CHAPITRE 32 - Héritage

17.1K 1.4K 193
                                    

Nous avions eu vingt-minutes pour digérer l'énormité que Kalyra venait de nous dévoiler. Après, Lenora est venue nous chercher pour aller manger. Elyon allait m'y emmener quand ma grand-mère m'a retenue. Je me souviens encore de ce qu'elle m'a dit alors, débitant urgemment ses paroles :

« Une dernière chose : tu t'es rendue ici pour connaitre la position géographique d'Oblivion. Je ne l'ai pas. En revanche... »

Sa main s'était posée sur mon cœur et, violemment, plusieurs images étaient apparues sous mes yeux. Elles étaient sombres, indistinctes, anciennes ; sur le coup, ma respiration s'était arrêtée. Je n'avais aucun souvenir de ce qu'elles montraient : ma mère, penchée au-dessus de moi, une lune d'argent sur son front pâle. Au creux de ses mains brillait une sphère de magie éblouissante ; c'est elle qui m'empêchait de voir clairement... Jusqu'à ce qu'elle rentre en moi et que ma poitrine s'en imprègne. Les yeux si verts de Maman devinrent blancs, à ce moment précis. Comme si elle venait de se défaire de toute la magie présente en elle.

Je compris sans peine ce que cela signifiait : avant de mourir, Leia m'avait légué tout ce qu'elle avait... Maintenant, pourquoi ? Kalyra donna suite à sa phrase comme si de rien n'était :

« Tu la portes en toi. Leia te l'a donné pour qu'Archaos ne s'en empare pas. C'est toi, Seira, qui détient la clé d'Oblivion. »

La discussion que j'avais entretenue avec Archaos dans cette immensité sombre et étrange remonta à la surface comme un geyser en furie :

« — Au début, je voulais juste te demander de me céder la clé du royaume, puis j'ai réalisé que te tuer serait plus simple. Car étant le dernier Éternel, elle me reviendrait quoiqu'il arrive.

Je n'ai pas votre clé, crachai-je.

Tsst, tsst, m'interrompit-il, les dents serrées pour contenir sa soudaine colère. On ne répond pas, sale petite menteuse. »

J'avais jaugé Kalyra la bouche ouverte, peinant à suivre. Elle avait conclu, juste avant de m'embrasser et de s'éclipser dans le couloir :

« Je n'ai pas voulu t'en parler hier soir, car c'était encore trop tôt. Mais je sens qu'elle t'apparaîtra bientôt. Il fallait que je te prévienne : tiens-toi sur tes gardes. »

***

Je sentis deux bras musclés m'entourer les épaules, et quelque chose me chatouiller le cou. Des cheveux, et un souffle chaud. Je connus l'identité de leur propriétaire sans même avoir besoin de tourner la tête.

— Tout va bien ? chuchota Elyon à mon oreille, d'un ton presque sensuel.

La vibration qui avait fait onduler sa voix fit frémir ma nuque, et je me sentis avoir chaud, tout à coup. Il sourit, ravi du charme qu'il exerçait involontairement — ou volontairement — sur moi.

Lui mentir ne me sembla même pas être une option, et ma bouche formula la réponse d'elle-même :

— Kalyra m'a empêchée de vous rejoindre immédiatement, au dîner, tu te souviens ?

Il opina de la tête, revêtant comme un masque la facette du guerrier expérimenté. J'aimais sa manière d'être tantôt sérieux tantôt détendu, et à chaque fois en gardant son inébranlable sérénité.

— Eh bien, elle m'a annoncé que je renfermai en moi la clé de mon royaume, léguée par ma mère avant sa mort. Et qu'elle n'allait pas tarder à m'apparaître.

Avec une autre personne, je me serais attendue à ce que soupirs d'exclamation et yeux ronds soient la réaction à une telle nouvelle. Mais Elyon était un homme de sang-froid. Il hocha la tête et, dégageant une mèche de mon visage avec son pouce, dit de sa voix suave et apaisante :

La Gardienne des Légendes ✷ Tome I. La Relève [REPENSÉ & RÉÉCRIT]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant