Comedia della justice Part 1

83 2 0
                                    


Nous savons qu'il était mort par la faute d'un automobiliste qui, en ayant voulu éviter un chien, le percuta alors que mon frère finissait de parcourir le passage clouté qui le menait à notre quartier. J'ai conscience qu'un accident de la route pouvait arriver à n'importe lequel d'entre nous. Que, de plus, quand nous nous rendons fautif d'un excès de vitesse, d'un mauvais stationnement, nous devons payer. Chacun a des devoirs et des règles à respecter et si tu franchis la ligne, tu dois payer une amende. Ma famille est de celle qui croit au sens moral, qui a un sens aigu des valeurs et qui plus que tout croit au système des droits et devoirs. Si tu renverses quelqu'un sur la chaussée, tu es responsable de ta conduite, de ta voiture. Mon frère mort, personne n'est vraiment responsable.

L'acte de police relève les faits suivants :

Vers 18:30 ce jeudi 30 janvier, le conducteur roulait à plus de 60 kilomètres heure dans une zone limitée à 50. Il roulait sur la voie de gauche. Ils étaient quatre dans la voiture dont le chauffeur. Mon frère portait un pantalon blanc et une verte rouge mais personne ne le vit sur le passage clouté. Le conducteur a percuté mon frère qui traversait un passage piéton clairement identifié par des bornes jaunes lumineuses. Lui prétend avoir voulu éviter un chien.

Aucun des témoins que ma mère va voir ne fait état de ce chien.

Mon frère est mort à 500 mètres de la maison et personne n'en est responsable ? le conducteur n'a ni retrait de permis, ni amende, ni prise de sang pour contrôle de l'alcoolémie. Que vaut un mort accidenté de la route aujourd'hui ? Rien. Quelle suite donne-t-on au responsable de cet acte ? Rien.

Nous sommes déjà confrontés à notre douleur mais cette information fait l'effet d'un tsunami dans nos cœurs. C'est injuste qu'un homme ne paye pas.

C'est inacceptable et nous ne voulons pas que Christian soit mort sans que personne ne paye. Il y a un responsable, ce responsable doit assumer son erreur devant la justice.

Quel recours avons-nous, nous, famille de la victime pour que cet homme paye sa dette devant la justice ? Comment pouvons-nous nous faire entendre et faire en sorte que mon frère ne soit pas mort dans le silence général de la société ? Nous ne savons pas forcément vers qui nous tourner et nous n'avons pas connaissance des procédures mais nous sommes tous d'accord pour un point : nous allons porter plainte pour homicide involontaire.

Où et comment s'y prendre quand on n'a jamais mis les pieds dans le système judiciaire ? Issus d'une famille modeste et sans histoire, nous n'avons jamais fait appel à la justice. Nous nous sentons quelque peu démuni. Qui contacter ? qui peut nous renseigner ? Mes parents contactent un ami qui nous oriente vers son avocat qui, a un détail important, est spécialiste du droit des affaires. Contact téléphonique établi, nous avons 15 jours à patienter avant de le rencontrer et de lui exposer notre requête.

En attendant ce rendez-vous primordial, je retourne en cours, "la terre continue de tourner et ne s'arrête pas sur nos malheurs". Le jour de mon départ pour l'IUT arrive. J'offre des fleurs à mes parents pour leur dire que je les aime et combien ils comptent pour moi. Je veux, malgré mon chagrin, qu'on soit fort et qu'on se soutienne mutuellement. Partir de la maison est un autre déchirement. Je voudrai rester à leur côté car retrouver mon studio c'est me retrouver seule face à ma douleur. Le chemin du retour en voiture est long et mon ami doit souvent s'arrêter pour me consoler. Arrivée à mon studio, je le retrouve tel que je l'ai laissé : le petit autel de recueillement, la photo de Christian et les trois bougies. Je me rends compte que tout cela n'a servi à rien et qu'au moment même où je priais pour lui, il était déjà mort. Mes prières et mon énergie n'y avaient rien changé. Et pourtant ma vie allait changer. De retour en classe, mes camarades veulent me présenter leurs condoléances mais moi je ne les vois pas. Je ne vois que celle qui, comme quoi, a aussi perdue sa sœur. C'est là que je me rendis compte que la mort tisse un lien invisible entre tous les vivants qui ont perdu un être qui leur est très cher. Je ne peux plus me rapprocher des personnes qui n'ont pas traverser ce miroir. Ils ne peuvent pas comprendre ce que je vis et leurs mots n'e changera pas ma situation. Car ce ne sont pas des mots que je recherche mais tout simplement une présence qui comprend ce que je vis.

N'oublie pas mon frèreWhere stories live. Discover now