Chapitre 26 (1/2)

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— C'est une garce.

Je m'attendis à ce qu'il proteste, la défende ou encore m'engueule pour avoir osé dire du mal de la chancelière, mais au lieu de ça, il éclata de rire. Un rire franc et profond qui éclairait son visage. C'était rare de le voir comme ça, il riait peu, même lorsque nous étions avec notre escouade.

— Tu as raison, avoua-t-il alors que je le dévisageai avec étonnement. Je connais peu de femmes aussi détestables que ma mère.

Oh. Pour une fois qu'on s'accordait sur un point, j'étais surprise qu'il s'agisse de celui-ci.

— Mais...

— C'est ma mère. Oui, tu as raison, mais ça fait partie des choses qu'on ne choisit pas, lâcha-t-il d'un ton amer. Elle est... manipulatrice, cruelle et n'a ni conscience, ni morale. Il aurait été préférable que pour une fois, tu n'attires pas son attention, mais j'imagine que c'était trop te demander... souffla-t-il en s'emparant d'une coupe. Tu n'as pas la moindre idée de ce que tu viens d'accepter.

— Elle va envoyer deux de ses gorilles me botter les fesses en public. Je ne suis pas à une humiliation près, je survivrais, ricanai-je, un énième verre de champagne à la main.

— J'espère qu'elle s'en tiendra à ça... Mais si ce n'est pas le cas, garde en tête que je ne pourrais pas t'aider.

— Qui a dit que j'avais besoin de ton aide ?

Il se tourna vers moi et m'attrapa le menton pour me forcer à le regarder. Son contact me fit frissonner.

— Tu as constamment besoin de mon aide, tu n'en as juste pas conscience. Si tu savais le nombre de fois où j'ai dû intervenir en ta faveur... Peut-être que tu arrêterais de me regarder comme si c'était moi l'ennemi à abattre.

— Bien sûr ! Et je te tomberais dans les bras. Classique. Je ne t'ai jamais rien demandé, alors remballe ton numéro, je ne suis toujours pas intéressée.

Il sourit et me relâcha. Ce genre de sourire arrogant qui montrait qu'il n'était pas le moins du monde touché par ma petite pique. Pourquoi il le serait d'ailleurs ? Il savait très bien que c'était du vent. Il savait depuis longtemps que j'étais loin d'être indifférente étant donné qu'il est branché en direct sur mes émotions.

— Viens danser, dit-il soudain en tendant la main dans ma direction.

— Certainement pas.

— Oh pardon, tu as cru qu'il s'agissait d'une proposition ? railla-t-il en s'emparant de mon bras pour me tirer sur la piste.

— Je ne sais pas danser, lâche-moi ! Trouve quelqu'un d'autre pour te distraire, protestai-je en tentant vainement de me défaire de sa poigne de fer.

— Je me doute bien que tu ne sais pas danser. Tu sais à peine marcher avec ces trucs, dit-il en désignant mes pieds avec une grimace. Mais tu n'as pas le choix, c'est un bal, tous les invités doivent danser.

— Ne critique pas mes chaussures où tu auras affaire à Swann.

Il ricana, s'arrêta au centre de la salle, passa ses mains dans mes cheveux et défit mon chignon d'un geste sec. Mes cheveux tombèrent en cascade dans mon dos tandis qu'il remettait en place l'une de mes mèches rebelles.

— C'est elle qui va avoir affaire à moi si elle essaye encore de te transformer en poupée.

Il m'attrapa les mains et les posa sur ses épaules, puis s'empara de mes hanches avec un naturel désarmant et se mit à bouger au rythme lent de la musique. J'avais à peine remarqué qu'elle avait changé de rythme. Je le suivis tant bien que mal, calquant mes mouvements sur les siens avec le peu de grâce dont je disposais.

— Si j'avais su qu'il me suffisait d'un chignon et d'un peu de maquillage pour que tu regardes ailleurs j'aurais demandé aux filles de faire ça plus tôt.

— Sauf que je ne regarde pas ailleurs, répliqua-t-il d'une voix rauque en plongeant son regard brûlant dans le mien.

