CHAPITRE 6 - Rapidiorem

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Xerys se précipita brusquement dehors, cherchant quelque chose des yeux. Frénétique, son regard était devenu fou et il était impossible de ne pas discerner la peur dans ses prunelles. Je ne comprenais rien à ce qui était en train de se passer ; avait-elle senti quelque chose de dangereux ? Était-ce un autre de ses pouvoirs de Xemehys ?

Puis, apercevant sa mère au loin, mon amie s'élança jusqu'à elle, la démarche alerte et anxieuse. Ses longs cheveux blonds lui fouettaient le visage, et sa robe d'un tissu gris et fluide ondulait sous les assauts de sa course.

— Maman ! l'entendis-je crier, le souffle court. Maman, je l'ai senti !

J'accélérai la cadence et finis par la rattraper, me postant à ses côtés. Ma respiration était moins hachée que d'habitude, après une course. Je me surpris même à être encore capable de parler sans cracher mes poumons. Mes nombreuses longueurs nocturnes dans le lac près du Pensionnat auraient-elles enfin payé ? Ou alors était-ce un autre effet de ma transformation ? Peu importe, me rappelai-je vivement, honteuse de m'être fait distraire.

Isira se détourna brusquement, hochant la tête d'un air morne.

— Oui, je sais. Elyon aussi.

Et, comme pour illustrer ses paroles, le jeune homme atterrit à ses côtés, frappant le sol de ses pieds avec violence. Ses ailes, déployées de toute leur longueur et parées de reflets bleutés, incarnaient à elles seules la puissance. Se repliant dans son dos, elles créèrent une légère bourrasque de vent, qui souleva quelques mèches de nos cheveux. Ma poitrine se gonfla d'une sensation étrange.

— Une vingtaine de kilomètres... Le temps qu'il nous trouve, je dirais que cela nous laisse cinq à six jours, déclara Elyon, l'expression impénétrable.

Un silence, durant lequel je les dévisageai un à un, cherchant quelconque réponse dans leur regard.

— Je suppose que, vu que je ne suis qu'une pauvre petite orpheline innocente et chétive, on ne va rien m'expliquer ? M'emportai-je, perdant patience. J'aimerais vous rappeler que j'ai dix-huit ans aujourd'hui ! Je ne suis plus une enfant et ces petits sourires en coin que vous vous lancez m'agacent. Je suis en droit de savoir !

Elyon esquissa un rictus moqueur.

— Bon anniversaire, me souhaita-t-il, ne cachant aucunement la profonde indifférence qu'il éprouvait pour cette information.

À ce moment-là, j'eus la violente et soudaine envie de le gifler. Mais l'imperceptible fossette qui était apparue sur sa joue fit redoubler la cadence de mon cœur, et je sentis les miennes se réchauffer. Pourquoi suscitait-il une telle réaction de ma part ? Dès qu'il se trouvait à proximité, je me sentais forte et à la fois incroyablement vulnérable ; ça en devenait pathétique.

Xerys lui frappa le bras, et Isira prit la parole.

— La magie noire est lourde, elle tache et laisse des traces, où qu'elle aille. Les personnes qui en sont empreintes ont une aura différente de ceux qui pratique la magie blanche, comme nous. Cette aura est généralement bien plus large, bien plus forte... bien plus repérable. Il est possible pour une Xemehys, ou tout autre être magique puissant de la percevoir...

— Et ils ont ressenti celle d'Archaos, conclus-je en désignant Xerys et Elyon d'un hochement de tête, sentant la nervosité me gagner. Il arrive, c'est cela ?

Isira se mordit la lèvre, et Xerys vint poser sa main sur mon bras, cherchant à m'apporter son soutien. Je lui souris tristement, reconnaissante. Je n'avais jamais connu ce genre de filles ; en fait, on pouvait même dire que j'avais perdu foi en leur existence. Xerys était gentille, généreuse ; elle savait comment m'arracher un sourire, et le plus important... elle était présente. Elle était là, elle me soutenait, et elle me le faisait comprendre. Mon cœur se serra. On ne pouvait pas dire que ce genre d'attention m'était apportée au quotidien, pensai-je sarcastiquement. Elyon, lui, restait en retrait. Il se contentait de m'observer, une lueur indescriptible brillant dans ses prunelles d'encre. Je détournai les yeux, ressentant subitement un profond malaise.

La Gardienne des Légendes ✷ Tome I. La Relève [REPENSÉ & RÉÉCRIT]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant