J'aurais voulu me relever, et courir, courir le plus loin possible de ce massacre, mais mon corps ne répondait plus. Les regards azurs des jumeaux se posèrent sur moi. Il n'y avait ni peur, ni émerveillement dans leurs yeux, juste de la fatalité. Ils savaient eux aussi ce qui arrivait aux mutants. Il n'existait aucune exception : c'était soit l'armée, soit la mort.
— Il faut partir, lâcha Arthur d'une voix sourde.
Sa sœur hocha la tête et se mit debout. Elle inspecta rapidement les restes de la bibliothèque et me fit signe de me lever.
— Les soldats sont hors-jeu, ça nous laissera le temps de fuir, mais il faut faire vite. Il y en a partout dans la zone et je doute que les gens que tu viens de sauver te couvrent.
— Je... je ne peux pas me mettre debout.
Aussitôt, Arthur passa mon bras sur son épaule, m'attrapa par la taille et me remit sur mes pieds. Je m'effondrai sur lui, incapable de supporter mon propre poids, mais cela ne sembla pas le déranger.
— Où on va ? demanda-t-il à sa sœur.
— Pour le moment, loin d'ici. On verra pour la suite plus tard.
Le ciel était dégagé, on ne voyait que rarement un élémentaire de feu passer désormais. On entendait encore au loin le son des derniers combats qui prenaient fin et de quelques victimes qui pleuraient et criaient çà et là, mais de toute évidence l'attaque était terminée. C'était toujours comme ça, des attaques aussi imprévisibles que rapides mais qui faisaient toujours des centaines de morts dans les deux camps. On ne pouvait pas faire un mètre sans tomber sur un cadavre. Une odeur répugnante mêlant sang, chair brulée et soufre flottait dans l'air avec insistance ce qui me retournait sans cesse l'estomac.
Après avoir marché pendant plus d'une heure, nous débouchâmes sur une grande place où se dressait une gigantesque colonne de bronze. J'avais beau avoir l'esprit encore embrouillé, j'avais suffisamment vu cette place pour la reconnaître. Il s'agissait de la place Vendôme, ce qui voulait dire qu'on avait marché plus de trois kilomètres depuis l'université. Dans un coin de la place, un monticule de corps avait été entassé et brûlé par les soldats de l'ANH. La vision d'autant de cadavres mutilés et l'odeur de chair brûlée me fit rendre mon déjeuner. J'étais même surprise de ne vomir que maintenant vu le nombre de fois où mon ventre s'était retourné depuis le début de l'attaque.
Me dégageant des bras d'Arthur, je m'adossai contre le mur et me laissai glisser doucement jusqu'au sol en soupirant. J'étais épuisée autant physiquement que mentalement. Mon bras me lançait là où l'Elémentaire m'avait touché et du sang séché avait coulé de mon épaule à ma main. J'étais dans un piteux état, ce qui était plutôt comique quand on voyait les jumeaux qui eux étaient toujours impeccables. Aucune blessure, aucune mèche de travers, c'était à peine si leurs vêtements étaient froissés.
— Elle a besoin de se reposer, fit remarquer Arthur à sa sœur en désignant la pauvre créature que j'étais.
Je tremblai comme une feuille, en partie parce que j'étais terrifiée et en partie parce que mon corps ne s'était pas encore remis de l'effort fourni dans la bibliothèque. Elena s'apprêtait à le contredire quand un soldat émergea derrière elle.
— Mademoiselle, vous allez bien ? Vous n'êtes pas blessée ? lança un jeune homme en s'approchant de moi d'un pas hésitant.
Je le détaillai rapidement afin de m'assurer qu'il ne représentait aucun danger. Il était jeune, plus jeune que moi, à peine seize ans à en juger par son acné florissante, mais sa taille de géant pouvait porter à confusion. Il faisait facilement une à deux têtes de plus que moi, pourtant je n'étais pas particulièrement petite. Son uniforme gris était souillé de sang, mais il n'était pas blessé, il avait même l'air en pleine forme. Ses cheveux en bataille et son petit sourire timide lui donnait un air sympathique qui me poussa à lui faire confiance. De toute façon il y avait peu de chance que ce soldat qui se trouvait à plusieurs kilomètres de ma petite démonstration sache ce que j'étais capable de faire.
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Aloys (Tome 1) : lightning and shadow
Science FictionLa guerre est arrivée de nulle part, sans qu'on puisse l'empêcher. Les Elémentaires ont traversé leurs immenses portails luminescents avec un seul objectif : tout ravager sur leur chemin, détruisant jusqu'à la plus faible lueur d'espoir. Ils ne sont...