Instinctivement, je détournai les yeux. Je n'avais pas envie qu'il me regarde de cette manière, je n'avais pas envie de ressentir ce que je ressentais quand il était proche de moi. J'aurais voulu oublier le contact de ses mains sur mes hanches, et des miennes sur son corps. J'aurais souhaité que mon cœur ne s'emballe pas lorsqu'il me touchait. Tout ça n'avait aucune importance, c'était une passade, le genre qui vous rend fébrile et irréfléchie, mais je ne pouvais pas me la permettre. Je voulais être libre et Aaron n'était qu'une chaîne supplémentaire.

— Quels... quels dons ont les hommes de ta mère ? bafouillai-je dans l'espoir de changer de sujet.

Suivant le changement de rythme de l'orchestre, il changea de position, attrapa l'une de mes mains et me fit tournoyer un moment avant de m'attirer de nouveau vers lui.

— Nous en parlerons plus tard. Tu devrais profiter de cette soirée, la semaine qui t'attend risque d'être très désagréable.

Il était penché vers moi et son souffle me brûlait la peau. Il était trop près, beaucoup trop près et mon instinct me dictait de le fuir avant que les choses ne dérapent. Car ça ne manquerait pas de déraper si je n'arrivais pas à focaliser mon attention sur autre chose que ses lèvres.

— Tu as raison ! m'exclamai-je soudain en retirant mes mains de ses épaules. Il paraît que la soirée est plus intéressante au sous-sol. Je vais y aller et puis toi, tu n'as qu'à ... rester là et je ne sais pas, trouver quelqu'un d'autre pour danser ?

Avant qu'il n'ait le temps de me retenir, je me dégageai, et tournai les talons. Je ne marchai pas, je courrai presque. Nao et les autres me dévisagèrent un instant puis leur regard convergèrent vers Aaron qui s'était déjà lancé à ma poursuite. J'aurais pu avoir honte qu'ils soient témoins de cette scène, mais en réalité tout ça m'était égale. Je me fichais de leur avis sur la question ! Je ne pouvais pas me laisser dévorer par une quelconque relation avec le type qui représentait à lui seul tout ce que je cherchais à fuir. A ce jeu-là, autant accepter de devenir soldat et ça il n'en était pas question !

En arrivant aux escaliers je dus me résoudre à ralentir pour ôter ces maudites chaussures avant de reprendre ma fuite. C'était contraire au plan, et si Bran avait été là il m'aurait probablement ordonné de faire demi-tour, mais il n'était pas là.

— Aloys ! gronda la voix d'Aaron dans mon dos alors que j'atteignais le hall d'entrée.

La pièce était déserte, seul quelques personnes en quête d'air frais s'étaient massées à l'extérieur du bâtiment. L'une des portes latérales avait été ouverte et donnait sur un escalier éclairé par des lumières aux couleurs criardes.

— Tu comptes me fuir éternellement ?

— Oui c'est l'idée ! rétorquai-je en jetant mes chaussures dans un coin avant de m'engager dans l'escalier.

Je ne savais pas si c'était dû à la vitesse à laquelle je descendais ou à l'alcool que j'avais bu, mais les lumières semblaient défiler à toute allure autour de moi et le sol glacial me parut étrangement bancal. Je reconnus le bruit sourd de la musique joué à plein volume et continuai d'avancer. Je n'avais qu'une envie, me fondre dans la foule, boire et danser jusqu'à oublier l'endroit où je me trouvais. Après tout, ce n'était pas très différent d'une boîte parisienne, de la musique, de l'alcool et des gens qui dansaient. Il ne manquait que mes amis pour parfaire le tableau. Arthur, Elena, Inès, Pauline et Hugo... Ils me manquaient tous affreusement, et même si deux d'entre eux étaient encore en vie, ce n'était plus vraiment ceux que j'avais connus. Je ne pouvais même pas leur en vouloir parce qu'au fond, moi non plus je n'étais plus celle qu'ils avaient connue. J'étais devenue une petite emmerdeuse, désobéissante, bornée et immature à des années lumières de la fille sage et réservée de l'époque. La seule constante restait mon incapacité à gérer la gent masculine.

Avant que je n'atteigne la foule, une main se referma sur mon bras et me tira en arrière. J'étais furieuse qu'il m'ait suivie jusqu'ici. Je voulais simplement, oublier tout ça, être libre, juste pour une soirée, mais même ça il me le refusait.

Aloys (Tome 1) : lightning and shadowWhere stories live. Discover now