CHAPITRE 9, PARTIE 1 - La Seizième

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Assise sur mon lit, les genoux ramenés contre ma poitrine, je peinais à réaliser. Je peinais à réaliser que d'ici une ou deux heures à peine, je serai Gardienne des Légendes. Comme ma mère, et toutes les autres gardiennes avant elle. Comment concevoir une telle chose ? J'allais acquérir une autorité, un rang, un pouvoir ! Me frottant le visage de mes paumes, je me laissai retomber contre le matelas. Mon cœur battait avec frénésie dans ma poitrine, et mes membres tremblaient d'appréhension. Pourtant, je n'étais même pas encore face aux huit Légendes !

Tournant la tête vers le côté, j'observais ma tenue : c'était une robe empire d'un tissu léger et plissé, coloré d'un doux bleu dragée. Le décolleté était à épaules tombantes, et la jupe d'une forme semi-circulaire. Fluide et longe, traînant de quelques centimètres au sol, elle était magnifique. Je n'aurais jamais pensé pouvoir mettre un vêtement aussi beau.

Un coup résonna contre la porte, et à peine eus-je le temps de répondre que ma Xemehys entra, chevauchant sa Nocturnale. Depuis l'accident, il ne restait de sa blessure qu'une cicatrice encore un peu rouge, et la jeune fille avait repris des couleurs.

Elle était déjà prête, portant une splendide robe d'un violet lavande au tissu aérien, luisant à la lumière. De ravissantes broderies étaient cousues sur son buste, mettant en valeur sa taille. Ses beaux cheveux blonds étaient attachés en un chignon impeccable, paré de délicates fleurs blanches. Je laissais échapper un soupir d'admiration.

Elle ne prêta pas attention à ma réaction, et, me voyant affalée sur mon lit (nullement prête), elle soupira.

— Tu es encore en train d'angoisser ? jugea-t-elle, la voix monocorde.

Le regard que je lui lançais la fit s'exclamer :

— Seira ! Maman a dit que tu ne devais pas te tracasser. Tout se passera bien ! me promit-elle.

— Plus facile à dire qu'à faire, râlais-je.

Elle leva les yeux au ciel, exaspérée par mon pessimisme, et m'ordonna :

— Lève-toi de ce lit et va te préparer ! Attendre en te lamentant ne va pas arranger tes cheveux, crois-moi. J'ai déjà essayé.

Je ne pus retenir un sourire, et, sans grande conviction et l'estomac noué, je me redressais et sautais de mon lit.

Mon amie me tendit ma robe, que je saisis doucement — le tissu était tellement fin ! Je craignais à chaque mouvement de le déchirer.

— Va te doucher et enfile-la, je t'attends ici.

J'obéis et refermais derrière moi la porte de la salle d'eau. J'ôtais mon vêtement, et pris bien soin de nouer mes cheveux au-dessus de ma tête. Puis, j'entrai dans le grand bassin, me dirigeant vers la cascade. L'eau tiède qui s'abattit avec force sur mes épaules me procura un bien-être indescriptible. Quand je ressortis du bassin, mes muscles dorsaux étaient détendus, et la cadence de mon cœur avait nettement ralenti. Je remarquai ma tenue de combat, posée un peu plus tôt dans la journée sur une chaise, dans un coin de la pièce. Les séances d'entraînement s'étaient faites intensives, ces derniers jours ; principalement avec Meryl. Isira s'était montrée très absente, surchargée de travail, et je n'avais plus eu d'exercice à la maîtrise de ma magie depuis le soir de l'accident. Cela ne me déplaisait pas le moins du monde ; au moins, j'étais sûre de ne blesser personne.

Faisant attention à ne pas la froisser, j'enfilai le vêtement. Je m'observai dans mon miroir, et une sensation étrange me traversa toute entière ; on aurait dit un mélange entre de la fierté et de l'excitation, saupoudrées d'une bonne dose d'angoisse. Inspirant un grand coup, je tournai la poignée de la porte et retournai dans ma chambre. Quand je refis face à ma Xemehys, celle-ci me jaugeait de la tête au pied, d'un regard scrutateur et attentif. La tête penchée sur le côté, un sourire satisfait aux lèvres, elle acquiesça.

La Gardienne des Légendes ✷ Tome I. La Relève [REPENSÉ & RÉÉCRIT]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant