparaît presque que chez les femmes. Il est aussi dit dans certains articles que ce gène provoque des réactions surnaturelles chez les personnes la portant. Comme le renforcement du système immunitaire ou le vieillissement à retardement. Mais toutes ces informations ne semblent pas fondées. Les scientifiques ont tellement peu de sujets à traiter qu'il leur est impossible de pondre de véritables explications.

J'ai passé deux doigts derrière ma nuque pour la faire craquer, me suis levée, ai enfilé une chemise trop grande et ai filé sous la douche.

Après avoir mis un jeans, un débardeur et des converses j'ai trottiné jusqu'à la cuisine où ma mère préparait un petit déjeuné constitué de fruits, de gaufres sans gluten et de jus frais :

- Bonjour maman. Ai-je dis en lui déposant un baiser sur la joue.

- Bonjour mon cœur ! Joyeux anniversaire. Elle m'a tendu une gaufre sur laquelle brillait une petite bougie et j'ai soufflé dessus en souriant, avant de mordre dans la préparation moelleuse. Puis son visage s'est fermé un peu et elle a enchaîné :

- Je ne suis pas sûre que ta soirée de ce soir soit une bonne idée... Tu as vu tes cernes ? Si ça continue tu ne vas même pas pouvoir partir en vacances avec tes amis. Je ne veux pas retrouver un zombie pour ta rentrée.

- Maman... On en a déjà parlé ! Je sais que l'idée que je parte deux mois ne te plaît pas mais j'en ai besoin. Et puis ce soir tout le monde sera là, je peux pas ne pas y aller !

Elle a commencé à vouloir répondre mais je l'ai subitement coupé du bout du doigt, horrifiée par l'heure qu'affichait mon portable.

- On en reparle tout à l'heure, je rentre tôt. Là je suis à la bourre. Bisous.

Histoire de luneWhere stories live. Discover now