Second Life | Junhao

2🍃

Contrairement à avant, je ne me retrouve pas dans une petite ville bondée, ni dans un champ de cactus magiques. Je suis sur une plage de sable fin et blanc, avec de l'eau de mer qui ne fait même pas de vagues. Je me retourne pour voir où est Ho-dong, mais je ne le vois pas. Une soudaine panique me prend. Je vais mourir ici, sans savoir pourquoi, dans un endroit que je ne connais pas. Je me demande si mes parents s'inquiéteront de ne plus me voir. Ce ne serait pas la première fois que je les décevraient, que je disparaîtrais sans raison, où que je ferais une crise d'adolescence tardive. Enfin bon, maintenant je ne les côtoie plus.
À force de tourner en rond sur moi même, le vieux qui me sert de guide arrive comme une petite fleur, et c'est aussi à ce moment là que je crois voir se dessiner un grand bâtiment. Mais ce bâtiment m'est familier. Au bout d'environ deux minutes, on peut très facilement distinguer les détails de cet immeuble, qui se trouve être mon ancien lycée. Bon Merlin l'enchanteur, t'es où ? Renvoie-moi sur ma planète, je n'avais même pas fini ma douche.

— Junhui, tu veux savoir ce que tu fais là ?

— Oui, je n'attends que ça.

— Alors sois patient.

Je soupire. Il va m'en faire combien des faux espoirs comme celui-là ? En fait, sûrement que lui non plus ne sait pas où il est, et qu'il est aussi perdu que moi. Cette pensée me rassure en tout cas. Ho-dong arrive à mon niveau et me fait avancer.

— Oh ça va papi, je sais marcher, lâché-je.

— Ne t'avise plus jamais de me parler comme ça, me répond-t-il sévèrement en appuyant sur chaque mot prononcé. Nickel.

Plus nous nous approchons de mon lycée, plus je me revois, ma bande de potes et moi, assis au pied d'un arbre bien précis, en train de faire les langues de vipères, et de se lancer tout un tas de paris à la con. Je deviens nostalgique de cette période que j'aimais bien, mais qui ne m'a pas aidé à m'en sortir dans la vie. J'apprécierais beaucoup revivre ces années, à la seule différence de me concentrer davantage sur mes études, et surtout de faire moins de conneries.

— Raconte-moi tes années de lycée.

— Prévenez pas surtout quand vous allez me poser une question qui relève de ma vie privée. Vous vous êtes pris pour qui ? M'énervé-je

— Hormis tes relations amoureuses, il faut le dire, assez toxiques pour certaines, quel genre d'adolescent étais-tu ?

— Le genre à faire de la merde dès que l'occasion se présente. Pourquoi ?

— Dis moi. De la drogue ? Des bagarres ? Des fugues ? Raconte moi tout, me demande Ho-dong sans aucune pression.

— Je crois que j'ai harcelé une ou deux personnes avec mes potes. On était complètement défoncés, je rigole. Combien de fois j'ai séché les cours ? Beaucoup trop pour mettre un nombre. On allait fumer un peu tout ce qu'on trouvait. Certains de mes amis vendaient de la drogue, mais je n'ai jamais voulu. Le marketing, tout ça, ça n'a jamais été mon truc. Enfin bref, j'ai été viré une fois pendant deux semaines parce que j'avais déclenché une bataille de bouffe, mon lycée était du genre stricte. Du coup mes parents m'ont engueulé. Alors pendant ces deux semaines, avec mon ami Xiaojun on allait se retrouver un peu n'importe où. On y dormait, on y mangeait. C'était cool. Jusqu'à qu'on finisse au poste de police.

— Tu a l'air décontracté en parlant de ça.

— C'est de l'histoire ancienne, ce qui est fait est fait. Donc on a avait fait du vandalisme sur quatre immeubles de bureaux, et deux écoles. C'est nos parents qui ont payé nos conneries évidemment. Les miens m'ont mis à la porte jusqu'à que je retourne au lycée, donc environ cinq jours dans la rue à faire les poubelles. Mais je n'ai jamais revu Xiaojun. Il me manque encore, étrangement, il était important pour moi. Je me demande ce qui lui est arrivé.

Ho-dong me laisse dans un silence assez lourd, ce qui est vraiment une horrible sensation. Je ne sais pas vraiment où me placer. En regardant mon lycée, je me vois, avec mes amis, à rigoler tels les drogués qu'on était. Si seulement je savais ce que j'allais devoir endurer par la suite...
J'essaie d'avancer mais j'ai l'impression que l'image recule. Alors je m'arrête, et elle aussi. Vraiment bizarre, comme tout ce que je suis en train de vivre depuis deux heures. Puis j'entends les pas d'Ho-dong. Vu sa corpulence, il n'est pas très discret. Il me tapote l'épaule gauche, alors je me retourne, et il a l'air heureux. En même temps, il ne vient pas de dévoiler une partie de sa vie à quelqu'un qu'il ne connaît pas, donc pourquoi serait-il dérangé ?

— Profite de la scène devant toi.

— Pourquoi ? Demandé-je. Elle est dans ma mémoire.

— Profite, je te dis.

— C'est ce que j'étais en train de faire avant que vous ne m'imposiez votre présence.

— Bon d'accord.

Cette réponse sonne bizarrement dans ma tête. Quoi "d'accord" ? Qu'est ce que j'ai dit pour qu'il approuve ? Puis je me met à ressentir que je m'endors. J'aime bien, parce que je suis insomniaque, alors dormir me fait du bien. Mais ce n'est pas normal ! Que je suis bête parfois moi. Je ne peux pas songer une seconde de plus, je me sens transporté dans les vapes.